Fermeture du McDonald’s d’Almaty: un évènement politique? par Modeste Schwartz

McDonald’s quittant le Kazakhstan, c’est bien sûr tout un symbole. Surtout quand on sait la dimension politique que revêt en Russie la fermeture de nombreuses chaînes occidentales, et quand on se souvient de l’aggiornamento politique avec participation militaire russe dont ce pays a été le théâtre il y a un an.

Mais l’interprétation des symboles, surtout dans un monde que nous connaissons si mal, expose à beaucoup de malentendus. En premier lieu, il ne s’agit pas d’une décision administrative revêtant officiellement un caractère politique : la chaîne quitte volontairement le pays, en invoquant des problèmes d’approvisionnement provoqués par la guerre. Comme c’est l’approvisionnement en steaks hachés qui poserait semble-t-il problème, beaucoup de kazakhs manifestent une certaine incrédulité. Difficile de s’en étonner, pour peu qu’on se souvienne du proverbe kazakh qui affirme que « le seul animal qui mange plus de viande que le loup, c’est le kazakh ».

McDonald’s Kazakhstan aurait-il oublié de partager le bout de gras ?

D’autre part, la même dépêche de Reuters fait état du maintien au Kazakhstan de diverses chaînes de restauration rapide typiquement occidentales, comme KFC et Burger King, mais aussi des projets de la chaîne Popeye, qui compte ouvrir des dizaines d’établissements en partenariat avec un groupe local.

Ce dernier détail peut nous mettre la puce à l’oreille, en laissant soupçonner que les coulisses de l’affaire pourraient être moins idéologiques et « géopolitiques » qu’une interprétation naïve ne tendrait à le supposer. Quiconque connaît le monde post-soviétique sait en effet que le monde des affaires y est caractérisé par un haut degré de concentration oligarchique, et par l’omniprésence des pratiques mafieuses. On peut donc se demander dans quelle mesure, en l’occurrence, le grand roque géopolitique en cours dans l’espace eurasien n’a pas simplement servi de prétexte au retrait honorable de celui des concurrents présents sur le marché qui avait, comme le dit un proverbe roumain, « oublié sa table des divisions » (comprendre : oublié de partager ses bénéfices avec qui de droit).