« A quelque chose malheur est bon ». Le conflit ukrainien a permis de lâcher les chiens. Depuis huit mois, la meute des néo-conservateurs bellicistes européens qui peuplent médias et think tanks français fond sur tout individu osant appeler à la raison pour stopper l’escalade militaire qui met l’Europe (et non l’Amérique) en danger vital. Le téméraire est immédiatement traité de « munichois », injure suprême, synonyme de pacifisme pleutre. Le Pape François, qui vient d’appeler la Russie mais aussi l’Ukraine à cesser le feu est-il munichois ? La guerre jusqu’au dernier Ukrainien est-elle inévitable pour ne pas perdre son âme ? Le prix en est-il le plongeon de nos peuples et États dans une crise économique, financière et sociale gravissime qui affaiblira la France et l’Europe entière, les plaçant sous la dépendance définitive du maitre américain ? Soyons sérieux !
« Le gouvernement avait le choix entre la guerre et le déshonneur ; il a choisi le déshonneur et il aura la guerre » avait lancé en 1938 Winston Churchill à Neuville Chamberlain de retour de Munich où ce dernier et Daladier avaient abandonné les Sudètes à Hitler, croyant ainsi échapper à la guerre. Il n’y a aucun rapport avec l’Ukraine. Vladimir Poutine n’est pas Hitler. Il n’est pas fou non plus. Il considère juste qu’il a trop longtemps laissé grignoter son glacis sécuritaire et que la présence de l’OTAN à sa frontière est une menace existentielle pour la Russie et son peuple.
Nous formons depuis 2015, via l’OTAN, les forces ukrainiennes pour bouter la Russie hors d’Europe et la couper de l’Allemagne. Depuis le 24 février, nous inondons Kiev d’armements et sommes devenus cobelligérants de fait. Nous sommes déjà en guerre contre la Russie et pour le compte de l’Amérique ; simplement nous ne le disons pas pour ne pas devoir demander leur avis à nos peuples, et nous faisons cette guerre par Ukrainiens interposés et à leurs dépens ultimes, comme semble commencer à le comprendre le président Zelenski qui craint que Washington ne le lâche et implore désormais l’OTAN de risquer rien moins qu’une guerre nucléaire pour sauver sa peau et pas celle de son peuple. Heureusement, J. Stoltenberg n’est pas fou non plus… Personne en Europe ou aux Etats-Unis n’entend mourir pour le Donbass. En revanche, sacrifier les Ukrainiens en les armant sans cesse pour espérer épuiser la Russie et la mettre à terre économiquement et stratégiquement…
Contrairement à ce que dit E. Macron, « le prix de la liberté » – le massacre de l’économie européenne – ne sauvera pas la « démocratie » ukrainienne. Ce sera la guerre directe si rien n’est fait pour casser l’engrenage et restabiliser la sécurité européenne, ce qui est illusoire sans la Russie. Ceux qui poussent à la roue prolongent les souffrances du peuple ukrainien et ne défendent aucunement les « valeurs » européennes. L’Europe a été pensée contre la guerre. Ils la défigurent. Cette rhétorique masque leur allégeance à un hégémonisme occidental discrédité qui croit encore pouvoir se rétablir sur le dos de la Russie. Les vrais Munichois sont ceux qui condamnent aujourd’hui l’Europe au déclassement stratégique, à l’aventurisme militaire et à la soumission, non à la Russie mais aux Etats-Unis. Les stratèges de plateaux, stipendiés ou juste vaniteux, portent une responsabilité lourde en véhiculant d’énormes mensonges sur la réalité des combats, des forces et des pertes. La désinformation fait rage dans chaque camp. La guerre va se poursuivre et l’Ukraine est mal partie. Toute la propagande et les mensonges du monde n’y changeront rien.
Le discours du président russe du 30 septembre a marqué un tournant dont nous n’avons pas à nous réjouir. Il a exprimé son rejet durable de l’Europe et de « l’Occident collectif » pour des raisons sécuritaires et existentielles, mais aussi culturelles et spirituelles. Poussé par la surenchère otanienne qui le met en danger au plan intérieur face à des courants qui n’ont pas gouté sa « retenue » durant les premiers mois du conflit et demandent un engagement de forces décisif, il vient de s’y résoudre, et ce n’est pas une bonne nouvelle. Après une probable pause opérationnelle russe, on peut craindre une phase plus violente avec destruction des infrastructures civiles et bombardements lourds. Mais les Munichois s’en moquent.
