Cette question semble loufoque et probablement dénuée d’intérêt tant les mœurs actuelles ont évolué depuis plus de cinquante ans. Le tout-Paris médiatique bruisse à l’unisson afin de discerner par tous les signes précurseurs possibles si le président ira ou n’ira pas se joindre à ce défilé qui semble générer un certain tumulte non pas sur le sujet, mais sur ceux qui peuvent y participer ou qui, à contrario, n’y sont point souhaités.
Bref, vous avez compris, on veut faire de cet évènement un pur acte de politique politicienne avec en toile de fond la campagne naissante des élections européennes de 2024.
Une vision élargie et rémanente
Contrairement à l’époque actuelle où la politique se réduit a « communiquer », c’est-à-dire en clair-, à faire du « narratif » afin de présenter les choses sous un certain angle, le général de Gaulle avait une toute autre idée de la politique.
De son discours du 27 novembre 1967, les commentateurs, déjà en quête de sensationnel, n’ont, pour la plupart, retenu qu’une seule phrase :
« Certains même redoutaient que les Juifs, jusqu’alors dispersés, mais qui étaient restés ce qu’ils avaient été de tout temps, c’est-à-dire un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur, n’en viennent, une fois rassemblés dans le site de leur ancienne grandeur, à changer en ambition ardente et conquérante les souhaits très émouvants qu’ils formaient depuis dix-neuf siècles »
Quel dommage !
Car ce qui suit est autrement plus important, aussi vais-je prendre la liberté de le rappeler.
De Gaulle enchaîne en se plaçant d’un point de vue élevé d’où il pouvait embrasser la situation géopolitique mondiale issue d’une histoire qu’il connaissait et sur laquelle il avait longuement réfléchi :
« Cependant, en dépit du flot tantôt montant, tantôt descendant, des malveillances qu’ils suscitaient dans certains pays et à certaines époques, un capital considérable d’intérêt et même de sympathie s’était accumulé en leur faveur, surtout, il faut bien le dire, dans la Chrétienté ; un capital qui était issu de l’immense souvenir du Testament, nourri par toutes les sources d’une magnifique liturgie, entretenu par la commisération qu’inspirait leur antique malheur et que poétisait, chez nous, la légende du Juif errant, accru par les abominables persécutions qu’ils avaient subies pendant la Deuxième Guerre mondiale et grossi, depuis qu’ils avaient retrouvé une patrie, par leurs travaux constructifs et le courage de leurs soldats.
C’est pourquoi, indépendamment des vastes concours en argent, en influence, en propagande, que les Israéliens recevaient des milieux juifs d’Amérique et d’Europe, beaucoup de pays, dont la France, voyaient avec satisfaction l’établissement de leur Etat sur le territoire que leur reconnu les Puissances, tout en désirant qu’ils parviennent, en usant d’un peu de modestie, à trouver avec leurs voisins un « modus vivendi » pacifique.
Il faut dire que ces données psychologiques avaient quelque peu changé depuis 1956 ; à la faveur de l’expédition franco-britannique de Suez, on avait vu apparaître, en effet, un Etat d’Israël guerrier et résolu à s’agrandir. Ensuite, l’action qu’il menait pour doubler sa population par l’immigration de nouveaux éléments donnait à penser que le territoire qu’il avait acquis ne lui suffirait pas longtemps et qu’il serait porté, pour l’agrandir, à utiliser toute occasion qui se présenterait. C’est pourquoi, d’ailleurs, la Ve République s’était dégagée, vis-à-vis d’Israël, des liens spéciaux et très étroits que le régime précédent avait noués avec cet Etat et s’était appliquée, au contraire, à favoriser la détente dans le Moyen-Orient. Bien sûr, nous conservions avec le gouvernement israélien des rapports cordiaux et, même, nous lui fournissions pour sa défense éventuelle les armements qu’il demandait d’acheter, mais, en même temps, nous lui prodiguions des avis de modération, notamment à propos des litiges qui concernaient les eaux du Jourdain ou bien des escarmouches qui opposaient périodiquement les forces des deux camps. Enfin, nous nous refusions à donner officiellement notre aval à son installation dans un quartier de Jérusalem dont il s’était emparé et nous maintenions notre ambassade à Tel-Aviv.
D’autre part, une fois mis un terme à l’affaire algérienne, nous avions repris avec les peuples arabes d’Orient la même politique d’amitié, de coopération qui avait été pendant des siècles celle de la France dans cette partie du monde et dont la raison et le sentiment font qu’elle doit être, aujourd’hui, une des bases fondamentales de notre action extérieure. Bien entendu, nous ne laissions pas ignorer aux Arabes que, pour nous, l’Etat d’Israël était un fait accompli et que nous n’admettrions pas qu’il fût détruit. De sorte que, on pouvait imaginer qu’un jour viendrait où notre pays pourrait aider directement à ce qu’une paix réelle fût conclue et garantie en Orient, pourvu qu’aucun drame nouveau ne vînt le déchirer.
