Edouard Philippe a mystérieusement planté la réforme des retraites en cloturant son funeste discours du mercredi 10 décembre par une sortie mal calibrée sur l’âge-pivot à 64 ans. Cet écart de langage a projeté la CFDT dans l’opposition et explique largement la participation à la hausse à la grève du 17 décembre. Les coulisses de cette sortie de route s’éclaircissent peu à peu.
Pourquoi Edouard Philippe a-t-il jeté de l’huile sur le feu mercredi dernier en égrenant les avantages de la réforme par points avant de la condamner en la liant à un recul de l’âge de départ à la retraite, « ligne rouge » que la CFDT avait demandé de ne pas franchir ? La rationalité de son geste a échappé à beaucoup, à commencer par les syndicats réformistes qui s’apprêtaient à soutenir le gouvernement mais se sont trouvés contraints de la lâcher.
La presse fait aujourd’hui écho aux raisons cachées qui expliquent cette étrange situation. Selon le Parisien, la rigidité d’Edouard Philippe serait d’abord due à l’influence de Benoît Ribadeau-Dumas, son directeur de cabinet très « orthodoxe » et socialement peu flexible, qui aurait durci le discours et ferait obstacle à tout délestage sur la question de l’âge-pivot.
Le quotidien rapporte une anecdote particulièrement croustillante. Ribadeau-Dumas aurait en effet reproché au conseiller d’Emmanuel Macron Philippe Grangeon, ancien de la CFDT, d’avoir laissé fuiter dans la presse des informations sur le plan du gouvernement. Le conseiller du Président aurait mal pris la chose et se serait braqué. Ce conflit radicaliserait désormais chaque partie. D’un coté, l’Elysée annonce un vrai effort en direction de la CFDT sur l’âge-pivot. D’un autre côté, Edouard Philippe ferait cavalier seul en indiquant aux syndicats qu’il ne bougera pas sur ce point.
D’où les déclarations de Laurent Berger à l’issue de la rencontre avec le Premier Ministre expliquant: « On est très, très loin d’un accord. »
Bref, une crise ouverte entre Matignon et l’Elysée n’est pas à exclure. La fermeté d’Edouard Philippe peut d’ailleurs s’expliquer par la récente mise en examen de François Bayrou, qui prive le Président d’un joker en cas de crise avec Matignon.