Dans son discours sur l’état de l’Union tenu le 16 septembre 2020 à Strasbourg, Ursula von der Leyen avait appelé l’Europe à construire une Union européenne de la santé. L’épidémie ayant révélé de nombreuses incohérences et faiblesses structurelles dans la gestion du risque, un besoin de renforcement de la coopération et de la coordination entre les états membres s’est avéré criant. Quelques semaines plus tard, un pas important était franchi : le 11 novembre 2020, la Commission européenne adoptait une communication dans laquelle elle avançait plusieurs propositions pour « renforcer la résilience de l’UE face aux menaces transfrontalières pour la santé » (nous avons publié ce texte hier). Cette communication était accompagnée de 3 propositions législatives visant au renforcement du mandat du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), à l’extension du mandat de l’Agence européenne du médicament (EMA), et enfin, à une mise à niveau de la décision de 2013 relative aux menaces transfrontalières graves pour la santé (maladies transmissibles, agents biologiques ou chimiques, évènements environnementaux ou climatique…).
C’est sur l’extension du mandant de l’EMA que le Courier des stratèges entend faire le point aujourd’hui, alors que l’EMA revient au centre de l’actualité avec l’approbation du nouveau vaccin AR-M adapté aux nouvelle souches d’Omicron BA4 et BA5, et à l’approbation de la version pédiatrique du vaccin, et pour les nourrissons dès… 6 mois.
L’EMA aux origines…
Créée en 1995, transférée de Londres à Amsterdam au moment de prise d’effet du Brexit, cette agence qui emploie près de 900 personnes s’est vu assigner le rôle de « garantir l’évaluation scientifique, le contrôle et le suivi de la sécurité du médicament à usage humain et vétérinaire dans l’UE » [1]. Sa mission principale est d’autoriser et de contrôler les médicaments dans l’UE. Si elles optent pour la procédure centralisée, les entreprises soumettent à l’EMA leur demande d’autorisation de mise sur le marché, qui sera examinée par le comité des médicaments à usage humain (CHMP) ou le comité des médicaments à usage vétérinaire (CVMP). Au terme de cette évaluation scientifique, l’EMA recommandera ou non à la Commission d’octroyer une autorisation de mise sur le marché. Le médicament ou le vaccin pourra alors être commercialisé dans l’ensemble de l’UE et de l’EEE. La procédure centralisée est de rigueur pour les médicaments innovants ou pour le traitement des maladies rares. L’EMA coopère avec des centaines d’experts à travers l’Europe, pour la plupart désigné par l’ANC (autorité nationale compétente). Ils sont répartis dans différents comités scientifiques[2]. L’autorisation de mise sur le marché est cependant toujours délivrée par la Commission.
Et depuis l’entrée en vigueur du Règlement 2022/123 en mars 2022…
Depuis le 1er mars 2022, l’EMA est donc nantie de nouvelles compétences, sensées la rendre mieux armée pour prévenir les pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux vitaux. Ces nouvelles compétences, pour certaines, pérennisent et institutionnalisent les structures et processus mis en place par l’EMA lors du pic de la pandémie, à la demande de la Commission. D’autres sont des tâches nouvelles.
Les deux principales responsabilités confiées à l’EMA par le R 2022/123 tendent à (1) la surveillance et l’atténuation des pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux et (2) au développement, à l’approbation et à la surveillance des médicaments en préparation et pendant les urgences de santé publique.
En ce qui concerne l’anticipation des pénuries, l’idée est donc de pérenniser les mécanismes temporaires de surveillances des pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux critiques mis en place au début de la pandémie en 2020, tout en les renforçant.
Du côté des médicaments, un groupe de pilotage a été créé au sein de l’EMA pour évaluer les informations relatives aux urgences de santé publique ou aux évènements majeurs (définis comme étant un évènement susceptible de poser un risque grave de santé publique, liés à des médicaments, dans plusieurs états membres[3]). Il étudie la nécessité d’une action urgente et coordonnée ayant trait à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des médicaments concernés. Le groupe a également pour tâche d’établir une liste de « médicaments critiques ». On entend par là les molécules nécessaires aux soins d’urgence, aux interventions chirurgicales et aux soins intensifs. Cette liste devra être établie avant le 2 août 2022 et mise à jour annuellement. L’EMA communiquera sur son site internet des informations sur les pénuries réelles de médicaments figurant sur cette liste.
