La CFDT, en la personne de Laurent Berger, a lancé ses premiers signaux de son lâchage du gouvernement dans la réforme des retraites. Pour Emmanuel Macron et Édouard Philippe, la situation pourraient devenir très compliquée. L'hypothèse d'une hostilité de la CFDT à son projet rendrait difficile l'adoption du texte, alors que les défections du groupe parlementaire en Marche sont par ailleurs quotidiennes.
La CFDT a multiplié les signaux négatifs, cette semaine, sur la réforme des retraites. Laurent Berger, le secrétaire général du syndicat, a déclaré sur BFM que le gouvernement pourrait “planter” la réforme s’il ne respectait pas les lignes rouges qu’il lui a posée. De l’inconvénient d’être enfermé dans un huis clos avec un syndicat réformiste…
La CFDT prête à lâcher le gouvernement
Devant Jean-Jacques Bourdin, Laurent Berger a pris soin d’affirmer qu’il ne lançait pas d’ultimatum. Mais ses phrases y ressemblaient furieusement. D’une part, Laurent Berger souhaite des avancées sur la pénibilité, vieux cheval de bataille de la CFDT, qui n’est autre qu’un permis délivré aux entreprises pour “casser” les salariés prématurément en échange d’un départ anticipé à la retraite. D’autre part, la CFDT repousse toujours l’idée d’un âge-pivot, qui ne manquera pas de constituer un sujet de fâcherie avec le gouvernement.
"C'est au regard de tout ça que la CFDT, à la fin, se positionnera et dira ce qu'elle pense de cette réforme", a-t-il indiqué Laurent Berger. Interrogé sur la possibilité d'appeler à la grève, il a répondu que la CFDT "ne se refuse aucune modalité d'action".
Autrement dit, en cas de désaccord profond entre le gouvernement et la CFDT, cette dernière n’hésitera pas à appeler à la grève.
On n’en est pas encore là, selon Laurent Berger, mais l’avertissement est clair et sans ambiguïté.
Chronique d’un lâchage annoncé
La position de Laurent Berger est compréhensible, mais elle soulève le voile sur le fossé qui s’est creusé entre les psycho-rigides de Matignon et le reste du pays. Alors que la retraite par points permet en principe de délivrer de tout âge légal de départ à la retraite, l’entourage direct du Premier Ministre (son directeur de cabinet, et son directeur adjoint) ont multiplié les embûches sur le passage de cette réforme pour imposer l’arbitrage final de l’âge-pivot qui a mis les syndicats dans la rue.
Or, à ce stade, ni Édouard Philippe ni Emmanuel Macron ne semblent avoir repris le contrôle de la situation, et on voit mal quel changement majeur interviendrait dans cette confrontation brute entre les technocrates qui conçoivent la réforme et les partenaires sociaux qui sont supposés la signer.
Une hausse des cotisations ?
À coup sûr, la CFDT demandera, lors de la conférence de financement, une compensation symbolique pour l’incontournable mise en place d’un âge-pivot. Cette compensation passera probablement par une hausse des cotisations, au moins salariales, et peut-être patronales. Le gouvernement sera alors sommé d’imposer aux entreprises un contre-coup financier à une réforme dont il n’était pas demandeur.
Les nuages s’amoncèlent
Problème : pour l’instant, seul le MEDEF a affiché un soutien sans faille à cette réforme. Les autres partenaires du gouvernement ont tous demandé soit un retrait de la réforme, soit des modifications en profondeur. Le Conseil d’État lui-même a formulé de lourdes réserves sur le texte, annonciatrices de futures annulations lors des contentieux qui surviendront inévitablement.
Dans ces conditions, un lâchage de la CFDT sonnerait comme l’hallali pour un projet que tout le monde reconnaît comme mal ficelé, et préparé de façon désordonnée. Même si le groupe LREM l’adoptait sans coup férir, la défaite serait profonde face à l’opinion, et compliquerait singulièrement la suite du quinquennat.