L'épidémie de coronavirus et le confinement général mettront-ils les assureurs en position délicate, voire difficile, voire périlleuse ? Nous avons mené l'enquête durant cette première semaine de confinement auprès des acteurs du marché. Voici les résultats...

Il est Ă©videmment encore un peu tĂ´t pour savoir jusqu’oĂą l’Ă©pidĂ©mie de coronavirus atteindra le marchĂ©. Mais on peut aujourd’hui pressentir un effet de ciseau qui sera compliquĂ© Ă gĂ©rer.Â
Coronavirus et télétravail
D’une manière gĂ©nĂ©rale, la numĂ©risation des procĂ©dures a permis Ă tous les assureurs de basculer sans difficultĂ© dans un tĂ©lĂ©travail gĂ©nĂ©ralisĂ©. Cette procĂ©dure concerne la totalitĂ© des services, y compris les plate-formes de gestion qui continuent Ă fonctionner grâce Ă la mise en place, ces dernières annĂ©es, d’espaces numĂ©riques de relation avec les assurĂ©s.Â
De façon surprenante, les plus petits acteurs semblent parfois Ă©prouver plus de peine Ă rĂ©aliser ce basculement. Si un courtier gestionnaire comme GEREP explique continuer le travail comme avant, ailleurs, les collaborateurs semblent moins informĂ©s sur la façon dont leur structure a rĂ©agi Ă la crise, et les difficultĂ©s managĂ©riales percent. Certains directeurs gĂ©nĂ©raux n’ont pas pris le temps d’expliquer Ă chacun comme l’entitĂ© poursuivait son activitĂ©, et le cloisonnement ne facilite pas une vision claire des opĂ©rations.Â
Des présences ponctuelles et marginales
Dans tous les cas, en termes de fonctionnement, le confinement a un impact limitĂ©. Certains avaient conservĂ© bien au chaud leur plan de continuitĂ© hĂ©ritĂ© de l’Ă©pidĂ©mie de SRAS et l’ont simplement mis en oeuvre. Ponctuellement, lĂ oĂą tout n’est pas numĂ©risĂ©, des Ă©quipes rĂ©duites viennent travailler pour gĂ©rer les procĂ©dures papier.Â
C’est par exemple le cas chez Malakoff oĂą les opĂ©rations en retraite complĂ©mentaire et en prĂ©voyance font l’objet d’une prĂ©sence rĂ©duite et parfaitement opĂ©rationnelle. LĂ encore, les assurĂ©s n’ont facialement rien Ă craindre. Les retraites seront payĂ©es et les prestations aussi.Â
Quand il le faut, les petites structures s’organisent pour mettre la main Ă la pâte. Rares sont ceux qui n’assureront pas la gestion du courrier pendant la crise, mĂŞme si beaucoup prĂ©viennent que celui-ci sera traitĂ© avec un retard exceptionnel. Parfois, ce sont les dirigeants eux-mĂŞmes qui ont prĂ©vu de rĂ©ceptionner le courrier et de le scanner pour permettre le traitement Ă distance.Â
Des angoisses grandissantes sur la trésorerie
Ce qui pose problème ne tient pas Ă l’organisation du travail, mais aux craintes sur la trĂ©sorerie. Partout, l’inquiĂ©tude monte face Ă la cessation matĂ©rielle d’activitĂ© chez les clients assurĂ©s. Pourront-ils payer leurs appels de prime ? Feront-ils face Ă la crise cataclysmique qui s’annonce ?Â
Visiblement, certains assureurs commencent dĂ©jĂ se faire tirer l’oreille pour dĂ©caisser les sommes dues dans les temps. On nous cite le cas d’un grand assureur de la place qui ne semblait pas presser de verser les trois mois de salaire de remplacement Ă un indĂ©pendant, alors mĂŞme que le sinistre Ă©tait survenu bien avant la crise du coronavirus.Â
Plus globalement, les rĂ©seaux sentent la pression forte des entreprises qui exigent la mise en oeuvre de la garantie de perte d’exploitation. Par les temps qui courent, expliquer Ă un chef d’entreprise que son contrat exclut les pandĂ©mies n’est pas chose facile. Ă€ tel point que plusieurs fĂ©dĂ©rations, emmenĂ©es par la CPME, font un siège probablement victorieux auprès du gouvernement pour obtenir gain de cause.Â
Dans l’hypothèse oĂą cette garantie serait dĂ©clenchĂ©e de force, beaucoup redoutent le coĂ»t global de la mesure, qui risque de vilainement plomber les comptes…Â
En toile de fond, l’angoisse sur l’assurance-vie
Dans cet ensemble peu encourageant, l’effondrement des marchĂ©s financiers suscite de nombreuses angoisses. La perspective de demandes de rachat de contrat en assurance-vie glace le sang des assureurs, Ă un moment oĂą les spreads regagnent du terrain et oĂą la remontĂ©e des taux pointe le bout de son nez. Alors que les banques ont obtenu un allègement de leurs exigences en matière de liquiditĂ© et de fonds propres, les assureurs sentent bien qu’après un automne difficile, le pays entre dans la saison de tous les dangers.Â
D’une manière gĂ©nĂ©rale, les semaines qui arrivent font peser une menace sĂ©rieuse sur ces exigences en matière de fonds propres. Beaucoup d’acteurs entrent, et le savent très bien, dans une zone totalement inconnue. Sur ce point, la communication très large menĂ©e par la CNP sur sa soliditĂ© financière n’a pas manquĂ© Ă la fois d’inquiĂ©ter et d’interroger l’ensemble du petit monde de l’assurance.Â
Et les managers retiennent leur souffle
Dans notre tour de table, nous avons donc perçu l’inquiĂ©tude des salariĂ©s, et l’inquiĂ©tude encore plus grande du management, confrontĂ© Ă la difficile Ă©quation du respect des règles en matière de solvabilitĂ©. Beaucoup sont dĂ©sormais suspendus Ă quelques moments-clĂ©s. Fin mars, les assureurs feront les comptes des dĂ©fauts de paiement chez leurs clients. Officiellement, ces dĂ©fauts n’entraĂ®neront pas de rĂ©siliation immĂ©diate. Mais l’ampleur du phĂ©nomène est encore inconnue et certains craignent le pire.Â
D’un autre cĂ´tĂ©, le bras de fer avec la CPME sur la perte d’exploitation pourrait constituer une dangereuse prise Ă revers. Dans l’hypothèse oĂą la sinistralitĂ© devait grimper rapidement, nul ne sait oĂą aboutira cette trajectoire inattendue. Mais c’est un peu le serpent qui se mord la queue : trop de dĂ©faillances d’entreprise plomberait durablement les portefeuilles souvent chèrement acquis. Trop de perte d’exploitation plomberait la solvabilitĂ© des assureurs.Â
De deux maux, choisissons le moindre…Â
Certains acteurs particulièrement affaiblis ?
Des rumeurs courent dans cet univers Ă haut risque. Certains grands acteurs du marchĂ© seraient moins solides qu’ils ne le disent. Des arbitrages douloureux, auxquels les salariĂ©s s’attendent, pourraient intervenir. La perspective de plans de dĂ©part plus ou moins brutaux est Ă©voquĂ©e. Pour d’autres, des difficultĂ©s de trĂ©sorerie se profilent, obligeant peut-ĂŞtre Ă des demandes de nationalisation très rapide.Â
Incontestablement, la première quinzaine d’avril sera dĂ©cisive pour le secteur.Â