Avec le sabotage de North Stream 1 et 2, l’Amérique (qui d’autre ?) vient carrément de couper le gaz à l’Europe et de décider de la marginalisation de l’Allemagne au profit de la Pologne ! C’est un acte de guerre de la part de notre protecteur chéri. Donc, nous faisons mine de l’ignorer, comme la chute de l’euro et la mise en panne imminente de l’industrie allemande qui préfigure notre propre affaissement économique. Le chancelier Scholz n’était pas assez docile, il rechignait à livrer des chars de combat modernes à Kiev ? L’Empire ne tolère aucune indépendance de ses vassaux, même verbale. Les gazoducs sont coupés, le « Baltic pipe » qui relie la Norvège à la Pologne, ennemie héréditaire de l’Allemagne, est entré en service. Varsovie jubile et Berlin va payer par une lourde crise sa faute géostratégique majeure consistant à obéir à Washington en renonçant à l’énergie bon marché russe. Les Etats-Unis eux, voient s’éloigner leur terreur géopolitique cardinale – l’alliance germano-russe- et imposent leur mainmise énergétique durable sur l’Europe. Quand on pense que d’aucuns chantent « la souveraineté européenne » …
Les Munichois sont en fait ceux qui ne disent rien, qui n’ont jamais rien dit d’ailleurs, qui n’osent ni défendre nos intérêts nationaux ni même ceux de l’Europe que l’on vient très brutalement de remettre à leur place. Marginale. Nos « élites » ne pensent plus le réel, encore moins la dimension nationale comme pertinente. Le long processus de dévalorisation et d’affaissement des États, engagé dès les années 90, nous coupe de tout instinct de survie. C’est ça l’esprit de Munich. C’est donc le prix de la guerre que nous commençons déjà à payer. Les Ukrainiens dans le sang, les Européens dans le froid et la décroissance. Pour l’instant. Il devient inadmissible que nos dirigeants, somnambules indifférents, nous entrainent dans un tel marasme sans devoir en rendre compte à leurs mandants. Il est grand temps que les Français soient consultés sur cette guerre qui ne dit pas son nom et met leur survie en jeu.
Cet affrontement est une impasse militaire. Il faut arrêter le massacre et rétablir le dialogue. La sécurité et la prospérité de l’Europe n’en valent-elles pas la peine ? La France peut encore et doit porter une telle initiative. Elle sortirait peut-être ainsi du mépris croissant dans lequel la Russie mais aussi la Chine, comme une partie de l’Afrique et de l’Amérique latine, la tiennent désormais. Échapper au déshonneur et stopper la guerre n’est pas être munichois, c’est juste recouvrer la raison et défendre l’intérêt de notre peuple et de la France.
Beau texte. Etre ou ne pas être : le munichois c’est en effet celui qui n’est pas. La Pologne a tout gagné, sauf que sa population se chauffe aux ordures (Zerohedge) ; et Biden s’humilie devant l’Arabie et même le Venezuela. Jupiter dementat etc.
https://nicolasbonnal.wordpress.com/2022/10/07/notre-lectrice-preferee-jenny-donc-nous-revient-damerique-atlanta-georgie-vile-de-coke-et-cnn-et-nous-ecrit-un-texte-humoristique-curieux-et-desenchante-dans-la-lignee-de-baudrillard-voir-l/
Eric, difficile de vous contredire sur le fond, mais comment arrêter cette guerre à des conditions acceptables?
Selon Yves Bourdillon, du service international des Echos, ce qui se joue en ce moment en Ukraine, ce n’est rien de moins que le futur de l’humanité. On cite : “la seule manière pour Moscou d’éviter la défaite serait le recours au nuke”. Et l’OTAN ne peut pas reculer car sinon : “jurisprudence évidente : un pays nucléaire peut gagner n’importe quelle guerre contre un voisin, qu’il annexerait, ou ferait chanter. Demain, la Chine, le Pakistan, la Corée du Nord, l’Iran feraient de même”.
“Pour éviter le sort tragique de l’Ukraine, tous ceux qui ont les moyens financiers et techno se doteraient d’un arsenal nucléaire : Turquie, Arabie saoudite, Égypte, Algérie, puis Taïwan, Syrie, Bangladesh, Indonésie, Philippines, Australie, Japon, Corée du Sud, Vietnam”. Ah le beau futur que voilà ! Vous ne croyez pas?
l’Ukraine a creusé sa propre tombe en s’en prenant à ses populations russophones, qui non seulement sont très nombreuses, mais aussi sont les plus riches et n’ont historiquement rien à voir avec le reste de l’Ukraine (c’est la Novorussia).
