Le contrôle fiscal a battu des records en 2019. Il aurait rapporté 11 milliards €, soit 30% de plus que l’année précédente. Officiellement, cette performance est due à « l’intelligence artificielle » (en réalité du data mining, c’est-à-dire de la collecte de données en masse) qu’utilisent désormais les services fiscaux pour cibler les contribuables à contrôler. Dans la pratique, cette intelligence artificielle consiste surtout à arpenter les réseaux sociaux pour déceler d’éventuelles discordances entre les revenus déclarés et votre niveau de vie. Voici quelques conseils pour déjouer la vigilance des gabelous.
Le contrôle fiscal en France est à la pointe du progrès… puisque, selon le ministère des Comptes Publics, il opère de façon de plus en plus fructueuse grâce au « data mining » dont le déploiement n’était pourtant autorisé en loi de finances qu’à partir de 2020. Mais son utilisation a d’ores et déjà permis de collecter au moins 2 milliards supplémentaires en quelques mois. Ces innovations ne sont pas sans risque pour tous les adeptes des réseaux sociaux qui ont un peu d’argent à déclarer.
Contrôle fiscal et data mining…
Dans la pratique, le data mining est simple : il consiste à chercher automatiquement et massivement sur Internet les données concernant chaque contribuable. Pour être franc, personne n’a vérifié à quel niveau de modernité cette technique était arrivée. Mais, depuis la loi de finances 2020, le fisc est légalement fondé à vous traquer sur les réseaux sociaux pour « cibler » les éventuelles discordances entre vos déclarations de revenus et votre train de vie.
Les moyens privilégiés pour effectuer ces contrôles reposent sur l’analyse de vos photos sur Facebook ou sur Instagram, bien entendu. Si vous affichez six ou sept voyages de rêve dans l’année, à l’autre bout du monde, dans des hôtels de rêve, alors que vous avez déclaré 15.000 € de revenus, vous risquez d’éveiller quelques soupçons…
Mais la puissance du data-mining vient surtout de sa capacité à synthétiser des données issues de plusieurs réseaux sociaux. Si, sur Facebook, vous posez devant une bouteille de Vosne-Romanée hors de prix, si, sur Instagram, vous affichez des photos de votre maison à Saint-Martin, et si, sur Twitter, vous relayez des publicités pour Ferrari, vous risquez aussi d’étonner quelques inspecteurs bienveillants…
Assez logiquement, vous vous exposez alors au risque d’une petite vérification de derrière les fagots, qui aura la particularité de cibler ces moments privilégiés et de leur chercher des explications plausibles.
A titre expérimental et pour une durée de trois ans, pour les besoins de la recherche des manquements et infractions mentionnés au [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-796 DC du 27 décembre 2019.] c du 1 de l'article 1728, à l'article 1729 découlant d'un manquement aux règles fixées à l'article 4 B, à l'article 1791 ter, aux 3°, 8° et 10° de l'article 1810 du code général des impôts ainsi qu'aux articles 414, 414-2 et 415 du code des douanes, l'administration fiscale et l'administration des douanes et droits indirects peuvent, chacune pour ce qui la concerne, collecter et exploiter au moyen de traitements informatisés et automatisés n'utilisant aucun système de reconnaissance faciale les contenus, librement accessibles sur les sites internet des opérateurs de plateforme en ligne mentionnés au 2° du I de l'article L. 111-7 du code de la consommation, manifestement rendus publics par leurs utilisateurs.
LFI pour 2020, art. 154 Tweet
Conseil n°1 : la discrétion est la mère de toutes les vertus
Pour éviter ces moments compliqués où un inspecteur des impôts vous demande comment on peut se payer une Maserati flambant neuve avec les revenus que vous déclarez… surtout si vous exercez une profession qui brasse de l’argent liquide, respectez une première règle : soyez discret sur les réseaux sociaux.
Ainsi, même si l’envie vous mord les doigts d’afficher sur vos Facebook, dans un défi avec vos copains, les photos des meilleures bouteilles de Bordeaux de votre cave, contentez-vous de ne publier que des photos de bouteilles à moins de 10 € ou, en tout cas, de ne publier qu’exceptionnellement des photos de bouteilles prestigieuses. Et si, durant vos vacances aux Seychelles ou en Grèce, vous avez fait une excursion d’une heure sur un voilier de luxe, évitez de publier des photos de cet instant pour faire croire que toutes vos vacances se sont passées sur un bateau de rêve.
