Il est d’usage de déplorer le manque de moyens au ministère de la Justice en France. La justice française serait la parent pauvre de la justice européenne. Sauf que… la Cour des Comptes a analysé en détail l’utilisation faite par le service public judiciaire des moyens nouveaux alloués depuis 2013 (+12,5% d’augmentation des budgets). L’audit mené par la Cour aboutit à la conclusion que le ministère s’est montré incapable d’utiliser correctement ces fonds.
On lira avec intérêt le copieux rapport de la Cour des Comptes sur les moyens du ministère de la Justice. Le document comporte en particulier des considérations très techniques, mais intéressantes, sur la maîtrise opérationnelle des dépenses publiques – sujet qui occupe ce blog.
En voici un morceau choisi.
Ce que la Cour dit du ministère de la Justice
“Selon les données du Conseil de l’Europe, les juridictions françaises bénéficient d’un effort budgétaire moindre que leurs homologues des États européens les plus comparables, en ce qui concerne les effectifs et les moyens budgétaires. Elles ont toutefois bénéficié d’une augmentation significative de leurs moyens votés au cours des dernières années : la LFI pour 2018 a prévu un budget de 3,44 Md€ pour le programme 166, soit une hausse de 12,4 % par rapport à 2013. Toutefois, le ministère peine à exécuter les plafonds d’emplois. De même, en raison des effets différés des recrutements de magistrats et personnels de greffe (du fait de la durée de leurs scolarités), l’analyse des effectifs réellement affectés dans le réseau judiciaire fait apparaître une augmentation très limitée au cours de la période sous revue. Entre 2013 et 2017, les emplois votés en lois de finances ont augmenté de 3,5 % pour les magistrats et de 6,6 % pour les fonctionnaires, alors que les effectifs de magistrats affectés en juridictions ont été quasiment stables (+0,5 %) et ceux des personnels administratifs en légère hausse (+1,8 %).
Sur cette même période, la performance des juridictions n’a pas connu d’amélioration significative. Certes, quelques indicateurs récents sont encourageants. La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, qui visait à davantage de simplification et à la déjudiciarisation de certaines procédures, semble produire ses premiers effets puisqu’en 2017 une diminution du nombre des nouvelles affaires et des stocks en matière civile est relevée pour la première fois.
En sens contraire, la proportion des tribunaux de grande instance en situation de fragilité au regard de l’allongement des délais de jugement, en matière civile notamment, a considérablement augmenté cette même année 2017. Globalement, les stocks d’affaires en instance, civiles et pénales confondues, dans les juridictions ont augmenté au cours de la période 2013-2017.”
Preuve est donc faite, s’il fallait encore la faire, que l’augmentation des moyens publics n’est pas la panacée.