Les dirigeants de 2014 ont joué et sont en train de perdre, le peuple ukrainien en paie le prix fort.
Pas con vu sous cet angle on est dans la merde
A part une négociation bien léchée il parait en effet inévitable d’avoir une escalade
Mais il ne faut pas sous-estimer la lâcheté de l’un des deux camps
Les UsA se sont foiré à plusieurs reprises… Afghanistan était le dernier départ magique d’un pays
La Russie s’est chiée dessus dans pas mal de territoires aussi
Cela n’a ni créé de jurisprudence ni incité d’autres pays à devenir ultra conquérant et débile
Par contre USA comme Russie vont certainement réussir à nous emmerder encore par la suite si ce n’est la Chine
La préparation d’un faux drapeau sur l’utilisation des nukes ,chéries des américains, par la Russie doit comporter une phase d’inversion accusatoire. Les seuls qui ne pourront s’en sortir qu’avec des nucléaires tactiques, pensent ils, sont les dingues russophobes néocons nazis et polonos impérialistes. Ils vous prépare à travers des idiots journalistes dans des torchons comme “Les Échos” . Ces ordures s’en serviront c’est pour cela que la Pologne en demande dur don territoire et â sa disposition.
Arrétez la naïveté benoîte.
Que rajouter de plus à cette excellente analyse !
On attend donc d’une part, l’hiver qui doit être rigoureux à l’avantage “théorique” de l’armée russe et d’autre part, la réaction russe contre les armes acheminées par l’Otan. Wait and see !
J’ai, par ailleurs, comme beaucoup, été très étonné depuis le début de ce conflit de la mollesse des attaques russes contre les infrastructures ukrainiennes dont principalement celles des réseaux internet, de téléphonie mobile, de télévision et de radio, des aéroports, des chemins de fer, etc…
L’armée russe avait quasiment encerclé Kiev dès le début du conflit et voilà qu’elle se retire toute penaude parce qu’elle avait perdu des tanks. Où était donc ses missiles anti-aériens ? Où étaient ses satellites militaires ? Où était sa cinquième colonne d’Ukrainiens russophiles qui aurait dû la renseigner ? Comme vous l’écrivez, ça va dorénavant cogner dur même très dur du côté russe s’ils ont depuis reçu le million d’obus commandés en Corée du Nord !
Ceci étant dit, il vaudrait mieux que les 2 belligérants s’assoient à la table des négociations si l’Otan le permet aux Ukrainiens.
«défendre l’intérêt de notre peuple et de la France. »
C’est justement ce qu’ils ne peuvent pas, et pour certains, ne veulent pas faire. Et depuis longtemps.
Cette guerre est l’arbre qui cache la forêt, celle de l’incompétence et des trahisons énergétique et industrielle. C’est cela qu’il faut absolument cacher à la majorité des Français sommée d’arborer des drapeaux bleu-jaune et de croire que l’Ukraine est une nation et une démocratie. Pour combien de temps encore?
Exercice amusant: essayer de traduire avec Google traduction ukrainien- français:
Volody myr zele nski
Vla di mir pou tine
“Il est grand temps que les Français soient consultés sur cette guerre qui ne dit pas son nom et met leur survie en jeu.”
Euh… Qui n’a pas encore nommé cette guerre une guerre ? Pourquoi reconnaitrions-nous être en guerre avec un pays qui ne considère pas lui-même que ce qu’il commet est une guerre ?
Par ailleurs, ce texte me paraît sans objet parce que depuis longtemps dépassé. Si l’on veut pratiquer le petit jeu des comparaisons historiques, notre Munich, nous l’avons connu avec notre passivité devant l’annexion par les Russes de la Crimée en 2014. Février 2022, c’est l’étape suivante, mars 39 et l’invasion de la Bohême-Moravie, avec l’intention proclamée de ravaler l’Ukraine, comme la Tchécoslovaquie alors, au rang de protectorat sous le prétexte de porter secours à des populations allemandes (aujourd’hui des Russophones) soit disant menacées et d’assurer la sécurité des frontières d’un Reich prétendument menacé (aujourd’hui prétendument par l’OTAN).
Que signifierait alors laisser faire aujourd’hui ? Et bien simplement attendre un peu pour savoir quel pays jouera le rôle de la Pologne de 1939 dans l’étape suivante… C’est peu de choses, la leçon de l’Histoire, peut-on regretter, qui ne nous a épargné que la dernière “gorgée de la coupe amère” que nous avons bue jusqu’à la lie en septembre 1939, avant d’enfin retrouver cette “force morale” qu’appelait Churchill.
