Un employeur ne peut pas licencier un salarié qui refuse de se faire vacciner, même s'il fait partie d'une profession soumise à l'obligation vaccinale, issue de la loi n°2021-1040 du 5 août 2021. Pour autant, existe-t-il un risque de se faire licencier, à postériori, et si oui sur quel fondement ?
1.La loi du 5 août ne prévoit pas le licenciement.
Ce texte législatif instaure à son article 12 une obligation vaccinale pour différents salariés et agents publics ressortant notamment des établissements sanitaires et médico-sociaux.
Un employeur ne peut pas licencier un fonctionnaire qui refuse de se faire vacciner, même s’il fait partie d’une profession soumise à l’obligation vaccinale. Cette possibilité de licencier pour non-vaccination a été retoquée par le Conseil Constitutionnel.
A la place d’un licenciement fondé sur le refus du fonctionnaire de se faire vacciner, le législateur instaure une suspension du contrat de travail. Plus précisément, le législateur précise que le salarié ne perçoit plus son traitement.
La première conséquence de cette incapacité à exercer son activité professionnelle est que le fonctionnaire est nécessairement privé de sa rémunération. Dans la fonction publique, on dit qu’il n’y pas de rémunération en l’absence de service fait.
L’agent n’est donc plus rémunéré. Ce faisant, s’il est en mesure de présenter par la suite un « passe sanitaire valide », il pourra reprendre son activité et bénéficier à nouveau de sa rémunération.
La deuxième conséquence est que cette période de suspension du contrat de travail n’est pas assimilée à une période de travail effectif de sorte qu’elle ne peut pas être décomptée pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par le salarié au titre de son ancienneté.
On peut ajouter que cette période non travaillée ne saurait également être décomptée au titre des droits à la retraite.
Pour conclure, la loi du 5 août 2021 ne prévoit pas expressément la possibilité de prononcer le licenciement d’un salarié qui ne serait pas en mesure de présenter un passe sanitaire valide et donc faisant mention d’une vaccination contre la Covid-19.
2.Existe-t-il un risque ?
Les différentes ordonnances sorties des tribunaux administratives indiquent que la décision de suspension sans rémunération n’est pas une sanction administrative et qu’à ce titre il n’est pas nécessaire de mettre en place une procédure disciplinaire garantissant au fonctionnaire d’être jugé par un organe indépendant et impartial et produire les éléments de sa défense.
Néanmoins, il est utile de rappeler que le législateur n’indique nullement, dans la loi, qu’il ne s’agit pas d’une sanction. Il s’agit donc d’une interprétation effectuée par les administrations et les juridictions administratives.
D’ailleurs, certaines administrations admettent «implicitement » que cela est une sanction. Pour preuve, elles autorisent, actuellement, les agents suspendus à travailler durant leurs suspensions.
Et pour cela, elles se basent sur une décision du Conseil d’Etat, du 3 juin 2019 n°424377, qui offre la possibilité du cumul d’emploi en cas d’exclusion temporaire.
En effet, décision de suspension sans rémunération envisagée par la loi du 5 aout 2021, ressemble dans ses effets à la décision d’exclusion temporaire de fonctions, prévue par la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
La dite sanction est privative de toute rémunération et elle épouse en tout point la décision de suspension sans rémunération envisagée par la loi du 5 aout 2021.
Dès lors que la mesure envisagée par la loi a des effets similaires à une sanction disciplinaire, un juge pourra tout à fait la requalifier, obligeant, in fine, l’administration à organiser des procédures disciplinaires.
Par ailleurs, en considérant que le refus de se faire vacciner fait obstacle à la poursuite de l’activité professionnelle du fonctionnaire, le législateur conditionne l’exercice professionnel à cette vaccination.
On pourrait, donc, envisager un licenciement pour inaptitude du salarié au motif qu’il ne serait pas vacciné. L’inaptitude médicale au travail peut être prononcée par le médecin du travail lorsque l’état de santé (physique ou mentale) de l’agent est devenu incompatible avec le poste qu’il occupe.
Cela reviendrait à constater qu’en l’absence de vaccination, l’état de santé du professionnel de santé serait incompatible avec le poste qu’il occupe.
Nous sommes ici, dans l’analyse portée par l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes, sur une inaptitude à exercer du fait de ne pas être vacciné.
Cependant, pour pouvoir procéder à un licenciement pour inaptitude, encore faudrait-il que l’ensemble des conditions législatives, règlementaires et jurisprudentielles encadrant un tel licenciement soient réunies.
Les obstacles apparaissent, donc, nombreux à commencer par la distinction que l’on doit faire en pareille procédure de licenciement, entre une inaptitude temporaire et une inaptitude définitive.
Dans les faits, on constate que cette crainte du licenciement peut exister mais apparait difficile à fonder juridiquement, notamment sur des secteurs publics, confrontés à une pénurie de main d’œuvre et un déficit d’attractivité très prégnant.