Rétablir l’ISF (l’impôt sur la fortune) pour financer les aides distribuées contre la crise du coronavirus… Mais qui peut être contre ? Le principe est désormais propagé par tout le monde… et particulièrement par des représentants de l’élite qui sont bien décidés à berner les petites gens en leur faisant croire qu’il s’agit d’une mesure d’égalité qui permettra de redistribuer les richesses. Très belle opération d’enfumage de l’opinion !
Il faut rétablir l’ISF… Tous ceux qui dénoncent la démagogie, le populisme, le souverainisme, l’extrémisme (surtout de droite) n’ont plus que cette idée à la bouche : il faut rétablir l’ISF pour financer la crise, et hop, coup de baguette magique ! quelques accapareurs rendent ce qu’ils ont pris, et tout redevient comme avant sans effort. Ce simplisme binaire, manichéen, est ahurissant. Mais on le trouve pourtant à chaque détour des phrases prononcées par des gens qui se prennent très au sérieux, et qui n’ont pas de mots assez durs pour stigmatiser les sophistes qui abusent de la crédulité du peuple.
L’ISF, de quoi parlons-nous ?
L’impôt sur la fortune résonne dans l’esprit de beaucoup comme une formule magique. Il sert à faire payer les riches. Il est donc juste, puisqu’il corrige les inégalités. D’ailleurs, le brillant Thomas Piketty l’a écrit dans un article de blog, publié sur le site de référence, celui du Monde (qui dénonce tous les complotismes…). C’est dire si l’idée tient la route.
Au passage, on rappellera juste que le patrimoine des Français les plus riches est estimé à plus de 400 milliards, et que l’ISF, dans sa dernière, a rapporté 5 milliards €, soit une imposition dérisoire d’à peine 1%…
Contrairement aux approximations répandues par des Piketty, l’ISF n’a pas disparu. Il est remplacé par un impôt sur le patrimoine immobilier qui rapporte aux alentours de 3 milliards €.
Autrement dit, le rétablissement de l’ISF peut rapporter 2 milliards €, peut-être un peu plus. Il faut comparer cette somme aux 50 milliards déboursés en deux mois pour financer le chômage partiel. On est loin du compte ! Même en comptant large, avec des taux exorbitants, ce n’est certainement pas la ponction fiscale sur les plus riches qui évitera à la masse des Français de réduire son train de vie.
Cela n’a aucun sens de faire des cadeaux fiscaux aux groupes âgés et fortunés qui ont déjà beaucoup prospéré ces dernières décennies. D’autant plus que les pertes de recettes sont tout sauf symboliques.
Thomas Pketty Tweet
Pourquoi l’ISF rapporte si peu
Si l’impôt sur la fortune rapportait à peine 5 milliards par an, c’était pour une raison très simple, qui vaudra toujours lorsqu’il sera rétabli : chacun sait que les plus riches ont sorti leur fortune hors de France, de façon tout à fait légale, par des montages de type “family office”. Il suffit de parcourir la littérature consacrée au patrimoine pour s’apercevoir que cette façon qu’ont les riches d’échapper à l’impôt est parfaitement connue et documentée.
Autrement dit, les grandes fortunes comme celle de la famille Mulliez, qui possède Auchan, sont savamment installées à l’étranger (en l’espèce chez les sympathiques Belges), et ne demeurent en France, soumise à l’ISF, que les “petites” fortunes, celles du boulanger qui a réussi, de l’entrepreneur patriote qui n’a pas voulu s’installer à Uccle et continue à déclarer naïvement : j’aime la France, et je ne veux pas la quitter.
Contrairement aux rodomontades des penseurs de gauche, l’ISF ne sert donc pas à redistribuer les richesses. Il sert à ponctionner l’entrepreneur qui a réussi, et laisse intacte ou presque la fortune des plus riches.
La doctrine de l’impôt confiscatoire
Au passage, ces particularités liées aux family office, et aux autres astuces, ne sont pas les seules explications de l’incapacité de l’ISF à redistribuer les richesses en “prenant” l’argent là où il se trouve. Un fait juridique plus profond protège, dans tous les cas, les plus riches : le Conseil Constitutionnel considère qu’au-delà de 75% de taxation, l’impôt devient confiscatoire, et donc illégal.
D’où le plafonnement systématique très favorable dont les Liliane Bettencourt et les Bernard Arnault ont bénéficié depuis longtemps de la part du fisc français. Là encore, ces faits essentiels qui limitent la portée de l’ISF sont parfaitement connus et documentés depuis longtemps. Continuer à évoquer l’ISF comme un remède miracle en les ignorant relève de l’imposture.
Au total, selon le document que s'est procuré le "Canard enchaîné", les 50 contribuables cités dans le tableau ont payé 21.211.492 euros d'ISF, alors que le montant total de leurs ISF initiaux était de... 219.598.568 euros, dix fois plus. En d'autres termes, l'Etat a perdu, par ce mécanisme, 90% de la somme qui lui était initialement due...
