Officiellement, la convention citoyenne pour le climat, cornaquée par des experts en démocratie participative, a délibéré seule sur l’avenir de l’écologie en France. Dans la pratique, les choses ont été un peu plus compliquées, et, à tous les étages, on a vu les lobbies industriels occuper des postes-clés pour orienter les débats.
Les lobbies industriels (et économiques) ont habilement joué leur partition dans la convention citoyenne pour le climat. Ceux qui ont un doute sur le sujet se référeront aux propositions issues de ses travaux. On s’apercevra par exemple que l’objectif 3 consiste à lutter contre le suremballage. Et comme nous allons le voir, il s’agit là d’un objectif industriel porté par un lobby proche du MEDEF.
Pour bien comprendre ce qui s’est passé, il faut énumérer les grandes figures du lobbying qui ont phagocyté la convention, en n’hésitant pas à se référer aux portraits que nous avons dressés par ailleurs.
Laurence Tubiana, lobbyiste en chef
Laurence Tubiana, l’ex-madame COP 21, présidente de la Fondation Européenne pour le Climat, a joué un rôle essentiel dans le déroulement de la convention. Elle co-présidait d’ailleurs son comité de gouvernance, et disposait de relais dans l’ensemble de l’organisation.
Nous publions ci-contre la liste des donateurs de la Fondation présidée par Laurence Tubiana. Les curieux pourront aussi lire avec intérêt la liste de ces « grantees », c’est-à-dire de ses soutiens scientifiques. On y relèvera la présence de la fondation Bloomberg, créée par l’ancien banquier de Salomon frères. On y trouve aussi la Good Energies Foundation, la fondation créée par la Good Energies Inc., un fonds d’investissement spécialisé dans les énergies renouvelables, devenu Bregal Energy. Et doit-on préciser que la Bregal Energy est l’un des pôles de la holding détenue par la richissime famille possédant la marque C&A, installée dans le paradis fiscal de Zoug, en Suisse ?
Comment passer de l’investissement financier à l’écologie…
Ces quelques exemples d’interférences entre les intérêts de la Fondation Européenne pour le Climat et le grand capital mondialisé qui voit dans l’écologie un nouveau marché à conquérir dispense de préciser ce que sont la fondation Ikea, la fondation Hewlett ou encore la fondation Rockefeller, autres mécènes de la fondation de Laurence Tubiana…
Catherine Tissot-Colle, la VRP multi-cartes de l’industrie polluante
Dans le comité de gouvernance qui a encadré la convention, on retrouve au rang des experts économiques une certaine Catherine Tissot-Colle, qui a oeuvré pendant plusieurs années chez Areva avant de rejoindre Eramet, le foreur de mines, dont elle est l’une des dirigeantes. Catherine Tissot-Colle a plusieurs casquettes. Elle fut nommée au Conseil Économique et Social en 2015 grâce à sa présidence d’A3M, le syndicat des métaux stratégiques.
Nous publions ci-contre l’impressionnante liste des adhérents de l’A3M. On y retrouve des noms bien connus, comme ArcelorMittal, Saint-Gobain, Vallourec, entreprises industrielles qui contribuent activement à l’émission de C02. On y trouve aussi la liste de syndicats qui laissent rêveurs dans le monde de l’écologie, comme ceux du cuivre, du zinc, du plomb….
Mais un nom intrigue tout particulièrement, parmi les adhérents d’A3M, celui de la compagnie minière Montagne d’Or, créée pour exploiter la zone du même nom en Guyane. La convention pour le climat comptait donc parmi ses organisateurs et experts une représentante des intérêts de la montagne d’or de Guyane…
Est-ce pour cela que nous lisons, page 122 du rapport de la Convention, cette formulation très mesurée ?
« Adoption d’un moratoire sur l’exploitation industrielle minière en Guyane (cette proposition a été rédigée avant que le projet de mine d’or soit abandonné le 23 mai 2020 à l’issu du Conseil de défense écologique). » Un moratoire, donc, et pas un abandon ? Venant de gens qui n’ont par ailleurs pas lésiné sur les interdits en tous genres, cette mollesse étonne. Page 123, on lira : « À ce jour, près de 360 000 ha de forêts primaires sont menacés par les multinationales de l’industrie minière. De nombreux projets miniers, de l’envergure de la Montagne d’Or, pourraient voir le jour, si un coup d’arrêt n’est pas décidé. De la même façon que la France a adopté un moratoire sur l’exploitation d’hydrocarbures via la loi Hulot en 2017, il convient d’adopter un moratoire, dès maintenant, sur l’exploitation minière industrielle en Guyane, pour protéger efficacement le climat. »
Un moratoire donc. Voilà à quoi sert la présence d’un lobbyiste : à orienter discrètement des débats pour que rien d’irréparable ne soit commis. Et sur ce point, s’il n’y avait le comité de défense écologique de mai 2020 pour abandonner le projet, la convention aurait simplement préconisé un moratoire, et non un abandon de ce projet très polluant.
