Le MEDEF tenait ses universitĂ©s d’Ă©tĂ©, baptisĂ©es mystĂ©rieusement Renaissance des Entreprises de France. En matière de Renaissance, on a surtout vu un retour assumĂ© au capitalisme de connivence, oĂą les fĂ©dĂ©rations professionnelles nĂ©gocient activement des commandes publiques pour arrondir leur chiffre d’affaires, quitte Ă avaler quelques couleuvres sociĂ©tales au passage. DĂ©cidĂ©ment, le monde d’après ressemble comme deux gouttes d’eau au monde d’avant.Â
Mais Ă quoi peut bien servir l’universitĂ© du MEDEF, si ce n’est Ă entretenir un entre-soi avec le gouvernement qui permet de nĂ©gocier de belles commandes publiques, en Ă©change d’un soutien politique affichĂ© Ă toutes les tocades gouvernementales ? La nouvelle formule des universitĂ©s d’Ă©tĂ© du MEDEF, organisĂ©e Ă Longchamp et rebaptisĂ©e “Renaissance des Entreprises de France”, l’a prouvĂ© une fois de plus.Â
Le MEDEF aux petits soins pour Jean Castex
Dans la pratique, l’universitĂ© d’Ă©tĂ© du MEDEF a servi Ă Jean Castex de tremplin mĂ©diatique remplaçant assez opportunĂ©ment le rendez-vous ratĂ© du plan de relance. Largement relayĂ© mĂ©diatiquement dans les Ă©lites, l’Ă©vĂ©nement a permis au Premier Ministre et Ă Bruno Le Maire de mettre en lumière les brillantes idĂ©es de Bercy pour relancer la croissance dans un pays sinistrĂ© par le coronavirus et le confinement.Â
La tribune Ă©tait donc ouverte pour vanter les mĂ©rites d’un plan Ă 100 milliards, dont 10 milliards seulement serviront Ă baisser les impĂ´ts de production (en particulier la fameuse CVAE, contribution Ă la valeur ajoutĂ©e des entreprises, qui a succĂ©dĂ© Ă la taxe professionnelle en 2010, et dont personne n’a jamais compris les bases de calcul). Cette opĂ©ration de communication a permis Ă Nicolas Beytout, de l’Opinion, de s’extasier devant les bienfaits de cette politique. Et qu’importe si le gouvernement n’envisage pas un seul instant de baisser des dĂ©penses publiques exorbitantes. L’essentiel est que l’argent pleuve sur les entreprises comme les obus Ă Gravelotte.Â
Quand le ministère des Armées finance le MEDEF
On notera avec amusement que le ministère des ArmĂ©es figure en bonne place dans la liste des contributeurs qui ont financĂ© l’universitĂ© d’Ă©tĂ© du MEDEF. En l’espèce, le ministère est un partenaire “Silver”. Ajoutons que l’organisme qui a payĂ© la plus lourde taxe rĂ©volutionnaire pour organiser cet Ă©vĂ©nement d’avenir n’est autre qu’Action Logement, financĂ© par le 1% patronal. Il est vrai qu’organiser un raout Ă Longchamp, ça vaut bien la construction d’un appartement pour un salariĂ©.Â
Roux de Bézieux à la manoeuvre pour rassurer
Dans cet exercice hautement politique oĂą tout doit briller comme Ă Versailles, on cache forcĂ©ment la poussière sous le tapis. Geoffroy Roux de BĂ©zieux a donc ouvert cette opĂ©ration de communication et d’influence par un discours optimiste sur les perspectives Ă©conomiques du pays. En l’Ă©coutant, on s’imaginerait presque que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Le prĂ©sident du MEDEF a rĂ©pĂ©tĂ© Ă l’envi un chiffre approximatif sur les “70% d’entreprises qui n’ont pas touchĂ© Ă leur prĂŞt garanti”. Un peu de mathĂ©matique permet d’en dĂ©duire que 30% d’entre elles en ont eu rĂ©ellement besoin, et qu’elles vont dĂ©sormais rembourser comme elles peuvent.Â
Dans la pratique, le nombre de faillites devrait doubler cette annĂ©e. Mais tout va bien !On mesure ici la stratĂ©gie politique (consciencieusement) suivie par Roux depuis son Ă©lection : ne pas embĂŞter Macron et dire du bien de lui, coĂ»te-que-coĂ»te.Â
Des commandes publiques en perspective
La nature ayant horreur du vide, la REF du MEDEF n’a pas seulement servi Ă brasser de l’air en faveur du gouvernement. Elle a aussi permis de nĂ©gocier quelques petits Ă -cĂ´tĂ©s qui font les dĂ©lices du capitalisme français. Ainsi, la FĂ©dĂ©ration du Bâtiment s’est-elle fĂ©licitĂ© de l’attention que Bruno Le Maire a portĂ©e Ă ses demandes en faveur de la “rĂ©novation Ă©nergĂ©tique” et des constructions neuves.Â
