Les partenaires sociaux commencent à se déchirer sur les grandes questions sociales, eux qui se présentaient volontiers comme la solution d’intermédiation pour sortir de la crise des Gilets Jaunes. La trêve qui a suivi la destruction partielle de Notre-Dame devrait être de courte durée. Et céder la place à des affrontements rudes entre des syndicats de salariés décidés à se relégitimer en obtenant des mesures de pouvoir d’achat et un MEDEF qui ne tient plus Macron que par un fil incertain.
Nous avons évoqué la semaine dernière la tentation lepéniste qui s’est emparée des hyper-riches, et qui devrait rapidement imprégner le MEDEF. Dans cette situation de turbulence intense, le MEDEF est en position de force pour dicter des mesures nouvelles au Président de la République. Ce glissement opérationnel ne s’est pas fait attendre… et les revendications arrivent.
Très discret depuis son élection, le président du MEDEF Geoffroy Roux de Bézieux est monté au créneau. Cette rupture dans son vœu de silence est un signe. Marginalisé par Emmanuel Macron qui lui préférait Jean-Dominique Sénard (écarté pour des “raisons statutaires” par Pierre Gattaz), Roux de Bézieux passe à l’offensive.
Entre la retraite à 64 ans et un complément de rémunération versé aux seniors par Pôle Emploi ou par l’Etat, Roux de Bézieux y va fort. Il accuse même le haut commissaire aux retraites (ancien président du CESE) Jean-Paul Delevoye de mentir aux Français. Que cette offensive sans concession intervienne maintenant est logique: le patronat a décidé de monnayer centime par centime son ultime soutien à un président de la République aux abois.
Changement de rapport de force au sein du MEDEF
Les observateurs noteront précieusement cette montée au front du président du MEDEF. Jusqu’ici, la centrale patronale avait plutôt suivi le maintien de l’âge de la retraite à 62 ans. Ce choix s’explique largement par l’influence des assureurs en son sein. L’ancien président de Generali France occupe d’ailleurs le mandat stratégique de président de la commission protection sociale du MEDEF.
Signe d’une influence en berne, le président du MEDEF prend désormais le contre-pied de cet important adhérent et se convertit à une doctrine qui ne peut que fâcher les syndicats de salariés. Par les temps qui courent, c’est un luxe.
FO en colère
Face à ces grandes manœuvres, le syndicat FO a annoncé qu’il quittait la concertation ouverte par Jean-Paul Delevoye. La décision est un peu symbolique, puisque cette concertation est pratiquement finie. Cette manière de partir après la bataille ne devrait d’ailleurs pas forcément crédibiliser un syndicat dont les variations de style et les tourments récents (comme le départ brutal du secrétaire général Pavageau) ont brouillé l’image.
Il n’en reste pas moins que, même sur le dossier emblématique des retraites, le gouvernement risque de se trouver dans une situation difficile dans les semaines à venir. Et l’on peut penser qu’Emmanuel Macron n’avait guère besoin de cette épine supplémentaire dans le pied.