
Les “gros” contrats d’assurance-vie doivent-ils perdre leurs avantages fiscaux au titre de la solidaritĂ© nĂ©cessaire pendant la pandĂ©mie ? Doivent-ils ĂŞtre taxĂ©s au taux de 45% pour financer les mesures de soutien aux salariĂ©s ? C’est ce que propose une dĂ©putĂ©e socialiste, Christine Pires-Beaune, dans une tribune publiĂ©e la semaine dernière par l’hebdomadaire Marianne. Â
Vers une taxation de l’assurance-vie Ă 45% ?
En l’Ă©tat, il ne s’agit que d’une tribune publiĂ©e dans la presse. Mais elle donne le ton des pressions qui vont s’exercer, notamment Ă gauche, sur l’exĂ©cutif dans les semaines Ă venir. Alors qu’Emmanuel Macron a Ă©voquĂ© un virage gauche pour “sauver” son quinquennat, par exemple Ă l’occasion d’un grand discours prononcĂ© le 14 juillet, des idĂ©es circulent dĂ©jĂ , que d’aucuns doivent lui chuchoter rĂ©gulièrement Ă l’oreille. Supprimer les niches fiscales pour les riches. Taxer en veux-tu en voilĂ . Ponctionner les hĂ©ritages. Des refrains bien connus. Â
De façon significative, la dĂ©putĂ©e Pires-Beaune a ciblĂ© l’assurance-vie. Â
Ensuite, l’assurance-vie est un outil “lĂ©gal” d’optimisation fiscale, qui jouit d’une fiscalitĂ© successorale très avantageuse [L’abattement et le taux maximum de taxation sont respectivement de 152.500 euros et 31,25 % en assurance-vie, contre 100.000 euros et 45 % dans le rĂ©gime de droit commun en ligne directe (1.594 € et 60 % entre tiers)] bien que durcie en 2014. Ce placement a Ă©tĂ© favorisĂ© par le lĂ©gislateur en raison du rĂ´le qu’il entendait lui faire jouer dans le financement de l’économie. Las, en 2019, plus de 80 % des encours Ă©taient encore investis en fonds euros, juridiquement garanti et donc peu propice Ă la dĂ©tention d’actifs risquĂ©s (comme les actions d’entreprises).Â
Rien ne justifiant donc cet Ă©tat d’exception, il est urgent de procĂ©der Ă un alignement de la fiscalitĂ© successorale de l’assurance-vie sur celle de droit commun. Les plus fortes sommes doivent ĂŞtre soumises Ă un taux marginal de 45 %, comme peut l’être aujourd’hui une maison de famille, par exemple.Â
On notera que la dĂ©putĂ©e ne chiffre pas le gain estimĂ© de cet “alignement” de la fiscalitĂ© de l’assurance-vie sur la fiscalitĂ© successorale. Il s’agit ici d’une simple mesure idĂ©ologique : il faut Ă©crĂŞter tout ce qui dĂ©passe. Et qu’un certain nombre de contrats d’assurance-vie soient le produit des Ă©conomies de toute une vie de labeur, notamment pour des travailleurs indĂ©pendants qui ont eu, pendant 40 ans, des semaines de 70 heures de travail, sans vraies vacances, pour constituer leur petit matelas, ne semble guère changer la donne. Â
Le risque d’une gauchisation d’Emmanuel Macron
Si la proposition de la dĂ©putĂ©e Pires-Beaune a peu de chances d’ĂŞtre retenue en l’Ă©tat, elle sonne nĂ©anmoins comme un avertissement. Le dĂ©confinement devrait ouvrir une pĂ©riode d’instabilitĂ© fiscale oĂą la manie de lever des impĂ´ts pour tout devrait trouver Ă s’exprimer. Si la rentrĂ©e politique d’Emmanuel Macron devait ĂŞtre agitĂ©e, il est plausible que la problĂ©matique du “taxer les riches” vienne au devant de ses angoisses et de ses arbitrages. Surtout si elle touche Ă l’Ă©pargne moyenne des travailleurs indĂ©pendants et laisse de cĂ´tĂ© les “super-riches” qui ont fait son Ă©lection. Â
Cette hypothèse est d’autant plus vraisemblable que l’Ă©tiquette de “prĂ©sident des riches” lui colle Ă la peau, surtout depuis la suppression de l’ISF. En coulisse, il se murmure qu’Emmanuel Macron serait assez jaloux d’Édouard Philippe qui, lui, n’est pas lestĂ© du mĂŞme boulet Ă porter. Ă€ deux ans d’un nouveau scrutin, la tentation de taper dans le dur de l’assurance-vie pour le budget 2021 peut donc ĂŞtre très forte. Ce serait une façon commode de se racheter une vertu. Â