Le data-mining nous condamne à appliquer le dicton : pour vivre heureux, vivons cachés… La surveillance de l’État est désormais partout.
Conseil n°2 : le pseudonyme peut avoir du bon…
Si vous voulez vraiment montrer à vos amis et vos connaissances que vous avez réussi dans la vie, ou les faire pâlir d’envie sur vos vacances au Mexique dans des hôtels de grand luxe, ne semez pas derrière vous des cailloux de petit Poucet. Compliquez la tâche de mise en concordance de vos différents comptes en recourant aux pseudonymes. Et surtout, spécialisez vos contenus selon les comptes.
Sous votre nom, réservez les photos avec vos visages et associez-les à des représentations conformes à vos revenus connus du fisc. Par exemple, si vous avez déclaré 30.000€, postez-y vos photos de vacances dans la Creuse et quelques photos de votre escapade annuelle à Euro Disney, les mains chargées de hamburgers achetés à la va-vite. Et sous un pseudonyme, concentrez les photos de votre Ferrari, de votre villa de luxe aux Baléares non déclarée, et de vos vacances aux Maldives dans un palace. Prenez soin de ne pas publier de photos de votre visage sur ce compte pseudonymisé… au cas où le data-mining intégrerait un logiciel de reconnaissance du visage !
Les données sensibles, au sens du I de l'article 6 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, et les autres données manifestement sans lien avec les infractions mentionnées au premier alinéa du présent I sont détruites au plus tard cinq jours ouvrés après leur collecte. Lorsqu'elles sont de nature à concourir à la constatation des manquements et infractions mentionnés au même premier alinéa, les données collectées strictement nécessaires sont conservées pour une période maximale d'un an à compter de leur collecte et sont détruites à l'issue de cette période. Toutefois, lorsqu'elles sont utilisées dans le cadre d'une procédure pénale, fiscale ou douanière, ces données peuvent être conservées jusqu'au terme de la procédure. Les autres données sont détruites dans un délai maximum de trente jours à compter de leur collecte.
LFI pour 2020, art. 154 Tweet
Conseil n°3 : méfiez-vous des sites de voyage
Une erreur de débutant serait de ne pas englober dans les données collectables les avis que vous laissez sur les sites de voyage. Il faut y faire très attention.
Ainsi, si vous aimez laisser des commentaires sur Tripadvisor, vous prêtez le flanc à l’attaque. En effet, là encore, si vos revenus déclarés ne concordent pas avec un profil de globe-trotter, vos avis sur les restaurants de Bangkok, puis de Shangaï, puis de Melbourne, puis de Buenos-Aires, puis de New-York, publiés la même année, et certifiant que vous y êtes passé à quelques semaines d’intervalle, risquent de semer le trouble. Surtout si vous y décrivez votre goût prononcé pour le foie de gras, la truffe et le caviar !
Là encore, ayez bien conscience que toute trace laissée sur Internet et signée de votre nom ou de votre visage peut se retourner méchamment contre vous. Quand vous publiez un avis, ayez donc à l’esprit qu’il est susceptible d’être lu par votre inspecteur des impôts et compris non sous l’angle de vos qualités gustatives, mais de votre potentiel fiscal déclaré.
Conseil n°4 : méfiez-vous des forums
Dans la conscientisation des traces numériques que vous laissez derrière vous, n’oubliez surtout pas que vos contributions sur des forums peuvent également être consultées de façon très indiscrète par les services fiscaux. L’erreur la plus grossière consisterait donc à signer une contribution sur forum d’épargnants ou de contribuables dévoilant vos avoirs en Suisse ou suggérant leur existence. Mais laisser des traces trop visibles sur d’éventuels revenus que vous n’auriez pas déclarés peut également vous desservir.
À titre d’exemple, si vous êtes coiffeur et que vous demandez sur un site professionnel de coiffeur comment gérer d’importants flux de clientèle, ou d’importantes commandes de matière première, vérifiez bien que le chiffre d’affaires déclaré au fisc pour votre salon n’est pas celui d’un désert de la Creuse. Sinon, vous pouvez là encore éveiller l’attention…