La réforme des retraites aura-t-elle lieu ? Depuis plusieurs semaines, une sourde bataille fait rage au sein de l'exécutif entre ceux qui prônent son report au prochain quinquennat, et ceux qui plaident pour sa mise en place dès maintenant. Entre ces deux camps, le rapport de force est incertain. Mais l'Union Européenne devrait imposer un minimum de décisions destinées à juguler les déficits publics avant 2022. En revanche, ces arbitrages devraient se situer très en retrait par rapport à la réforme avortée de 2020.
Une vraie confusion entoure le sujet de la réforme des retraites. Depuis l’adoption de la réforme en première lecture par l’Assemblée Nationale, en février 2020, et la non-promulgation du texte pour cause de COVID, les opérations sont suspendues sans que personne ne comprenne réellement quelle option le Président de la République (qui a épuisé le pays pour faire passer ce texte controversé) retiendra pour sortir du gué dans lequel il baigne.
Deux tendances se dessinent aujourd’hui.
Les partisans du report de la réforme
Une part importante de la majorité présidentielle est opposée à la mise en application d’une quelconque réforme des retraites d’ici à 2022. L’argument que ces “conservateurs” mettent en avant est bien connu : en temps de pandémie, il ne faut pas mettre les Français dans la rue pour une mauvaise raison, et la réforme des retraites en est une, et peut-être même la principale.
Cette ligne est principalement tenue par la ministre du Travail, Elisabeth Borne. Voilà une actrice pas complètement dépourvue de poids dans le jeu des retraites, puisqu’elle a notamment en charge le dialogue avec les organisations syndicales. Elle emmène avec elle la macronie de gauche et de centre gauche.
Les partisans de sa mise en oeuvre
Face à elle se dresse l’hallucinant ministre de l’Economie Bruno Le Maire, dont il est acquis qu’il obtiendra plus facilement un prix Goncourt qu’un prix Nobel dans la discipline qui inspire son maroquin ! Hier encore, au micro de RTL, Le Maire a déclaré que la réforme des retraites restait une priorité.
Cinq jours plus tôt, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal avait déclaré la même chose. Il sortait alors du séminaire gouvernemental convoqué par Macron pour examiner les réformes de sortie du quinquennat, dont nous avons dit qu’il pourrait intervenir avec un peu d’avance.
Il n’est donc pas exclu que la réforme des retraites revienne sur le tapis au printemps (selon nous, sous une forme simplifiée intégrant des propositions de nature plébiscitaire).
Quelle forme pourrait prendre la réforme des retraites ?
Ces atermoiements permettent de livrer une première conclusion : il y a peu de chances pour que la réforme des retraites intervienne sous la forme initiale d’un grand régime universel qui toucherait toutes les catégories de salariés. Selon toute vraisemblance, la voilure sera réduite, notamment pour éviter de fâcher inutilement les fonctionnaires. Ils sont aujourd’hui les grands gagnants du système et ont tout à perdre dans un alignement de tous les régimes. Pour cette raison, le gouvernement avait déjà sorti une réforme au rabais où les fonctionnaires gardaient un régime spécifique.
Il est donc probable qu’un projet de réforme désossé soit présenté (et, selon nous, soumis pour l’essentiel à un referendum plébiscitaire au printemps) qui visera essentiellement à limiter les déficits en allongeant la durée de cotisation et en récupérant les réserves de l’AGIRC et de l’ARRCO.
Dans ce cadre, le régime général deviendrait probablement gestionnaire des tranches A, mais aussi B et C de revenus. Autrement dit, il empocherait les cotisations jusqu’à 10.000€ de revenus mensuels. Il faudra toutefois juger sur pièce de l’étendue de l’intégration, qui est une opération techniquement risquée.
Les impacts possibles pour les retraités
Faute d’une vision claire des décisions qui seront prises, il est difficile aujourd’hui de forger un avis définitif sur la suite des événements, qui reste entourée de nombreuses incertitudes. En revanche, plusieurs décisions sont quasiment acquises, qui changeront la donne.
Première décision : l’absorption de l’AGIRC et de l’ARRCO par le régime général devrait laisser peu de marge aux acteurs concurrentiels pour proposer de l’épargne-retraite. Sur ce point, nous redisons que l’arbitrage du gouvernement est en délicatesse avec la doctrine européenne du service d’intérêt économique général, qui prévoit de limiter la solidarité au strict nécessaire. Et nous considérons que l’instauration d’un régime unique jusqu’à 10.000 € de salaire est au-delà du nécessaire.
D’ici à ce que l’Union Européenne ne s’oppose au processus ou le censure, il faut donc avoir conscience que les revenus supérieurs au premier plafond de la sécurité sociale seront susceptibles d’être saignés à blanc dans les années à venir, au nom de la solidarité. Sans relèvement fort de la durée de cotisations, le régime obligatoire sera en effet déficitaire, et l’on sait tous qui paie les déficits dans ce pays.
Deuxième décision : la durée de cotisation devrait être allongée dans de brefs délais. C’est en effet le critère qui, à moyen terme, permet de gérer au mieux les déficits sans toucher directement au niveau des pensions. Il est inévitable de tendre progressivement vers les 45 annuités de cotisations pour décrocher un taux plein.
