Symptôme probable de notre sortie de l’histoire : les idéologies que nous produisons actuellement ne nous disent plus comment vivre, mais comment il convient de consommer le spectacle qu’est devenu pour nous l’histoire des autres. C’est ainsi que Marianne consacre un article touffu à ce que sont/devraient être nos manières de table pendant la consommation d’images de carnages en Palestine/Israël.
Terrified Israeli family being held hostage by Hamas terrorists after they killed one of the sisters of the little girl. #hamasattack #kidnapped #IsrealUnderAttack pic.twitter.com/QGklOWmh0K
— Lapson Luu (@LapsonLuu) October 8, 2023
En-dehors du monde blanc, dans l’humanité réellement existante que nous décrivent les anthropologues, il y a les liens du sang et les règles de l’hospitalité, formant un continuum qui définit les limites de chaque monde tribal. Et, en-dehors de ce monde, il y a des bipèdes plus ou moins humanoïdes qu’il est loisible (et, dans certaines circonstances, même recommandé) de traiter comme le reste des mammifères – en les abattant au besoin, quand leur présence semble nuisible.
Voilà la réalité brute que l’Occident historique, depuis quelques siècles, s’efforce de nier, sous le signe d’une idéologie progressiste qui, en perdant le sens historique, est devenue un révisionnisme anthropologique.
Voilà l’univers dont les Israéliens, en trois ou quatre générations depuis la création de l’Etat d’Israël, sont redevenus des membres à part entière, et que leurs voisins n’ont jamais quitté. Les uns comme les autres agissent donc suivant la logique de l’épuration ethnique.
La réalité historique ? Pas sans accord parental !
C’est cet univers que nous montrent – dans un moment particulièrement violent de son histoire – des réseaux sociaux amplement alimentés par l’omniprésence des caméras et de la guerre informationnelle, lesquels produisent ensemble un flux d’images dont l’article de Marianne prétend, à grand renfort d’expertologie, analyser l’effet de fascination.
L’ennui, c’est qu’au bout d’un ou deux paragraphes, on ne sait plus si l’auteur dénonce simplement l’utilisation de faux documentaires (images en provenance d’autres guerres et insérées dans ce flux à des fins de propagande), ou cherche à nous placer des mains maternelles sur les yeux, pour sauvegarder notre précieux déni de réalité.
Suivant une logique classique d’inversion accusatoire, l’article, prétendant se pencher sur l’horizon post-vérité des consommateurs d’information de notre époque, nous enfonce (sciemment ?) la tête dans cet horizon, en adoptant le point de vue nauséeux d’une sorte de diététique de l’horreur :
« Comment déceler le vrai du faux… et ne pas tomber dans une matrice anxiogène ? »
Euh… et si le vrai s’avère anxiogène, on fait quoi, chef ?