Les mĂŞmes bâtisseurs qui trouvaient, il y a quelques annĂ©es, que les règles de construction Ă©taient trop Ă©touffantes, sont aujourd’hui les premiers Ă en redemander. Que de beaux marchĂ©s en perspective, que ceux apportĂ©s par l’Ă©cologie, qui forcera les propriĂ©taires Ă adapter leur logement Ă de nouvelles normes, tout cela avec l’argent du contribuable. Erreur un jour, vĂ©ritĂ© le lendemain.Â
Dans la comprĂ©hension des temps Ă venir, il ne faudra donc pas oublier que la “transition Ă©nergĂ©tique” Ă la française sera aussi (d’abord ?) une aide au secteur de la construction. Les discours anti-libĂ©raux et anti-capitalistes des Ă©cologistes ne seront pas perdus pour tout le monde.Â
Merci @BrunoLeMaire pour la réponse sur l’impérieuse nécessité de mesures de relance pour la rénovation énergétique des bâtiments ET la construction neuve. Il y a urgence dans les deux domaines. Bravo @cmazaud69 pour ta question directe. 🙏🏻🙏🏻@FFBatiment! pic.twitter.com/ZYb19O0gaI
— Jacques CHANUT (@chanutj) August 27, 2020
La couleuvre de la préférence nationale prête à être avalée
Au jeu du “je te tiens, tu me tiens par la barbichette”, le gouvernement n’Ă©tait pas en reste. En Ă©change de ces bons procĂ©dĂ©s qui consisteront Ă doter la France d’un nouvel arsenal rĂ©glementaire profitable aux adhĂ©rents de la FĂ©dĂ©ration du Bâtiment (et Ă quelques autres), Jean Castex et Bruno Le Maire ont mis quelques couleuvres Ă avaler sur la table.Â
L’une d’entre elles n’est visiblement pas encore prĂŞte Ă l’avalĂ©e, mais ne devrait pas tarder Ă l’ĂŞtre. Il s’agit de la “prĂ©fĂ©rence nationale” que Bruno Le Maire a glissĂ©e dans son discours. Embaucher des jeunes Français plutĂ´t que des travailleurs dĂ©tachĂ©s pour rĂ©pondre Ă la relance que son plan prĂ©voit : “Nous allons vous soutenir massivement (…) mais je vous en supplie, limitez au strict minimum le recours aux travailleurs dĂ©tachĂ©s. Faites travailler les ouvriers français, engagez des jeunes”.Â
VoilĂ un discours que le Rassemblement National ne renierait pas. Bruno Le Maire semble comprendre que les 100 milliards injectĂ©s dans l’Ă©conomie durant les prochains mois risquent de profiter aux travailleurs Ă©trangers et n’avoir aucun impact durable sur le chĂ´mage. Comme ils risquent aussi de nourrir l’industrie Ă©trangère qui produit des biens dont les Français raffolent. Pour l’instant, il en est Ă l’incantation, mais rien n’exclut que cette affaire ne dĂ©rive de bien fâcheuse façon.Â
Les couleuvres sociétales se préparent
Comme le patronat organise des Ă©vĂ©nements pour demander plus de règles et plus de normes, le gouvernement ne devrait pas se priver pour fourguer aux entreprises un package tout prĂŞt. Après le port du masque obligatoire, qui n’a appelĂ© de la part du MEDEF aucune contestation possible (les 10 milliards de baisses d’impĂ´ts valant bien un silence gĂŞnĂ©), d’autres couleuvres devraient ĂŞtre au menu des petits dĂ©jeuners patronaux. Ainsi, Élisabeth Moreno, ministre dĂ©lĂ©guĂ©e Ă l’ÉgalitĂ©, est venue dire toute l’importance de l’engagement des entreprises en faveur des femmes.Â
VoilĂ qui annonce encore de belles mesures contraignantes qui permettront de recruter de nouveaux bureaucrates dans les services ressources humaines des entreprises, et qui permettront de dĂ©penser de l’argent pour autre chose que la compĂ©titivitĂ© de l’entreprise. Pourquoi s’en priver, puisque les patrons eux-mĂŞmes en redemandent…
Pour ceux qui nous dirigent ils utilisent la loi des 80-20 de Pareto. C’est à dire qu’il faut à nos gouvernants privilégier 20% des citoyens, des entreprises, de l’économie pour asservir les 80% restants. Et cela fonctionne depuis deux siècles avec la démonstration de Pareto mais depuis + de 5 siècles avant que Pareto vienne confirmer le raisonnement..