Excellent article qui résume pratiquement tout, mais pour la conclusion, je doute que des bras cassés comme les nôtres, à l’ego hypertrophié, reconnaissent qu’ils se sont fourvoyés et tournent bride – encore que, Benito nous ait habitué à faire le contraire de ce qu’il proférait la veille, donc, S’IL sent le vent devenir mauvais pour sa pomme, il est tout à fait possible qu’il retourne sa veste, comme le bon socialaud qu’il est. Mouët-Hennesy, comme disent les rosbifs.
Apaiser l’angoisse par la foi oui quand on est sur le champ de bataille mais à l’arrière la lucidité doit primer. Il s’agit d’une guerre à mort de la part de l’ogre impérialiste Us suivi de ses satellites qui font les bougnats. L’issue malgré qu’il soit rentré dans la phase de décrépitude, si certaine à long terme ne l’est pas nécessairement à courte échéance. Justement il vient de démontrer sa capacité d’initiative et d’adaptation. Sa capacité à créer un monde virtuel qui enrobe à merveille les pires crimes contre l’humain et le fait passer pour un Justicier fait contraste avec notre Poutine par exemple bien maladroit pour exprimer son initiative militaire frappée du titre étrange d’Opération spéciale. Dénazification ça passe mais sans contextualiser perd du sens aux yeux de l’opinion. Bordel de ce point de vue qu’ils sont lourds les russes !
Faire la guerre avec un tel adversaire en portant à vue d’oeil le code chevaleresque ce n’est pas non plus un gage de réussite.
Porter secours militaire aux républiques autoproclamées 100 × OUI ! l’agression du Donbass devenait insoutenable. Mais d’emblée je dis bien d’emblée, s’avancer jusqu’à Kiev ça a été du pain béni pour les États-unis. Parce qu’au fait dans cette histoire l’Ukraine c’est rien de rien, qu’un appât, les Us c’est Tout.
Pour résumer Poutine a fait des erreurs stratégiques énormes qui lui ont fait perdre sans appel la guerre de l’opinion et la Russie se trouve empêtrée et nous peuples européens avec, dans une situation très délicate entouré d’amis pas prêt à se mouiller sauf peut-être l’Iran. Oui oui oui l’OPEP +, ça mange pas beaucoup de pain… nombreux sont ceux qu’y trouvent leur compte…
Attention les coups bas de la part des Us vont continuer et Poutine après beaucoup de péripéties sera obliger de viser la racine du mal. Et ça risque de tenir dans le temps parce que d’autres groupes de pression au-delà des intérêts américains se conjuguent dans cette opportunité, comme dans le cas de la fameuse Fenêtre.
Au fait ça revient à une forme de la guerre du faible au fort. Poutine malheureusement n’a pas voulu prendre l’affaire sous cet angle.
Je viens d’apprendre la destruction du pont del a Crimée. Que va faire Poutine, l’ennemie s’est bunkerisé, Poutine n’aura pas l’effet surprise et s’il touche les centres névralgiques, plutôt le Centre ce ne sera que de façon matérielle. Ceci s’il se décide à une réponse à la hauteur… c’est pas gagné. Que du temps perdu que des occasions manquées, quel gâchis.
Quand les Européens vont ouvrir les yeux sur qui est leur véritable ennemi – les USA et leur vassal polonais -, ce sera trop tard.
Bien parlé! Caroline Galacteros avec NOUS! Je recommande son fine tank de geopolitique, ici:
???????? https://geopragma.fr/
Russie trop molle et donc humiliée (PCR, CDGJ, etc.). Elle avait d’ailleurs désarmé avant son offensive foirée. Une critique de Marc Gébelin :
https://nicolasbonnal.wordpress.com/2022/10/09/marre-de-poutine-la-russie-trop-mollassonne-ne-cesse-de-se-prendre-des-claques-pertes-retraites-gazoducs-ponts-humiliations-le-formalisme-petit-bourgeois-de-poutine-qui-en-plus-passe-pour-u/
Article excellent, comme toujours ( à mon avis ) chez Mme Galactéros. Un bémol : non, la désinformation ne fait pas rage dans les deux camps ! Je laisse à chacun le soin de découvrir par lui-même celui des deux camps qui, de ce point de vue, a largement battu tous les records précédents de désinformation !