L’incertitude majeure sur la réforme des retraites
L’incertitude qui plane le plus est celle du gel ou de la dévalorisation progressive des retraites. Pour l’instant, le gouvernement a privilégié les désindexations partielles, c’est-à-dire pratiquées seulement au-dessus d’un certain seuil de retraite. Cette mesure est inique, dans la mesure où elle dégrade les droits acquis dans certaines tranches de revenus. Après avoir annoncé la règle d’un euro cotisé, un euro transformé selon une règle universelle, le gouvernement pratique l’inverse : certains euros cotisés valent plus que d’autres.
Reste à savoir jusqu’où ira la logique de dégradation des niveaux de pension : mesure générale ou pas ? simple gel des pensions ou dégradation claire des droits ?
Il est encore trop tôt pour le savoir, mais une chose est à peu près sûre : le principe contributif initial des retraites selon lequel le travail rapportait une pension est de plus en plus contesté et de moins en moins vrai…
Et je pense à certains élus et syndicats qui s’indignent de la baisse des retraites du nouveau système. Mais Regard sur la retraite du secteur privé durant 62 ans qui n’a fait que baisser et que l’on m’a adressé = cliquez pour lire la suite : https://developpement-mental-semantique.com/regard-sur-la-retraite-du-secteur-prive-durant-62-ans-que-lon-ma-adresse/
La réforme de la retraite avec la mise en place d’un régime commun et une très longue période de transition négociée pour les nombreux régimes de retraite dit spéciaux revenait à faire financer longtemps les coûteux avantages du secteur public et para public par la caisse à peu près à l’équilibre du régime général (salariés du privé) et les caisses de retraite complémentaires des salariés et des professions libérales qui disposaient d’une bonne réserve du fait d’une bonne gestion paritaire.
Maintenant que la crise fait revoir les grandes ambitions réformatrices d’un président obsédé par le rôle de l’état et anti libéral contrairement à ce que disent ses comptenteurs de gauche, voici venu le temps de faire payer la facture par les retraités, par le biais d’une désindexation générale des pensions, voir une diminution de celles-ci évoquée par les plus fanatiques.
Qu’importent le déficit permanent de l’état malgré les taux d’imposition et les taxes sur les classes moyennes sans équivalent ailleurs, on préfère taper dans les dépenses de la sécurité sociale et des caisses de retraite. Peu importe que le déficit de la sécurité sociale soit beau plus limité, alors que de gros efforts ont été fait depuis 20 ans dans ce domaine. Peu importe si le déficit actuel du à la chute des cotisations des entreprises du fait du covid 19 va se résorber automatiquement quand les activités reprendront, alors que le déficit de l’état continuera à filer après. Peu importe si les hôpitaux publics français dont les charges de gestion (frais indirects hors médical) représentent le double de la moyenne des hôpitaux européens font supporter cette surcharge par la sécurité sociale. Peu importe également que la sécurité sociale supporte maintenant le coût de la réduction des charges sociales, par décision du gouvernement suite au passage autoritaire aux 35 heures (lois Aubry 1 et 2). Peu importe enfin que les régimes des retraites des salariés soient considérés par les employeurs eux-mêmes comme des compléments de salaire justifiés par un niveau des salaires plus faible en France, avec un niveau de productivité du travail plus élevé par rapport aux autres pays européens. De ce fait les entreprises privées payent volontiers les charges sociales pour les retraites, qui garantissent un différé de salaire pour les salariés. Les entreprises sont beaucoup plus hostiles aux taxes sur la production fixes qu’elles voudraient voir baisser de manière plus importante et aux cotisations qui ont pour objet le financement de politiques qui n’ont rien à voir avec les salariés, comme par exemple le financement des allocations familiales (politique natalité) qu’ils voudraient voir transférées sur le budget de l’état.
Le président et le gouvernement savent tout cela. Ils savent faire la différence entre l’état, la sécurité sociale et les caisses de retraite. Dignes successeurs des présidents et gouvernements précédents, ils savent utiliser la sécurité sociale pour financer leurs programmes et les dépenses de l’état, grâce au contrôle de son budget par le parlement qui a été imposé il y a plus de 20 ans, en asseyant l’état sur paritarisme et en l’écrasant sous son poids. Depuis 20 ans les comptes de la sécurité sociale se sont dégradés comme par hasard. Ils feront pareil demain avec les caisses de retraite complémentaires. En attendant ils vont faire porter l’effort du redressement des finances sur les retraités, plutôt que sur le secteur public, qui a la préférence des hauts fonctionnaires qui nous gouvernent.
A un vieille dame qui l’interrogeait sur sa faible pension de retraite lors d’un déplacement du président dans une ville du nord de la France en 2018, le président avait répondu que le fait d’avoir cotisé ne lui donnait pas de droit à la retraite, qu’elle dépendait de la situation économique du pays (confondant au passage droit et soutenabilité). On a vu depuis qu’aux agents du service public était accordé un droit à la retraite supérieur à celui du privé, sans effort de financement (les cotisations sont très inférieures dans le cas des régimes spéciaux, les entreprises publiques abondant ces régimes pour des montants énormes avec l’aide de l’état, dans le cas des fonctionnaires les retraites sont payés par l’état, hors budget). Et il leur est accordé de plus un régime spécial dans le traitement de la réforme des retraites, exonérant les agents du secteur public des efforts et des effets de la convergence sur plusieurs dizaines d’années. Tout est dit.
Bravo pour ce résumé exhaustif !
La Grèce est un bon exemple d’inflexion d’un système à bout de souffle et dont les réformes à marché forcée ont été conduites par un gouvernement socialiste, un paradoxe mais demain en France il pourrait bien être conduit par un gouvernement autoritaire et répressif.