Les francs-maçons marocains tonitrueraient, dit la rumeur, contre Emmanuel Macron, jugé trop peu fraternel. L’affaire ne manque pas de piquant ni de croustillant. En tout cas, la leçon est donnée : la franc-maçonnerie n’est ni aussi monolithique, ni aussi puissante que beaucoup s’emploient à le croire ou à le faire croire dans une vision sottement complotiste de la réalité. La preuve par le Maroc.
À partir de 1848, la bourgeoisie « passe à droite » : elle a pris le contrôle de l’État, et n’a donc plus besoin de se cacher dans des loges pour réformer la société. Les nouveaux réformateurs (notamment marxistes) vont donc concevoir pour la maçonnerie la même hostilité qu’elle-même manifestait à l’encontre des institutions de l’Ancien Régime. C’est ainsi que le hégélo-marxiste Kojève, dans les années 1940, parlait sans inhibitions des « cérémonies infantiles de la franc-maçonnerie ». Héritier de Kojève via le mainstream idéologique davosien, Emmanuel Macron est en France le principal représentant d’une classe technocratique qui s’est émancipée aussi bien des partis de masse que de ces loges qui n’en sont que le visage plus discret.
Deux loges, deux ambiances
De telles évolutions n’ont cependant pas encore été possibles dans des sociétés « en voie de développement », comme le Maroc, dont les maçons viennent, à en croire le site Mondafrique, de découvrir qu’Emmanuel Macron n’est finalement peut-être pas tellement leur frère. C’est que, en dépit de l’identité des symboles et de certains slogans, la postmodernité ne fait pas toujours si bon ménage avec la modernité. Harari n’est pas Marx, Macron n’est pas Lénine. C’est ainsi que nous donnons à ce nouvel Occident (pigmenté) qui surgit en ce moment sur les marges de l’ancien l’occasion de comprendre, justement, les limites historiques du modèle occidental. Sauront-ils faire bon usage de cette leçon ? C’est leur problème. Le nôtre s’appelle (pour l’instant) Macron.
Les sociétés secrètes servent à conforter les hommes de pouvoir entre eux. Fraternellement ne veut pas dire dans la tendresse. Bien au contraire. Les hommes de pouvoirs se doivent d’être respectables et respectés. Des hommes de pouvoir qui s’isolent avec leur caste parce qu’ils se considèrent comme supérieurs, ont peu de chance de rester en place sauf à devenir tyraniques. L’histoire montre qu’ils sont chassés d’une manière ou d’une autre par une grande défaite.