Pour alimenter les informations nécessaires en cas d’urgence sanitaire ou d’évènement majeur, l’Agence établit une liste de points de contact uniques pour tous les titulaires d’AMM [i][4] des médicaments autorisés dans l’UE, lesquels sont tenus de répondre aux demandes formulées par l’EMA.
Pour compléter le dispositif de suivi, une plateforme européenne de surveillance des pénuries a été créée pour faciliter la collecte d’infirmations sur les pénuries réelles ou potentielles des médicaments figurant sur la liste des médicaments critiques.
Du côté des dispositifs médicaux, l’EMA voit également ses compétences étendues. A l’instar du système mis en place pour les médicaments, un groupe de pilotage sur les pénuries de dispositifs médicaux a été créé, ayant les mêmes attributions, mais son action est curieusement cantonnée ici aux situations d’urgence de santé publique, ainsi que cela ressort de l’article 23 du Règlement. Le concept d’urgence de santé publique est défini dans le Règlement en référence à l’article 12, §1, de la décision n°1082/2013/UE. Pour synthétiser, une situation d’urgence de santé publique n’est avérée que si elle est reconnue comme telle par la Commission, au regard (1) d’une épidémie de grippe humaine – susceptible de se transformer en pandémie, lorsque le directeur général de l’OMS en a été informé et n’a pas encore adopté de décision déclarant l’existence d’une pandémie, ou bien au regard (2) d’une menace transfrontalière grave mettant en danger la santé au niveau de l’UE. La condition selon laquelle le directeur général de l’OMS a été informé mais n’a pas encore adopté de décision déclarant une urgence de santé publique de portée internationale est d’application dans ce cas-ci aussi.
Le moins que l’on puisse dire est que cette somme de définition n’est guère limpide, et on retiendra que ce texte créée une différence de traitement majeure entre médicaments et dispositifs médicaux qui pose question. Pour être plus clair, l’évènement majeur est celui qui est susceptible de poser un risque grave pour la santé publique, lié à des médicaments[5] (article 2). On en déduit qu’aucun évènement susceptible de poser un risque grave pour la santé publique ne pourrait être lié à un dispositif médical, ce qui paraît fort douteux.
Sur le même modèle que les dispositions applicables aux médicaments, une liste des dispositifs médicaux critique devra être établie et mise à jour, pour le mois de mars 2023. Les informations pertinentes sur ces dispositifs et leurs fabricants seront collectées dans la base de données européennes Eudamed.
Venons-en à la seconde responsabilité octroyée à l’EMA par le R2022/113, en matière de développement, d’approbation et de surveillance des médicaments en préparation et pendant les urgences de santé publique.
Le R 2022/123 donne une base légale et institutionnalise la procédure mise en place à la faveur de la pandémie de Covid, à savoir la « rolling review », ou évaluation en continu., beaucoup plus rapide que la procédure d’évaluation hors contexte d’urgence sanitaire. Cette révision en continu est l’un des outils de réglementation que l’EMA utilise pour accélérer l’évaluation de médicaments ou de vaccins considérés comme prometteurs lors d’une urgence de santé publique. Normalement, toutes les données sur l’efficacité, la sécurité et la qualité d’un médicament et tous les documents requis doivent être soumis au début de l’évaluation au moyen d’une demande formelle d’autorisation de mise sur le marché. Exprimé autrement, lors de l’approbation d’un nouveau vaccin ou d’un médicament, les compagnies pharmaceutiques doivent habituellement attendre que tous les essais cliniques soient terminés pour soumettre leur demande d’approbation à l’EMA. Dans le cas d’une révision en continu, le CHMP analyse les données au fur et à mesure que les études en cours les rendent disponibles avant de décider que les données sont suffisantes et qu’une demande formelle doit être introduite par l’entreprise. Si les résultats s’avèrent satisfaisants en l’état pour l’EMA, elle émet une recommandation pour le lancement eu traitement ou du vaccin. L’AMM sera délivrée plus tard, par la Commission.
