Édouard Philippe a suscité la colère de l'opposition en délibérant samedi, lors du Conseil des Ministres, sur le recours au 49-3 pour faire passer le texte sur les retraites. Engagée dès le samedi après-midi, la responsabilité du gouvernement pourrait jouer un vilain tour à l'exécutif.
Comme prévu, Édouard Philippe et Emmanuel Macron font passer la réforme des retraites au forceps. Nous demeurons persuadé qu’il s’agit là d’une dangereuse prise de risque politique, comme nous en dissertions cette semaine. Mais ce qui est étrange, c’est l’espèce de cynisme assumé avec lequel le gouvernement agit.
Édouard Philippe instrumentalise le coronavirus pour faire passer le 49-3
Il ne faut évidemment pas être grand clerc pour comprendre que le coronavirus a bon dos. En utilisant un conseil des ministres dédié à une épidémie qui inquiète variablement les Français pour contourner le vote du Parlement, le Premier Ministre s’accorde une porte de sortie médiatique. Pendant que les chaînes d’information en continu parlent des maladies, elles ne parlent pas des retraites…
Plus vicieux : l’une des mesures prises par le gouvernement consiste à interdire les manifestations de plus de 5.000 personnes dans des lieux confinés, ou les manifestations qui rassembleraient des gens venus de zones touchées par l’épidémie. Voilà de bons arguments pour interdire par avance les mouvements de protestation trop gênants.
C’est le côté Chine ou Corée du Nord du système Macron : il faut que l’ordre règne dans les rues.
Une réforme qui restera comme un naufrage politique d’ampleur
Le recours au 49-3 constitue le point d’orgue d’un très impressionnant naufrage politique, un retentissant échec qui résonnera de longues années encore. Après des mois de négociation, Macron est parvenu à mettre tous les syndicats dans la rue contre son projet, puis à prendre le Conseil d’État de plein fouet, puis à devoir utiliser le 49-3 pour faire taire l’opposition et échapper au vote sur son texte.
Le nouveau monde n’a pas fini de nous surprendre. Il est vrai que ce texte ne doit produit des effets que sur plusieurs décennies. Après tout, cela n’est donc pas bien grave.
Une réaction virulente des Français ?
Reste à savoir si, coronavirus aidant, les Français vont subir cette nouvelle gifle sans rien dire (si ce n’est dans le secret des urnes), ou si la colère va se donner libre cours. Personne ne le sait, mais le seul fait que la question soit posée est déjà un indice de la gravité de la situation.
Les esprits raisonnables s’attendent, voire souhaitent, une réaction virulente de l’opinion contre un texte qui n’est ni fait ni à faire. Tout le monde sait que, quoiqu’on pense de la réforme des retraites voulue par le Président, le texte qui était en débat devant le Parlement est bâclé et de mauvaise qualité. Il nourrira pendant des décennies d’innombrables contentieux devant la justice administrative, et créera une situation de risque juridique pour de nombreux retraités.
Jamais on n’était allé aussi loin dans le mal governo. Tout ceci n’est pas sérieux. Un ordre politique n’est pas fait pour assurer la gloriole des lites qui le squattent. Il est fait pour assurer la prospérité de la société tout entière. Et là, nous sommes vraiment loin du compte.
Samedi, Édouard Philippe a eu une brutale poussée de fièvre. Et on n’a pas encore trouvé le remède pour le soigner. S’il s’en sort à bon compte, il pourra s’estimer heureux.