Les grandes manoeuvres électorales battent leur plein au gouvernement, à l’approche du remaniement qui se prépare au sommet de l’État. Plus une journée ne se passe sans qu’une personnalité ne prépare son prochain poste. Édouard Philippe a donné une interview à BFM TV en forme de coup de semonce. Point de situation.
À la question posée par Ruth Elkrief, qui voulait dire explicitement: “pour combien de temps êtes-vous encore Premier Ministre?”, Édouard Philippe a botté en touche. Il n’a par ailleurs donné aucune indication sur ce qui se passerait après le 15 mars, date de clôture du Grand Débat. Voilà autant d’indicateurs qui prouvent que, au minimum, le débat est intense à la tête de l’État sur l’intensité du remaniement à pratiquer.
Une chose est acquise: le remaniement est imminent
Au bruit du moteur, le remaniement est imminent, voire en voie d’accélération. Pas un jour ne se passe sans qu’au moins un ministre ne prenne position sur son emploi électoral dans les prochaines semaines. Il y a ceux qui sont ou seront candidats aux européennes (Agnès Buzyn, Nathalie Loiseau, Brune Poirson, vraisemblablement). Il y a ceux qui se positionnent pour les municipales (Benjamin Griveaux et Mounir Mahjoubi pour Paris, Schiappa à Marseille). Bref, c’est la saison des moissons pour les candidatures.
Selon la règle posée par Emmanuel Macron, la déclaration de candidature valant sortie du gouvernement, on retiendra que cette précipitation ambiante à se déclarer candidat témoigne d’une préparation fébrile, en coulisses, d’un remaniement de grande ampleur.
Paris au coeur du remaniement
Plusieurs signaux faibles laissent à penser que les candidatures à Paris seront au coeur d’un grand ménage interne. On sait depuis plusieurs jours que le délégué général de LREM, Stanislas Guérini, proche de Benjamin Griveaux, a refusé de diffuser un sondage d’opinion qu’il a commandé sur la bonne candidature à Paris. Assez rapidement, on a senti que Benjamin Griveaux préparait son départ, rendant notamment Cédric Villani furieux. Faut-il en déduire que le sondage était mauvais pour Griveaux, qui a compris à cette occasion qu’il ne devait pas laisser sa chance passer?
Toujours est-il que les autres candidats ont commencé à ruer dans les brancards. Hugues Renson, le très chiraquien député du XVè arrondissement, a donné une interview fracassante appelant à un virage social du gouvernement, à l’unisson de l’horrible texte soumis par la CFDT hier. De là à penser que Renson prépare son entrée au gouvernement comme lot de consolation pour son futur retrait de la course à l’investiture… il n’y a qu’un pas.
L’affrontement des titan(ique)s Griveaux et Majouhbi
On serait quand même curieux de savoir quels étaient les résultats du sondage. Car, depuis sa non-diffusion, on entend moins Cédric Villani, dont on dit qu’il aurait dîné récemment avec Benjamin Griveaux. En revanche, on entend plus souvent Mounir Mahjoubi qui s’est dépêché d’annoncer urbi et orbi sa candidature aujourd’hui. Voilà donc potentiellement deux ministres de moins, et un de plus, si l’on retient l’hypothèse d’une arrivée de Renson dans un ministère à vocation sociale.
Une interprétation logique plausible est que le fameux sondage n’ait été guère encourageant pour Griveaux, et plus encourageant pour Mahjoubi. Mais, on n’en sait rien au fond.
Schiappa à Marseille
L’autre information caustique est la rumeur d’une possible candidature de Marlène Schiappa à Marseille. Cette rumeur a toutefois commencé à trouver un début de confirmation dans les propos de Marlène Schiappa elle-même, qui a exclu sa candidature “à ce stade”. Sans cet ajout, la rumeur pourrait paraître incongrue, mais on rappellera ici notre pronostic d’une éviction de cette ministre encombrante, rendue inutile par le virage à gauche que Macron s’apprête à faire.
Après tout, Schiappa ne devrait pas faire pire que Gaudin.
Pour les européennes, ça balance dans le coeur de Macron
Entre Buzyn et Loiseau, Macron peine à choisir. Laquelle de ces technocrates conduira la liste pour les européennes? On comprend que le dilemme soit compliqué à trancher pour le Président. Comme dans les autres partis, la perspective d’une taule aux européennes face au Rassemblement National n’a pas stimulé les candidatures de qualité, et le Président a l’embarras du non-choix plus que du choix.
On sent bien qu’Agnès Buzyn s’extrairait volontiers du gouvernement avant la loi santé qu’elle doit soutenir la semaine prochaine à l’Assemblée. Mais… car il y a un mais, l’aile orléaniste de la macronie, renforcée hier par le ralliement de Jean-Pierre Raffarin, préférerait placer son pion Loiseau dans l’échiquier électoral.
Philippe bande les muscles devant Macron
Comme l’a indiqué ce matin Le Canard Enchaîné, Édouard Philippe soutient chaleureusement la candidature de Loiseau en expliquant qu’elle est une meilleure candidate aux européennes que Buzyn. Derrière cet argument de circonstance qu’aucune démonstration scientifique ne pourrait corroborer, un autre jeu se joue, qu’a donné à montrer l’interview de Philippe sur BFM TV ce soir: Philippe ne partira pas livrer sans combat.
Il faut dire qu’Édouard Philippe sait que, mine de rien, la droite orléaniste dont il est issu est devenue le principal socle électoral du Président de la République. Macron n’ignore pas que cette orléanisation des marcheurs est artificiellement renforcée par Laurent Wauquiez qui peine à faire une synthèse crédible chez les Républicains. Assez légitimement, il sait qu’il est salutaire pour lui de retrouver son assise électorale naturelle plus à gauche.
Face à la tentation d’un virage social, Philippe a tenu bon ce soir devant les écrans. Il a appelé à une baisse des impôts (quand l’aile gauche de la macronie appelle à un suicidaire gonflement des dépenses publiques). Certes, Philippe a préconisé d’augmenter moins vite les dépenses publiques que la croissance, ce qui est très loin de vouloir dire baisser les dépenses publiques. Pour proposer cette dernière issue, il faudrait que Philippe soit libéral. Or, il n’est qu’orléaniste!
On reviendra dans les jours à venir sur la capacité d’Emmanuel Macron à trancher. La fermeté d’Édouard Philippe devant Ruth Elkrieff, son assurance, ont montré qu’il entendait bien forcer Emmanuel Macron à un arbitrage désagréable avant un remaniement ministériel.
Une chose est sûre: en se déclarant favorable à une baisse des impôts, Philippe a rendu impossible sa participation à un gouvernement qui opèrerait un virage à gauche.