L'Obs, 7 juin 2016 Tweet
Pourquoi les très riches aiment l’ISF
Au vu de ces éléments, on ne sera donc pas surpris que les très riches et leurs porte-paroles (comme Raymond Soubie, ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy) militent aujourd’hui pour le retour de l’ISF, en considérant qu’il s’agit d’une mesure nécessaire politiquement pour rétablir la concorde en France. Il est si facile de dire aux Français ce qu’ils attendent d’entendre, même si chacun sait qu’il s’git d’un vaste pipeautage.
Appeler au retour de l’ISF évite de poser la question de la véritable taxation des plus riches. C’est un moyen commode de rester copain avec les plus puissants du pays tout en se faisant bien voir des classes populaires. On ne s’étonnera donc pas qu’un Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, ait été l’un des premiers à appeler de ses voeux cette mesure.
L’essentiel est que l’on soit bien clair : le retour de l’ISF permettra de bercer d’illusions le petit peuple, mais il n’apportera aucune vraie redistribution des richesses.
La démagogie de la continuité sans changement
On a bien compris la logique des élites qui prodiguent ces bons conseils totalement mensongers auprès de la population : il faut que rien ne bouge, et que tout continue comme avant. Le temps que l’expérience d’un retour de l’ISF ne soit menée, et ne permette de déboucher sur le constat de son inefficacité, c’est autant de temps gagné par les vrais riches pour échapper à des révisions douloureuses de la fiscalité qui pourrait les cibler. C’est toujours ça de pris ! Et avec un peu de chance, l’imposture peut durer suffisamment longtemps pour que la conjoncture s’améliore et que l’opinion publique passe à un autre sujet.
Cet enfumage grandeur nature est évidemment relayé aujourd’hui par toute la presse subventionnée (et possédée par les vrais riches), pour que tous les gogos croient que le rétablissement de l’ISF va faire mal aux riches et va limiter les efforts à consentir tout en bas de l’échelle sociale. On ne s’étonnera donc pas que les thuriféraires des riches s’en fassent aujourd’hui les meilleurs doctrinaires. Ils savent ainsi qu’ils rendent service à leurs maîtres en semblant les critiquer.
Il y a un aspect de l’IFI qui ne semble avoir été remarqué par personne. Par le biais de l’IFI, l’état reprend aux familles nombreuses parisiennes qui ont pu acheter un logement quand c’était encore possible, et à elles seules,tout ce qu’elles ont reçu en allocations familiales, supplément de salaires et bonifications de retraite. Les familles moins nombreuses, ayant besoin de moindres surfaces, ne sont pas assujetties à l’IFI, les familles, même très nombreuses vivant en province non plus. C’est la hausse du coût de l’immobilier à Paris qui fait qu’à revenu égaux, une famille de province paiera tant d’impôt, et une famille nombreuse parisienne tant d’impôt + l’IFI. Exactement comme si certains citoyens devaient payer une super-TVA sur le pain, parce qu’ils en consomment plus que les autres ET qu’ils habitent Paris! On peut imaginer des assiettes d’impôt plus équitables!
Quant à la hausse de l’immobilier à Paris, qui pénalise les familles jusqu’à l’IFI, elle est due principalement aux bureaux qui, eux ne payent pas l’IFI (locaux professionnels).
La “suppression” de l’ISF a été très mal comprise, parce que mal expliquée. Il faut imposer les plus-values, comme des revenus, quand elles sont réalisées. UN POINT, C’EST TOUT ! Comment oser imposer un PEA , donc des investissements pour soutenir l’économie française, lorsqu’il a perdu 80%de sa valeur?
Un tel PEA n’est pas difficile à imaginer; NATIXIS, EDF, EURO-TUNNEL, etc, etc, etc! Les Français ne sont pas si bêtes qu’ils ne puissent comprendre l’aberration d’une telle fiscalité. Pour les oeuvres d’art? TVA à l’achat, imposition des plus-values au moment de la revente, droits de succession sur leur valeur au moment du règlement de la succession. Et c’est suffisant. Mêmes taux pour tout le monde. (pas de taux spécial pour les familles nombreuses parisiennes!) IFI et ISF servent à faire oublier les gabegies de toutes sortes, les salaires de hauts fonctionnaires qui gagnent plus que le Président de la République, et de PDG du privés qui continuent à se rémunérer des millions d’euros (peu importe qu’ils renoncent à un pourcentage de cette rémunératuion), tout en demandant à l’état des milliards “pour leur entreprise”. L’ISF est un impôt inventé par des salauds pour plaire à des jaloux.
Merci de cette analyse claire et révélatrice de la perversion de notre fiscalité avec celle de nos dirigeants au service des plus nantis …