Le premier numéro du JDD en format Geoffroy Lejeune est paru hier, et il fait de terribles révélations sur les pratiques douteuses de la presse subventionnée. Entre complaisance coupable avec les gouvernants et mises en scène très limite pour faire croire à des demandes populaires (sans compter l’erreur d’illustration qui est un coup dur personnel pour le nouveau rédacteur en chef), on découvre l’envers d’un décor qui rappelle la grande distance installée entre la presse subventionnée et la déontologie journalistique.
Comme on le voit, la Une du Journal du Dimanche fait référence à la marche blanche d’Enzo, mort le 16 janvier dans un accident de voiture. Geoffroy Lejeune a parlé de choix, mais ce choix a semé la confusion, laissant à penser que le journal s’était trompé de marche et d’Enzo. La dernière victime, dont nous avons parlé, appelée Enzo, est morte en juillet d’un coup de couteau.
Supposons…
C’est surtout le reste qui pose quelques problèmes.
Quand la presse se fait relire par le pouvoir
Premier point : la nouvelle ministre, copine de Brigitte Macron, Sabrina Agresti-Roubache, a accordé, sans l’autorisation préalable de Matignon, une interview à l’hebdomadaire nouvelle formule. Ce faisant, elle a fait voler en éclat l’espèce de cordon sanitaire qui se mettait en place autour de la nouvelle rédaction.
Surtout, on apprend que Matignon a découvert cette interview… lorsque l’hebdomadaire la lui a envoyée pour relecture ! Le Premier Ministre dispose visiblement du droit de corriger des propos tenus à la presse par ses ministres. Voilà une bien singulière conception de la liberté de la presse, et surtout de son indépendance. Jusqu’où Matignon réécrit-il les articles de la presse qu’il subventionne ? Cela nous intéresserait de le savoir.
Les familles aidées par Lejeune pour écrire une lettre ouverte
Accessoirement, le Dauphiné Libéré a révélé que la lettre ouverte des parents de victimes demandant à Emmanuel Macron plus de respect pour celles-ci… avait été écrite par l’hebdomadaire lui-même, puis proposée à la signature des parents. La méthode est-elle complètement loyale, ou bien peut-on accuser Geoffroy Lejeune de “fabriquer” des revendications populaires qui permettent d’ancrer le journal dans une stratégie émotionnelle facile ?
On est gêné, en tout cas, par tous ces procédés très éloignés d’une presse libre et sincère.
La relecture des articles par les services du premier ministre ou de l’Elysée est obligatoire depuis début 2018.
Fin 2019, j’avais tenté un bilan de l’action d’EM contre la liberté d’expression. Voilà où on en était…
Août 2017. Répression des injures privées.
Le président Macron a contribué à « enrichir » notre Code pénal d’un nouvel article (R625-8-1) instituant que « l’injure non publique [donc dans le cadre privé] commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, etc…
https://www.alain-bensoussan.com/avocats/diffamations-et-injures-non-publiques/2017/10/31/
Février 2018. Déplacement de la salle de presse de l’Elysée dans une rue voisine
https://francais.rt.com/france/48110-pas-volonte-politique-decarter-presse-macron-demenage-salle-presse-hors-elysee
Début 2018. Réécriture des interviews: l’exécutif agit à la source
La Voix du Nord a publié un article expliquant son refus de publier l’interview accordée le 20 mai par Emmanuel Macron à neuf journalistes de grands titres régionaux, dont le quotidien en question.
Selon le journal, la rencontre avec le Président de la République, qui a duré une heure et demie, a été «encadrée de façon inédite», les participants étant dans l’obligation de «coécrire sur place une version unique des réponses présidentielles, puis à la soumettre à la relecture de l’Élysée avant toute publication du texte validé». Une condition jugée inacceptable par La Voix du Nord, qui indique ne plus admettre la relecture des interviews avant parution depuis la mi-janvier 2018.
https://francais.rt.com/france/49976-refus-reecriture-d-entretien-avec-emmanuel-macron
Juin 2018. La loi sur les fake news permet d’éliminer de l’espace public une information déclarée fausse, en période électorale.
https://www.causeur.fr/fausses-informations-loi-marine-le-pen-151638
Parenthèse: à l’origine de cette campagne: l’Otan. Ce qui confirme que les Etats-Unis – de concert avec l’oligarchie euromondialiste – ont la haute main sur l’information en Europe.