Oui Armenante ,
PlutĂ´t 20% de la population de ce pays qui en fait vivre 80% …
20% de porteurs et crĂ©ateurs de la vraie richesse qui bossent vraiment et triment en pleine concurrence et 80% de fonctionnaires, d entreprises publiques, d’agences publiques qui se donnent du boulot en faisant semblant d’être utile, d’´improductifs ou de subventionnĂ©s, et autres planquĂ©s, d’artistes etc… qui sont payĂ©s quoiqu’il arrive avec les impĂ´ts, en aides, en emplois protĂ©gĂ©s de toute concurrence, renflouĂ©s quand ça va mal ….
Pourquoi voulez vous que le pays change ? La grande majorité vit du boulot des autres Et ça lui convient ! Pourvu que ça dure. Et plus l’Etat grossit et se crée ses emplois plus ses supporters nature son nombreux
Exemple: 50 000 fonctionnaires rien que pour la seule ville de Paris , à raison de 3 à 4 personnes par famille qui en vivent ça fait environ 200 000 personnes affidées plus les autres fonctionnaires et planqués d’Etat qui sont évidemment basés à Paris Avec une telle sociologie de fragmentation du peuple, des pauvres qui ne se logent plus à Paris , des riches oisifs dits de classes supérieures qui ne se lèvent pas tôt pour aller au boulot et des touristes étrangers en masse qui font de Paris une ville musée, il ne faut pas s’étonner si Hidalgo est réélue par tous ses privilégiés . Ah la comm.,
la culture ….ça entretient une masse de prĂ©caires mal payĂ©s encore fière d’être dans Paris et se croit investie de la haute mission d’être le phare de la bien pensance , de la bienveillance et qui bien sĂ»r sont maintenus dans leur illusion par un État manipulateur qui nous fait croire qu’il sait ce qui est bon pour les autres….pourvu sans le dire qu’on le laisse renforcer sans fin sa main-mise et son totalitarisme larvĂ©
Le socialisme s’arrêtera quand les autres n’auront plus d’argent disait mme Thatcher!
Je ne veux plus de cette course aveugle et soigneusement cachée par des élites dépassées restées sur un logiciel datant de 1980 (C’est maintenant qu’on paye les années Mitterrand, Chirac et Cie). Il faut 30 ans pour voir les effets d’une politique publique, de son idéologie ou de la paresse qui va avec.
Tout ceci conduit à la division et fragmentation du pays avec de nouveaux privilégiés inacceptables !
1789? Au secours…..
aĂŻe, aĂŻe, j’aimerais vous connaitre tant votre discours rejoint le mien mais, surtout, l’enrichis !!!!!
Merci Tharpon, merci beaucoup !!!!
Ceci dit merci également Armenante !!!!!!!!!!!
L’effondrement de notre planète, ce sont les ponctionnaires que l’entreprise redemande !!!!!!!!!!!!!!
Merci Ă vous Bertrand. Les sources de mon analyse? Du vĂ©cu au cĹ“ur de l’économie, de ´l’observation avec accès Ă de bons chiffres, de l’expĂ©rience entre public et privĂ©, du recul avec le temps pour comprendre les effets et consĂ©quences des dĂ©cisions publiques, une recherche permanente de la connaissance des donnĂ©es dĂ©mographiques et sociologiques bases de toute analyse sĂ©rieuse de nos sociĂ©tĂ©s, une mĂ©fiance constante des idĂ©ologies de tout bord, du recul , de gris efforts pour essayer de comprendre la complexitĂ© de nos Ă©conomies, etc…
mon espoir du moment : les livres de Yuval Noah Harari « 21 leçons pour le 21eme siècle « . Un penseur lucide pour demain. Mais il nous faut aussi des acteurs pour conduire l’évolution . La conquĂŞte et l’exercice actuel du pouvoir politique et l’organisation de notre sociĂ©tĂ© bouleversĂ©e par le numĂ©rique ne font pas Ă©merger des politiciens assez forts et compĂ©tents pour nous Ă©viter de rĂ©gresser et de nous fragmenter… etc…