Hélas ! le drame est venu. Il avait été préparé par une tension très grande et constante qui résultait du sort scandaleux des réfugiés en Jordanie, et aussi d’une menace de destruction prodiguée contre Israël. Le 22 mai, l’affaire d’Akaba, fâcheusement créée par l’Égypte, allait offrir un prétexte à ceux qui rêvaient d’en découdre. Pour éviter les hostilités, la France avait, dès le 24 mai, proposé aux trois autres grandes puissances d’interdire, conjointement avec elles, à chacune des deux parties, d’entamer le combat. Le 2 juin, le gouvernement français avait officiellement déclaré qu’éventuellement, il donnerait tort à quiconque entamerait le premier l’action des armes, et c’est ce que j’avais, moi-même, le 24 mai, déclaré M. Eban, ministre des Affaires étrangères d’Israël, que je voyais à Paris. « Si Israël est attaqué, lui dis-je alors en substance, nous ne le laisserons pas détruire, mais si vous attaquez, nous condamnerons votre initiative. Certes, malgré l’infériorité numérique de votre population, étant donné que vous êtes beaucoup mieux organisés, beaucoup plus rassemblés, beaucoup mieux armés, que les Arabes, je ne doute pas que, le cas échéant, vous remportiez des succès militaires, mais, ensuite, vous vous trouveriez engagés sur le terrain, et au point de vue international, dans des difficultés grandissantes, d’autant plus que la guerre en Orient, ne peut manquer d’augmenter dans le monde une tension déplorable et d’avoir des conséquences très malencontreuses pour beaucoup de pays, si bien que c’est à vous, devenus des conquérants, qu’on en imputerait peu à peu les inconvénients ».
On sait que la voix de la France n’a pas été entendue. Israël ayant attaqué s’est emparé, en six jours de combat, des objectifs qu’il voulait atteindre. Maintenant, il organise, sur les territoires qu’il a pris, l’occupation qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsions, et il s’y manifeste contre lui une résistance, qu’à son tour, il qualifie de terrorisme. Il est vrai que les deux belligérants observent, pour le moment, d’une manière plus ou moins précaire et irrégulière, le cessez-le-feu prescrit par les Nations Unies, mais il est bien évident que le conflit n’est que suspendu et qu’il ne peut y avoir de solution, sauf par la voie internationale. Mais un règlement dans cette voie, à moins que les Nations Unies ne déchirent elles-mêmes leur propre Charte, un règlement doit avoir pour base l’évacuation des territoires qui ont été pris par la force, la fin de toute belligérance et la reconnaissance réciproque de chacun des Etats en cause par tous les autres. Après quoi, par des décisions des Nations Unies, en présence et sous la garantie de leurs forces, il serait probablement possible d’arrêter le tracé précis des frontières, les conditions de la vie et de la sécurité des deux côtés, le sort des réfugiés et des minorités, et les modalités de la libre navigation pour tous, notamment dans le golfe d’Akaba et dans le canal de Suez. Suivant la France, dans cette hypothèse, Jérusalem devrait recevoir un statut international.
Pour qu’un tel règlement puisse être mis en œuvre, il faudrait qu’il y eût l’accord des grandes puissances (qui entraînerait ipso facto celui des Nations Unies) et, si un tel accord voyait le jour, la France est d’avance disposée à prêter sur place son concours politique, économique et militaire, pour que cet accord soit effectivement appliqué. Mais on ne voit pas comment un accord quelconque pourrait naître, non point fictivement sur quelque formule creuse, mais effectivement pour une action commune, tant que l’un des plus grands des Quatre ne se sera pas dégagé de la guerre odieuse qu’il mène ailleurs. Car tout se tient dans le monde d’aujourd’hui. Sans le drame du Vietnam, le conflit entre Israël et les Arabes ne serait pas devenu ce qu’il est et si, demain, l’Asie du Sud-Est voyait renaître la paix, le Moyen-Orient l’aurait recouvrée à la faveur de la détente générale qui suivrait un pareil événement. »
Ces propos ne vous semblent-ils pas d’une brûlante actualité ?
Que nous sommes loin de la politique « de la petite soupe sur le petit réchaud » qui semble pour certains parlementaires « l’α et l’ω » de leurs agissements, probablement parce qu’ils pensent qu’occuper la scène médiatique est le plus sûr véhicule de leur réélection.
Alors, je ne sais pas si Emmanuel Macron ira manifester, mais je doute fort que le Général l’ait fait.
Aujourd’hui, notre pays et notre peuple ont besoin d’une route éclairée ainsi que d’une alternative au « prêt à penser » et je doute fort que cette polémique dénuée de tout sens puisse contribuer à ces légitimes aspirations.
