Les assureurs vont payer très cher leurs erreurs de communication dans la crise du coronavirus, oĂą leur absence totale d’empathie avec les entreprises frappĂ©es par le confinement a ulcĂ©rĂ© l’opinion. Alors que les commerçants qu’Axa refuse d’indemniser commencent Ă pointer du doigt les 2 milliards de dividendes versĂ©s aux actionnaires, les premières propositions de taxe spĂ©ciale sur la profession arrivent. L’automne sera douloureux.Â
Les assureurs peuvent dĂ©sormais s’apprĂŞter Ă une sĂ©rie de dĂ©convenues et de combats parlementaires perdus, après les erreurs de communications qu’ils ont commises durant le confinement. Deux premiers signaux faibles viennent de tomber, qui illustrent cette sĂ©rie noire si prĂ©visible…
Bientôt une taxe spéciale pour les assureurs ?
Le 9è groupe parlementaire (on utilise dĂ©sormais des numĂ©ros pour les dĂ©signer, ça va plus vite) appelĂ© “Écologie, DĂ©mocratie, SolidaritĂ©”, qui regroupe des personnalitĂ©s comme CĂ©dric Villani et Delphine Batho, vient de proposer diverses mesures budgĂ©taires pour financer la sortie de crise, dont une taxe pour les riches (comme c’est original!) et une taxation spĂ©ciale des assureurs.Â
On attend que le groupe publie le dĂ©tail de ces propositions pour en savoir plus, mais la tendance est posĂ©e. Dans la dĂ©ferlante de propositions, d’amendements, d’idĂ©es qui ne manquera pas d’inonder le dĂ©bat parlementaire Ă l’automne, les assureurs devraient ĂŞtre spĂ©cialement visĂ©s par une taxe de derrière les fagots destinĂ©e Ă leur faire rendre gorge de tout leur saoul, et de tous les profits engrangĂ©s durant le confinement.Â
Ils préconisent aussi "des mesures de fiscalité qui porteront sur des réserves ou des niches fiscales qui aujourd'hui bénéficient aux très grands groupes mondiaux", a indiqué Mme Cariou, évoquant aussi des dispositions concernant la fiscalité des sociétés d'assurances, des mesures qui pourraient dégager 3 milliards d'euros par an.
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Quelle probabilité de succès pour cette taxe ?
Bien entendu, la dĂ©ferlante de propositions ne garantit pas leur inscription finale dans le texte de la loi de finances. Toutefois, les assureurs ont un peu de mouron Ă se faire. Il est vrai qu’ils dĂ©tiennent l’une des clĂ©s de l’arme parlementaire absolue dans la mesure oĂą ils sont les principaux souscripteurs de dette française. C’est le genre d’arguments qui vous posent un homme dans la conversation.Â
NĂ©anmoins, on voit mal comment le gouvernement pourrait Ă©ternellement rĂ©sister aux pressions qui se font jour, et il y a fort Ă parier que les assureurs devront bien passer Ă la caisse, d’une façon ou d’une autre.Â
Les dividendes d’Axa font jaser
Dans ce contexte tendu, on ne peut pas dire que les assureurs mettent vraiment toutes leurs chances de leur cĂ´tĂ©. Nous avons dĂ©taillĂ© comment Axa s’Ă©tait affranchi, la semaine dernière, des recommandations du rĂ©gulateur europĂ©en en versant 2 milliards de dividendes Ă ses actionnaires. Cette nouvelle n’est pas passĂ©e inaperçue. Devant le tribunal de commerce de Bordeaux, un plaignant, restaurateur propriĂ©taire de Chez Aldo, assurĂ© par Axa sur le risque Ă©pidĂ©mique, attaque l’assureur pour n’avoir pas honorĂ© son contrat.Â
On connaĂ®t dĂ©sormais les arguments des deux parties dans ce genre d’affaires. Sauf que les plaignants ajoutent dĂ©sormais qu’Axa plaide l’inassurabilitĂ© des pandĂ©mies, mais distribue des dividendes rondelets Ă ses actionnaires pendant que ses clients font faillite. Axa devrait beaucoup se mĂ©fier de ce genre d’arguments, car ils se rĂ©vèlent souvent très efficaces.Â
Axa refuse d'honorer ses contrats alors qu'elle s'apprĂŞte Ă reverser 3 milliards de dividendes Ă ses actionnaires.
François Drageon, avocat de Chez Aldo Tweet
Les assureurs échapperont-ils à une crise de sens ?
Ce n’est pas dit ni mĂŞme explicitĂ©, mais le sujet qui Ă©merge est celui du sens de l’assurance dans une pĂ©riode de crise.
On le voit clairement dans l’affaire Axa. Si l’on demandait aux Français de voter pour ou contre une distribution de dividendes aux actionnaires, ils voteraient probablement contre. Mais si on leur demandait de voter pour ou contre la cession d’Axa Ă un assureur amĂ©ricain ou chinois qui fait ses emplettes Ă la bourse, ils voteraient Ă©galement contre, et admettraient qu’il faut maintenir le cours de l’action Ă un niveau Ă©levĂ© pour Ă©viter la prĂ©dation. Et pour maintenir ces cours, il faut distribuer des dividendes.Â
Cette logique-lĂ n’est pas audible par le grand public, qui veut un assureur français performant, qui rembourse tous les sinistres sans broncher, et pour pas cher. En toile de fond de cette demande idĂ©ale, existe bien entendu le fantasme d’un assureur d’État qui ferait tout parfaitement comme on veut et sans compter.Â
Faut-il nationaliser l’assurance ? Nous parions que le dĂ©bat viendra sur le tapis Ă l’automne. Les assureurs seraient bien inspirĂ©s de la prĂ©parer et de se donner les moyens, comme les banques, de le dĂ©samorcer.Â
Les assureurs absents du dĂ©bat public…
Pendant ce temps, en dehors des quelques sorties de Thomas Buberl, le patron d’Axa, les assureurs restent Ă l’extĂ©rieur du dĂ©bat public. La prĂ©sidente de la FFA vient d’esquisser un mouvement d’expression en accordant une interview exclusive… Ă l’Argus de l’Assurance, journal de publireportage qui n’est survolĂ© que par les assureurs…Â
On se sent tellement mieux entre gens intelligents, que l’exercice rend superflu l’adresse Ă la plèbe. Ce genre de mĂ©pris a un nom : l’engrais Ă taxe…
Une taxe supplĂ©mentaire qui viendra s’ajouter Ă nos cotisations .
Quels couillons sommes -nous