La réforme des retraites prend l’eau de toutes parts, comme nous l’annonçons depuis plusieurs mois maintenant. Les informations confidentielles publiées par les Echos dès mercredi soir sur le “plan B” proposé par le gouvernement aux partenaires sociaux traduisent parfaitement le désarroi du gouvernement. Comme lors du précédent de la réforme des régimes spéciaux par Emmanuel Macron, le résultat pourrait aggraver les défauts du système actuel au lieu de les corriger, faute d’une légitimité politique du Président suffisante porter des réformes systémiques.
La réforme des retraites se traduira-t-elle par une augmentation des inégalités du systèmes plutôt que par leur correction ou leur diminution. Si l’on en croit le document confidentiel remis aux partenaires sociaux sur le sujet et dévoilé par les Echos, ce pourrait bien être le cas.
Des scénarios tous plus farfelus les uns que les autres
Désormais, et face au risque d’un blocage massif que l’appel à la grève interprofessionnelle et intersyndicale début décembre laisse présager, le gouvernement se cherche un “plan B”. Parmi les hypothèses avancées, figurent des propositions aussi farfelues que socialement inacceptables. Entre autres, on retiendra la proposition de faire entrer les bénéficiaires des régimes spéciaux et des pensions civiles dans le dispositif nouveau bien plus tard que les salariés du privé. Ou encore l’hypothèse de n’appliquer le nouveau dispositif qu’aux nouveaux entrants dans une profession.
Ces “glissements” ruineraient donc le discours macronien selon lequel la réforme par points instaurerait une parfaite égalité de droits entre les tous les cotisants. Ces différences de traitement consisteraient en réalité à faire porter le financement du nouveau système par les jeunes salariés du secteur privé, ce qui semble totalement invraisemblable. Alors que la lutte contre le chômage de masse continue à être une priorité, le gouvernement créerait ici un puissant encouragement à ne pas travailler en entreprise pour les générations à venir.
On retrouve la même problématique qu’en 2007 et 2008, lorsque Nicolas Sarkozy avait prétendu supprimer les régimes spéciaux. In fine, la réforme a débouché sur des mesures de compensation que la Cour des Comptes a récemment pointé du doigt pour leur coût exorbitant. La réforme Sarkozy a coûté plus cher que le statu quo. La réforme Macron pourrait bien subir le même sort.
Un naufrage annoncé de longue date
Les hypothèses gouvernementales nouvelles cherchent évidemment à sortir de la nasse dans laquelle Macron s’est mis tout seul. Après une année de concertation avec les organisations syndicales qui a débouché sur un préavis de grève de la CGT et de FO, la réforme semble dans l’impasse. Il est d’ores et déjà acquis qu’elle suscitera des réticences, voire des résistances fortes. La grève déguisée menée par la CGT depuis vendredi, au nom du droit de retrait, l’a montré.
Là encore, la réalité est têtue. Depuis 1945, les élites cherchent à se convaincre que la solution à la question des retraites en France passe par un grand système universel. Dans les faits, le corps social résiste obstinément à cette solution depuis la mise en place du régime général. De façon récurrente désormais, le bien-fondé d’un système unique, étatique et monopolistique fait l’objet de critiques diverses et variées, qui illustrent parfaitement la rémanence de la résistance française au-delà des apparences idéologiques consensuelles sur la “solidarité”.
Il ne fallait pas être grand clerc (ou alors il fallait être énarque et s’engager sur un dossier qu’on ne connaissait pas) pour imaginer que la retraite par points, si satisfaisante pour l’esprit de salon, s’imposerait comme une lettre à la poste dans l’esprit des Français. Le Président s’est cornérisé sur ce dossier avec une légèreté confondante, et il cherche à en sortir par le haut.
Il serait bien inspiré de lire avec attention les propositions de la CPME, qui constituent une parfaite porte de sortie.
Sortie par le haut ou débâcle?
Face au risque d’un basculement social au moins aussi violent que celui des Gilets Jaunes l’an dernier, le gouvernement recule donc avant l’obstacle. A de nombreux égards, sa stratégie consiste aujourd’hui à éviter l’apparence d’un sauve-qui-peut, quitte à violer sans vergogne l’ensemble des principes d’équité qu’il avait annoncé au début de la réforme, comme justification de celle-ci.
Une retraite en bon ordre est-elle réaliste, ou bien se transformera-t-elle en débâcle?
Si le gouvernement s’était montré ouvert et tactiquement habile au moment de la crise des Gilets Jaunes, un rétropédalage maîtrisé aurait été réaliste. Mais la colère dans le pays s’accumule sans limite, nourrie par l’intense répression policière du printemps. La façon dont la manifestation des sapeurs-pompiers a dégénéré montre bien que, même dans les segments les plus loyalistes de la société française, la violence est présente et ne demande qu’à s’exprimer.
Nous pronostiquons donc une débâcle en bonne et due forme, et un débordement du gouvernement par la rue dans les semaines à venir, qui conduiront, dans le meilleur des cas, à une chiraquisation complète d’Emmanuel Macron.
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