En intitulant son dernier livre « Confession d’un hétérosexuel légèrement dépassé », Frédéric Beigbeder a bien, comme le relève Elle, annoncé la couleur : provocation – mais aussi capitulation.
En réclamant « sa médaille de combattant antisexiste » dans le cadre du lancement d’un livre dont le titre contient le mot « hétérosexuel », Beigbeder – qu’on peut soupçonner de bien des choses, mais pas d’imbécilité – se rend forcément compte de l’énormité de la pique qu’il inflige au féminisme actuel.
Dominé par une poignée de lesbiennes hystériques qui l’ont transformé en combat à mort contre l’hétérosexualité, ce féminisme ne supportera pas plus le dernier Beigbeder qu’il n’aurait supporté (si Elle avait daigné le porter à sa connaissance) le YIN de Modeste Schwartz : ouvrages inspirés par l’amour des femmes qui (horribili dictu) aiment les hommes.
Sauf que le mondain Beigbeder, à des fins de promotion, vient les titiller sur leur terrain pseudo-moral : la lutte « contre le sexisme ». Et, comme notre écrivain, a, comme on dit, vécu, ça ne rate pas : un #metoo contesté, trois de gagné ! Voilà bien un danger auquel Schwartz, plus coutumier des bals populaires carpatiques que des discos de la rive droite, ne s’expose pas.
Féminisme et masculinisme : un tango qui se danse à deux
L’ennui, c’est que – comme c’est souvent le cas – cette provo dit finalement la vérité de notre époque. Forme humoristique, volontairement contradictoire de masculinisme, la pose que se donne Beigbeder finit, comme tout masculinisme, par le réinsérer dans la boucle du féminisme : les hommes (il le dit lui-même), deviennent une énième communauté victimaire.
Qu’il en ait conscience ou non, Beigbeder rejoint sur le ton de la plaisanterie le propos récent d’une éditorialiste du Figaro, qui nous expliquait très sérieusement que les hommes sont, eux aussi, « victimes d’inégalités ». « Je n’ai pas choisi d’être un homme – dit Beigbeder –, je n’ai pas choisi d’être blanc. Je n’ai pas choisi de désirer les femmes » : à l’exact opposé du grand oui à la vie de Nietzsche, on a là une parfaite formulation du grand non, de l’idéologie du dernier homme.
Et c’est ce nihilisme qui sert de caution au vrai-faux rebelle Beigbeder, quand il ose affirmer que les femmes sont des femmes, et les hommes, des hommes : il a le droit de nommer le réel, parce qu’il s’en plaint.
Je découvre en lisant l’article que Modeste Schwartz écrit aussi des livres (intéressant), et Google images (l’indiscret !) me permet de découvrir aussi son visage bonhomme (what else !)
La détestation de soi, aussi bien au niveau individuel que collectif, est l’un des plus grands maux de notre société. Il fallait vraiment la déchristianiser en profondeur pour en arriver là.