http://www.voltairenet.org/article199354.html
Octobre 2018. Une première: le gouvernement utilise la justice pour bloquer un site. Il y en aura d’autres: l’étiquette “extrême-droite” suffira
https://www.romandie.com/news/Le-parquet-de-Paris-assigne-les-op-rateurs-de-t-l-coms-pour-bloquer-un-site-d-extr-me-droite/962645.rom
Novembre 2018. Des fonctionnaires français censureront Facebook de l’intérieur
http://www.voltairenet.org/article203887.html
Janvier 2019. Le président de la République propose que l’Etat rémunère certains journalistes dans les rédactions. Il envisage donc ce qui ressemble à une nationalisation partielle de la presse.
https://francais.rt.com/france/58783-censure-apres-loi-sur-information-macron-veut-encore-plus-de-controle-verite
Juin 2019. Comme si tout cela ne suffisait pas, le garde des Sceaux constitue un groupe d’experts pour lancer «une réflexion approfondie» sur la liberté d’expression sur les réseaux sociaux
https://francais.rt.com/france/63060-au-nom-lutte-contre-haine-belloubet-va-t-elle-toucher-liberte-de-la-presse
Juin 2019. Transmission par Facebook des adresses ip des auteurs de propos dissidents “haineux”
https://francais.rt.com/france/63331-france-obtient-facebook-transmission-adresses-ip-propos-haineux
Novembre 2019. Un conseil de l’ordre des journalistes à vocation disciplinaire, quelle bonne idée…
https://www.valeursactuelles.com/politique/ce-nouveau-conseil-de-deontologie-qui-menace-les-medias-113257
Nous sommes rassurés: ce conseil n’aura pas de pouvoir de sanction, il n’émettra que des “avis”. Juste de quoi saper la carrière d’un journaliste un peu trop courageux.
Les journalistes avaient bien tenté de s’y opposer…
https://francais.rt.com/france/63349-presse-vent-debout-contre-tentative-
Les résultats sont encourageants…
La France championne du blocage de sites
https://lesobservateurs.ch/2017/08/13/france-championne-monde-de-censure-internet/
la France derrière la Russie et la Hongrie (qu’elle ne manque pas de critiquer…)
https://www.polemia.com/liberte-dexpression-la-france-derriere-la-russie-et-la-hongrie-indice-libertex-2018/
En résumé: le recul des libertés depuis l’accession d’EM à l’Elysée est impressionnant.
https://www.tvlibertes.com/le-samedi-politique-avec-didier-maisto-la-censure-monte-la-democratie-recule
Et depuis, ça ne s’est pas arrangé…
Monsieur, j’ai trouvé votre intervention particulièrement intéressante. J’espère que vous ne m’en voudrez pas si je viens de l’adresser sous forme de commentaire, à M. Tandonnet en réponse à un article intitulé : “Essai de réflexion, par-delà les polémiques autour du JDDD (pour Atlantico avec M. Vincent Tournier)”
Je n’ai pas le moindre doute sur le fait que vous aurez fait avancer leur “essai de réflexion” !
Avec mes remerciements.
Bonjour Eric, merci pour cet éclairage. Cependant, je pense que la parole des victimes est tellement négligée dans notre pays. Puisqu’ils n’ont pas le droit de faire appel d’un jugement, si celui-ci ne leur convient pas, que mettre un peu d’éclairage sur ce sujet était salutaire.
Chaque histoire de ces victimes était différente, ce qui a peut-être poussé G. Lejeune à faire un document synthétique qui parle à tous. Je n’ai pas encore lu l’article, mais je vais me le procurer.
Enfin, le fait que Matignon doive relire les textes des ministres, conforte le fait que Macron ne s’entoure que de pantins. Aucun n’a le droit de dire ce qu’il pense…
Les imprimeurs de t shirts se frottent les mains. Ils ont écrit à Borne pour lui demander d’organiser plus de bavures policières.
Quant à moi, je n’ai pas pu me procurer le JDD dont vous parlez.
Hier lundi, deux kiosques étaient fermés pour cause de congés annuels. Dans le troisième on m’a expliqué que comme il était fermé le samedi et le dimanche, il n’avait pas été livré. C’est donc une première : on ne peut se procurer un hebdomadaire que le jour de sa sortie en kiosque !
Comme l’ont écrit pas mal de lecteurs, trop de Français travaillent trop sont au bout de ce que l’humain permet. Les kiosquiers étaient au bord du burn out sans doute.