Que faut-il penser de ce Règlement 2022/123, à la lueur de cette première analyse ?
En ce qui concerne le volet « anticipation et atténuation des pénuries », on notera que la liste des médicaments critiques a bien été publiée le 7 juin 2022 comme prévu dans le Règlement. Y sont repris les 2 vaccins à ARN-M et les 2 à vecteur viraux, dont on ne risque certainement pas de manquer, au vu du nombre astronomique de doses commandées à nouveau par la Commission, qui donne le tournis. Les médicaments sont pour l’essentiel des antiviraux, corticoïdes…
Les dispositions arrêtées pour les dispositifs médicaux sont réellement interpellantes. Vu le champ restreint des situations visées par le Règlement (voir définition du concept d’ « urgence de santé publique »), on est raisonnablement en droit de se dire que cette partie du règlement est du vent, et ne trouvera même pas à s’appliquer. Or, la demande de dispositifs médicaux (respirateurs, poches de sang, appareils pour dialyse, scanners…) est, de manière chronique, tendue, et la disponibilité souvent critique. Est-il besoin de rappeler les conséquences funestes induites par le manque de respirateurs au plus fort de la crise, dans tous les pays de l’UE ? Exclure les dispositifs médicaux du champ des évènements majeurs semble s’apparenter à de la malveillance, à moins de considérer que les bénéficiaires du Règlement ne soient pas les citoyens de l’UE mais un autre catégorie de personnes, les firmes pharmaceutiques peut-être… Ou alors les instances n’ont pas poussé le cynisme à les inclure, sachant que ce sont les recommandations budgétaires destinées à chaque état (GOPE) qui ont mené à une coupe drastique dans les budgets de la santé, or ce matériel est généralement très onéreux.
On mentionnera un autre problème majeur relatif aux dispositifs médicaux (mais non en lien avec la crise du Covid) : le nouveau Règlement 2017/145, en vigueur depuis mai 2021, impose que tous les dispositifs médicaux circulant en Europe doivent obtenir une certification, qu’il soient déjà utilisés depuis des années, ou qu’ils fassent l’objet d’une mise sur le marché. Or, en raison d’exigence réglementaires supplémentaires, le nombre d’organismes en capacité de délivrer ces certifications a été divisé par 2 par rapport à la période pré-2021, ce qui suscite une grande inquiétude au sein du monde médical.
En ce qui concerne le volet de l’approbation des médicaments et vaccins pendant les périodes d’urgence de santé publique, là on peut dire que le Règlement a atteint son objectif : depuis fin 2021, donc après les recommandations d’administration des 4 vaccins que nous connaissons, l’EMA a entamé des « rolling reviews » pour les vaccins Valneva, Curevac, Vidprevtyn, Spikevaxx, Hipra… et également pour des dizaines de médicaments anti-viraux.
Alors nous nous sommes bien entendu posé la question suivante : le citoyen de l’Union est-il en de bonnes mains avec l’EMA ? L’agence présente-t-elle des garanties d’indépendance ?
[1] L’EMA a été créée pour « garantir l’utilisation optimale des ressources scientifiques en Europe en vue de l’évaluation de la surveillance et de la pharmacovigilance des médicaments. »
[2] L’EMA compte 7 comités scientifiques, qui réalisent des évaluations scientifiques : le comité des médicaments à usage humain (CHMP), le comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC), le comité des médicaments à usage vétérinaire (CVMP), le comité des médicaments orphelins (COMP), le comité des médicaments à base de plantes (HMPVC), le comité des thérapies innovante (CAT) et le comité pédiatrique (PDCO).
[3] Un tel évènement suppose une menace mortelle ou toute autre menace grave pour la santé d’origine biologique, chimique, environnementale, ou un incident grave susceptible d’affecter l’offre ou la demande de médicaments (article 2).
