L’affaire Benalla a une nouvelle fois rebondi avec, cette fois, l’ouverture d’une enquête pour corruption sur le volet franco-russe. La justice voudrait comprendre comment deux chargés de mission de l’Elysée, dont Alexandre Benalla, ont pu percevoir plusieurs centaines de milliers d’euro de la part d’un oligarque réputé proche de Poutine.
Du statut de lascar, Benalla passe progressivement au statut de barbouze retourné par une puissance étrangère. Les dernières révélations (Valeurs Actuelles, Libération, Le Monde) dessinent en tout cas progressivement les contours d’un personnage interlope entouré de nombreux barbouzes.
Benalla et la relation franco-russe
On sait aujourd’hui qu’Alexandre Benalla avait un ami nommé Chokri Wakrim, dont la compagne est une certaine Marie-Elodie Poitout, cheffe de la sécurité de Matignon. Celle-ci vient de démissionner de son poste pour éviter de nourrir des polémiques sur ces étranges connivences. Car Marie-Elodie et Chokri, qui habitent l’un des quartiers les plus chics de Paris (le Trocadéro) ont reçu Alexandre Benalla à leur domicile après son licenciement.
Tout cela n’aurait rien de gênant si cette relation ne se nouait sur fond d’affaires franco-russes.
Chokri Wakrim et la relation franco-russe
On est loin de tout savoir sur Chokri Wakrim dont Le Monde dit:
La chef de la sécurité de Matignon aurait rencontré M. Benalla en 2017, année de la présidentielle. « Alex » était surtout lié à son compagnon, Chokri Wakrim, un sous-officier de l’armée de l’air de 34 ans, qui a occupé un poste de comptable au commandement des opérations spéciales, lequel gère les unités d’élite engagées dans des opérations militaires. Selon nos informations, il y donnait des cours de boxe, comme instructeur.
Et un barbouze de plus dans l’entourage d’Alexandre Benalla! En l’espèce, selon Libération, Benalla aurait demandé à Chokri Wakrim d’intervenir dans le contrat franco-russe qu’il avait négocié avec l’homme d’affaires Jean-Louis Haguenauer, et qui était officiellement porté par Vincent Crase. Wakrim était “en charge, à Monaco, de la sécurité de la famille de Iskander Makhmudov.”
Corruption ou espionnage?
Dans ce magma, le parquet a décidé d’ouvrir une enquête pour corruption. Mais est-ce une affaire de corruption ou d’espionnage? Une fois de plus, la frontière est difficile à cerner entre les deux univers.
On remarquera en tout cas que Wakrim semble avoir été très introduit dans l’entourage de Macron. Ainsi, Le Monde note:
Durant la campagne, M. Wakrim fréquentait volontiers la petite bande de gardes du corps qui entourait Emmanuel Macron, racontent au Monde des témoins de l’aventure. L’un se souvient l’avoir aperçu parmi les invités venus fêter le président fraîchement élu le 7 mai 2017, dans le sous-sol du QG de la rue de l’Abbé-Groult, dans le 15e arrondissement de Paris, où chacun des piliers de la campagne recevait des proches. Un autre se rappelle de M. Wakrim « au bar à chicha qui se trouvait à côté du QG d’En marche !, à côté du métro Convention », comme ce vendredi 21 avril 2017, avant le départ du candidat pour Le Touquet (Pas-de-Calais). M. Wakrim y claquait la bise à Ludovic Chaker, l’homme des meetings d’En marche !, recruteur d’Alexandre Benalla et aujourd’hui chargé de mission à l’Elysée, sans pourtant apparaître dans l’organigramme public du cabinet.
Où l’on retrouve ce fameux Ludovic Chaker, dont le nom revient régulièrement sans qu’il ne soit jamais entendu ni par le Parlement, ni par la justice. Or Chaker se présente lui-même volontiers comme l’homme des services secrets.
Les étranges amitiés de Benalla avec le Syrien Khatab
On notera que Libération s’est intéressé aux relations entre Alexandre Benalla et le Syrien Mohammed Khatab, déjà évoqué dans nos colonnes. L’enquête révèle des points intrigants sur l’emprise que ce Khatab aurait sur l’imam Chalghoumi chouchou des médias:
Une note du SDLP du 1er juin 2016, que Libé a pu consulter, évoque aussi plusieurs «incidents» impliquant Izzat Khatab, présenté comme un «banquier aux fonds visiblement quasi illimités».
«Hypnotisé»
Ce document a été rédigé sur la base des témoignages de plusieurs officiers de sécurité de Hassem Chalghoumi. «L’imam étant hypnotisé par la nouvelle manne financière de son bienfaiteur, d’où une relation ambiguë, voire problématique avec l’argent», écrit le responsable du SDLP. Qui insiste sur le potentiel corrupteur de l’homme d’affaires : «Izzat Khatab porte une grande attention à notre équipe en essayant de prendre en charge nos frais de restauration. Systématiquement, il nous demande avec beaucoup d’obstination de manger ce que l’on désire et quand l’un d’entre nous ne souhaite pas s’attabler, celui-ci insiste fortement.» Au restaurant, le Syrien a en effet l’habitude d’exhiber de très gros billets, n’hésitant pas à lâcher des milliers d’euros pour satisfaire ses convives. «Nous opposons régulièrement des refus polis et fermes, mais devons régulièrement accéder à ses requêtes pour éviter de froisser gravement des susceptibilités qui pourraient nuire directement à la mission», poursuit la note, qui évoque aussi la présence, dans l’appartement prêté par Izzat Khatab à Chalghoumi, d’une personne originaire d’Aulnay-sous-Bois, «connue pour des faits de prostitution, agression, vols, escroqueries, etc.». Pourquoi Benalla et Wakrim se sont rendus aussi souvent au domicile d’Izzat Khatab au cours des derniers mois ? Contactés, aucun d’eux n’a répondu à nos sollicitations.
On prend ici les paris que d’autres révélations toujours plus explosives sont à venir.