La politique de la France au Moyen orient n’existe plus, c’est l’alignement sur Washington. Souhaitons, que notre pays se réveille et revienne à la politique définie par le Général de Gaulle, seule politique raisonnable et peremettant à notre pays de jouer un rôle, d’être écouté par les deux camps, c’est notre intérêt et celui des pays de la région y compris Israel!
C’est la dure réalité et je souscris en totalité à vos propos!
Manifester ou pas manifester; soit vous êtes pour nous, soit vous êtes contre nous…
Dans la France américanisée, défaite de l’intelligence, et de la paix.
texte prononcé sans note, dans un français remarquable où chaque mot est choisi avec soin et dans une intonation intéressante qui fait beaucoup : https://youtu.be/25hAYHwboFk?t=1576
La bêtise politique consiste à importer le conflit israélo palestinien en France, en défilant avec des drapeaux palestiniens sur la place de la république ou en accrochant le drapeau israélien sur la mairie de Nice. La France doit déplorer la mort des civils et demander un cessez-le-feu au nom de la proportionnalité de la vengeance, qui a dit « œil pour œil et dent pour dent » ?
S’il faut absolument faire des analogies historiques à l’emporte-pièce, Poutine serait-il plus proche de Hitler ou de de Gaulle?
Votre question est délicate car les circonstances sont différentes. Cependant, je pense qu’il se serait accommodé de Poutine comme il l’a fait avec Staline. Il attachait en réalité peu d’importance aux hommes car sa vision s’étendait souvent sur le long terme, au passé comme au futur et que l’homme de l’instant avait relativement peu de pouvoir pour infléchir l’Histoire qui s’écrivait dans le temps long.
Du reste, ce que nous vivons n’y fait pas exception et Poutine en semble très conscient.
Concernant Hitler, je crois que de Gaulle, qui savait comment il avait été fabriqué, n’y attachait guère d’importance.
Merci monsieur Goychman, je vous remercie d’avoir pris la peine de me répondre.
Immédiatement, chacun de nous peut remarquer les différences notoires entre la langue française, précise en ses termes choisis par le général, et la nov’langue.com utilisée par Macron et tout ses ministères d’idiots corrompus, bêtes et méchants.
En terme d’analyse de la situation, pareillement, il n’y a pas dans le discours de De Gaulle de recours à l’émotionnel qui mène à l’expression de l’aveuglement et donc à la violence.
Notre président en toc n’est rien d’autre qu’un instrument de cette distorsion prêchée par ceux qui espèrent dominer le monde global dont ils rêvent. Qu’il participe ou non à ce défilé ne changera rien, ce ne sera que de la com.
C’est à nous de savoir lire et comprendre. De faire l’effort de ne pas tomber dans ce piège du positionnement radical. Il est si facile de choisir de croire en une dualité simple et manichéenne! Ah, quel confort! C’est ainsi que nos sociétés se rétrécissent jusqu’à la nécrose tout en étant persuadées d’être dans un camp du bien dangereusement et délibérément prédéfini alors que ce qui fait sens sont et seront toujours les nuances émanant de la réflexion.
De nos jours, le contradictoire est vilipendé voire interdit, il n’est pas difficile de constater à quel point ces dernières années ont modifié le comportement de nombre d’entre nous. Et là encore par une nouvelle « installation » de peurs ils aimeraient nous dominer, nous asseoir, nous diviser. Bientôt il sera interdit de penser tout court, à une époque où une grande part de l’occident continue de lyncher une Russie (entre autres) sortie de son communisme, une Russie qui sert à agiter, à brasser, à éloigner les esprits de toute analyse cohérente. Pratique, ce stratagème est parfait pour nous faire entrer tête la première dans une gouvernance soviétique revue et corrigée par cet occident soit-disant évolué! Formidable époque dominée par des borgnes en mal de régner sur des aveugles! La perfidie, il est vrai, n’a pas de borne…
Alors, il ne faut oublier que le terme « cataclysme » ne s’adresse pas seulement aux guerres, mais aussi aux individus. À nous tous. Et si, face aux peurs agitées telles des monstres abyssaux nous demeurons décérébrés, nous finirons effectivement par transformer notre Terre en manifeste de l’enfer.
Attention au symbole qui peut devenir réalité.
Votre commentaire est d’une grande finesse psychologique, je vous félicite.
J’aime votre façon de penser. Elle rejoint ce que je pense depuis longtemps.Merci de l’avoir développé sur cette page.
Quel est le rapport entre l’antisémitisme en France et la politique d’Israel? Le padamalgame, ça ne marche que pour les Musulmans?
Là, vous vous trompez de “guerre” ! Il n’y a aucun amalgame entre la France et la guerre d’Israël. Mais il y a forcément des actes prémédités, voulus, en France ,qui ont un rapport avec “la guerre en Israël”. Malheureusement elle est le fait d’une “minorité” antisémite et donc voilà où nous en sommes. On ne peut pas faire de “pasdamalgame” !