[4] Autorisation de mise sur le marché
[5] Un tel événement suppose une menace mortelle ou toute autre menace grave pour la santé d’origine biologique, chimique, environnementale ou un incident grave susceptible d’affecter l’offre ou la demande de médicaments.
[i] Autorisation de mise sur le marché
Ce “machin” totalement inutile est une véritable usine à gaz. LEs pays de l’UE peuvent tout à fait s’en passer, et ce qui est inquiétant est cette centralisation excessive dans le secteur de la santé entre les mains de bureaucrate qui sont très loin des réalités du terrain. Sans oublier la puissance des lobbies du monde médical qui est déjà bien implanté à Bruxelles. Finalement, l’UE c’est bien le retour au communisme.
C’était le bordel au niveau national
C’est le bordel au niveau fédéral européen
Quand les technocrates corrompus gèrent les affaires courantes on finit toujours avec les mêmes problèmes
Revenir à la souveraineté n’y changera rien si le mode de gouvernance au niveau national est géré par les mêmes énergumènes
Toute la notion de conflit d’intérêt doit être centrale. Sinon on pourra palabrer pendant des heures, les mêmes causes continueront de produire les mêmes effets
Oui mais je pense qu’au niveau national on peut plus facilement les cibler et les poursuivre. On les a davantage sous la main. Le politburo de Bruxelles est beaucoup plus difficile à atteindre.
« L’épidémie ayant révélé de nombreuses incohérences et faiblesses structurelles dans la gestion du risque, un besoin de renforcement de la coopération et de la coordination entre les états membres s’est avéré criant. »
Avec le recul, il est évident que la solution ne répond pas au problème… Comme si la technocratie pouvait le résoudre de façon uniforme et sans jamais faire remonter les expériences de terrain.
Concernant “la surveillance et l’atténuation des pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux” et “l’approbation des médicaments en préparation pendant les urgences de santé publique”, encore faut-il que les médicaments soient choisis en fonction uniquement du bien des populations. Il est évident que cela n’a pas été le cas. Veiller à la disponibilité du Rivotril et d’injections faussement appelées “vaccins” semble assez peu utile.
Et on ne pourra pas faire du vin nouveau avec de vieilles outres.
Mais comme pour tout bon communisme, si celui estampillé “UE” est profondément nocif, c’est qu’on n’a pas été assez loin…
1) “Est-il besoin de rappeler les conséquences funestes induites par le manque de respirateurs au plus fort de la crise, dans tous les pays de l’UE ?” Les conséquences délétères du placement systématique sous respirateur (au lieu de l’optiflow) ont été largement documentées. Tant qu’à relever des problèmes, ne nous trompons pas de sujet.
2) L’EMA assume son rôle en matière de conseils aux entreprises pharmaceutiques tout au long des procédures d’AMM. Et les enjeux économiques sont colossaux, notamment lorsqu’il s’agit de thérapies innovantes. Le double rôle de l’agence (soutien de l’industrie/protection des consommateurs) suppose dès lors un équilibre bien difficile à tenir…
Veuillez me pardonner ce rappel moralisateur, mais informer objectivement, c’est informer exhaustivement.
Bien à vous
Merci. Mais je pense que vous vous trompez sur le sens des “dispositifs médicaux”. Il peut y avoir des “dispositifs médicaux” dans les injections par exemple.
Voici pour l’illustrer, un travail de Karen Kingston : “Complément sur les points quantiques. Les « vaccins » à ARNm COVID-19 contiennent de l’ARNm Qdot®” – publié le 23/10/2022 – sur : https://etouffoir.blogspot.com/2022/10/complement-sur-les-points-quantiques.html
Extrait : “””En vertu de la loi américaine sur les brevets, le public a accès aux informations exclusives contenues dans les brevets . Cependant, en tant que secret commercial, le public n’a aucun droit sur les informations exclusives concernant la technologie Qdot®, à moins que la FDA n’approuve les dispositifs médicaux à usage humain qui utilisent la technologie Qdot®. “””