Le mercato européen qui ne cesse d’échouer depuis la fin du mois de mai relève un conflit politique profond entre le groupe parlementaire dominant au Parlement européen, celui du PPE, c’est-à-dire du centre droit, et la vision française. D’un côté, des élus défenseurs du « Spitzenkandidat », c’est-à-dire de la nomination automatique à la présidence de la Commission du président du groupe parlementaire. De l’autre côté, la vision française, attachée à une négociation intergouvernementale qui s’imposerait au Parlement. Depuis le début, la méthode française crispe les parlementaires et bloque le jeu.
L’époque où le mercato européen se limitait à une négociation de coulisses entre les Etats membres les plus influents de l’Union semble bien passée. Il fut un temps où la décision des gouvernements prise en petit comité était la règle. Mais depuis 2014, on sent bien que, dans beaucoup de pays européens, ce système ne passe plus, n’est plus admis, et qu’il faut passer à autre chose. Seule la France s’oppose à ce système, et ça fait des dégâts.
Mercato européen et Spitzenkandidat
Le principe du Spitzenkandidat est tout sauf absurde, même s’il tranche avec la réticence française au parlementarisme. Dans cette idée très en vogue dans les pays germaniques, le Président de la Commission doit incarner la majorité parlementaire issue des urnes. D’où l’attente d’une automaticité: le groupe parlementaire qui obtient le meilleur score désigne un chef de file qui devient mécaniquement le Président de la Commission.
Ce système est évidemment « risqué », dans la mesure où il laisse la main à un groupe politique sans tenir compte des équilibres géographiques dont les gouvernements s’estiment les garants. C’est ainsi que le PPE, le Parti Populaire Européen, qui reste le premier parti de l’Union malgré une érosion de son socle électoral, a désigné l’Allemand Manfred Weber comme son Spitzenkandidat.
Tous les adeptes d’une Europe démocratique devraient logiquement se rallier à ce mécanisme qui lie la Présidence de la Commission à l’expression populaire.
Les maladresses de Macron coûteront cher à la France
Toute la difficulté de la France tient à sa capacité à comprendre que l’esprit aristocratique en vigueur dans notre pays n’est pas admis en Europe. Ainsi, très aristocratiquement, Macron peut déclamer devant des journalistes soumis qu’il est très européen, qu’il est pour la démocratie européenne et qu’il refuse le système des Spitzenkandidaten. Il n’y a qu’en France où une tripotée d’éditorialistes se pâme devant tant d’à propos.
En Europe du Nord, cette contradiction est impensable et suscite une réaction urtiquée. La démocratie pratiquée dans l’univers germanique est une affaire un peu plus sérieuse que chez nous. D’où les tirs de blocage que le PPE accumule depuis plusieurs jours face à l’opposition française à la nomination de Manfred Weber.
Sur ce point, Macron et sa morgue risquent de nous jouer un vilain tour. Après avoir expliqué vertement que Weber était un illustre inconnu incompétent, après avoir laissé Nathalie Loiseau expliquer à la presse qu’il était un ectoplasme, Macron s’est méchamment pris les pieds dans le tapis. Faute de comprendre que le mépris des énarques pour tout ce qui n’est pas eux n’a pas cours en Europe, il a soudé le parti populaire contre lui. Voilà qui nous coûtera cher.
Le PPE s’accroche à la présidence de la Commission
Il est très probable que si Macron avait expliqué qu’il ne voulait pas d’un Allemand à la présidence de la Commission, la candidature Manfred Weber serait tombée d’elle-même. Mais les attaques sur la qualité de la personne, l’expression de cette arrogance française si détestable, ont gâché l’ambiance. Désormais, le PPE a décidé d’avoir la « peau » de Macron et de lui imposer Manfred Weber.
C’est en fait devenu une affaire de principe: les députés du parti qui a remporté le plus de voix en Europe veulent que leur candidat soit président, et il n’est pas exclu qu’ils y parviennent. Pour cette raison, ils ont sabordé l’accord d’Osaka, passé entre Merkel, Macron et quelques autres pour porter la candidature de Timmermans à la présidence de la Commission. Ce socialiste atlantiste est, au passage, un mauvais candidat pour la France. Le fait que Macron le pousse désormais en avant est très mauvais signe sur la situation française aujourd’hui. On rappellera ici que ce ralliement à un Batave tient beaucoup à l’intimidation que la Hollande pratique sur l’affaire Air France.
La France va-t-elle tout perdre dans le mercato européen?
Résultat des courses: la France est en mauvaise posture dans cette négociation et risque de tout perdre.
Initialement, nous avions un coup à jouer sur la candidature de Michel Barnier à la présidence de la Commission. Le duel qu’Angela Merkel a imposé sur le nom de Manfred Weber a pour l’instant cornérisé cette candidature. C’est à peine si Emmanuel Macron ose encore citer un nom qui pourrait devenir la victime expiatoire d’une diplomatie très maladroite.
Dans les quatre noms qui ont circulé hier pour prendre des postes dans l’Union, aucun Français n’apparaît. C’est le signe d’une défaite majeure pour la France, et d’un manque évident d’anticipation sur ce qu’est le rapport de force en Europe.
Tout le monde a compris que la France passait son tour pour mieux négocier la présidence de la Banque Centrale Européenne qui devrait être pourvue à l’automne. Tout le monde comprend aussi que la France est en train de lâcher la proie pour l’ombre, car l’Allemagne risque de ne pas se laisser faire sur ce poste stratégique pour elle. Surtout si la France a sabordé sa stratégie de printemps.
Bref, wait and see. Mais la situation est plutôt mauvaise pour nous aujourd’hui.
Vous faites erreur sur la conception allemande de la démocratie : jamais un Spitzenkandidat ne peut obtenir la présidence du Bundestag ou la Chancellerie s’il n’a pas formé une coalition qui le rende majoritaire au sein de l’Assemblée. Dans l’Union européenne, depuis un mandat, il suffit d’arriver en tête. Cette règle avait pour but d’attribuer la présidence de la Commission, avant l’élection des parlementaires, dans la mesure où l’on pouvait prévoir à l’avance sans risque quel groupe parlementaire arriverait en tête.
Si en france (F ? ) suivant l’analyse du président (P ? ) de l’assemblée (A ? ) , » une petite défaite peut se transformer en gde victoire », il semblerait donc, comme à mon avis de français » de rien » , que ce soit plus difficile au niveau européen … Attendons donc l’analyse de M. Ferrand…