Mais l’A3M dont Catherine Tissot-Colle est une émanation assume un autre métier : celui de l’économie circulaire et du recyclage. On trouvera trace d’audiences à l’Assemblée Nationale où la belle Catherine a préconisé le développement de cette forme vertueuse d’économie.
Sur ce thème, l’A3M défend des positions favorables à l’utilisation de métaux recyclables plutôt que du plastique dans les produits de consommation courante. On lira notamment cette position : « De même, un soutien actif aux acteurs performants, le développement de partenariats entre acteurs des filières de recyclage et entre industriels sur les territoires ainsi qu’une incitation à utiliser des matériaux recyclables comme les métaux, concourrait à développer une filière de recyclage exemplaire et une société plus efficiente dans l’utilisation de ses ressources. »
Miracle ! la convention a défendu la même position dans son objectif 3 (comme on le voit ci-contre) !
Un pur hasard, bien entendu.
Patrice Geoffron, l’homme de l’énergie
En égrenant la liste des différentes personnalités qui ont cornaqué la convention citoyenne, on trouve Patrice Geoffron, expert qui préside le Centre de Géopolitique de l’Energie et des Matières Premières. Cette institution méconnue est l’une des entités de l’université Paris-Dauphine. Elle organise notamment une chaire de l’économie du gaz naturel, sponsorisée par Total et EDF, une chaire des marchés européens de l’électricité, sponsorisée par Total et EDF, et une chaire d’économie du climat, sponsorisée par Total, EDF et la Caisse des Dépôts.
Autrement dit, nos grands acteurs de l’énergie avaient au moins un homme dans la place. Faut-il en trouver confirmation dans l’éloge de l’électricité et du gaz rédigé par la convention ?
Claire Tutenuit, l’autre VRP multicartes
Une autre experte s’appelle Claire Tutenuit, présentée sur le site de la convention comme déléguée générale de Entreprises pour l’Environnement. Ce syndicat patronal est présenté de la façon suivante sur son site : « Créée en 1992, l’Association Française des Entreprises pour l’Environnement, EpE, regroupe une quarantaine de grandes entreprises françaises et internationales issues de tous les secteurs de l’économie qui veulent mieux prendre en compte l’environnement dans leurs décisions stratégiques et dans leur gestion courante. »
Nous publions ci-contre la liste des entreprises qui adhèrent à EPE. On y retrouve tout le CAC 40, y compris les entreprises financières (Axa, BNP, Natixis, Caisse des Dépôts, Crédit Mutuel, Crédit Agricole, Kering, la holding de Bernard Arnault). On comprend donc que la présence de Claire Tutenuit, qui grenouille aussi à l’IDDRI, un think tank dédié à l’environnement et au climat, a au minimum servi à informer en temps réel les différents adhérents de l’association sur ce qui se tramait dans les couloirs et les séances de la convention. Faute d’une vraie transparence sur les débats (qui sont passés sous le radar de la presse et des analystes), il est trop tôt pour savoir si cette intervention est allée au-delà de la simple observation. Mais on peut gager qu’une experte aussi sensible a dû régulièrement mettre son grain de sel dans les discussions.
Lobbying à tous les étages
Contrairement aux illusions professées par la presse, la convention citoyenne n’est pas la réunion de 150 citoyens purs et désintéressés. Ceux-ci ont servi de paravent pour légitimer des propositions techniques préparées ailleurs, sous un format plus rapide que les discussions parlementaires, et qui visent à établir de nouvelles normes acceptables par notre appareil économique. Celui-ci prend le pari que le climat ouvre de nouveaux marchés qu’il faut rapidement réglementer.
là je suis rassuré, les industriels agissent et c’est bien. Je craignais que cette bande d’énergumènes ne nous fasse crever mais j’espère qu’il n’en sera rien.
quand une entreprise créé des emplois, c’est bien. Quand une entreprise cherche des marchés, c’est un lobby : je ne comprends pas !!!!!!!!!