La Commission et le Conseil interviennent massivement sur le marché européen de l’énergie – sans procédure législative en bonne et due forme, sans implication du Parlement européen et au mépris des réserves de souveraineté des États membres. Ursula von der Leyen et son entourage infligent ainsi des dommages aussi importants à l’économie européenne qu’à la population, qui doit payer ces agissements au prix fort. Là encore, on abuse d’un “état d’urgence” pour ouvrir la voie à l’agenda des élites bruxelloises. Avec le soutien actif d’États comme l’Allemagne, tout est fait pour prolonger artificiellement l’état de “crise énergétique”. Après tout, il s’agit de servir les intérêts de la technostructure.
Même après la décision de la Cour constitutionnelle allemande, le ministre fédéral de l’Economie Robert Habeck veut maintenir les projets économiques qui devaient être financés par le Fonds pour le climat et la transformation. Il y a beaucoup d’argent en jeu et il en va de la survie du prestigieux projet allemand de « transition énergétique » : l’Allemagne doit atteindre la neutralité climatique d’ici 2045. Pour atteindre cet objectif, le développement des énergies renouvelables doit être massivement accéléré.
M. Habeck ne semble pas s’intéresser au fait que, par suite de la décision de la Cour constitutionnelle fédérale, on ne sait désormais absolument pas comment tout cela sera payé : pas plus tard que lundi, il s’est publiquement prononcé en faveur de la déclaration d’une situation d’urgence économique pour l’année en cours et également pour l’année prochaine, afin de suspendre le « frein à l’endettement ».
L’ordre du jour est clair : ce n’est qu’en alimentant artificiellement et en prolongeant la crise énergétique que les règles du jeu démocratique pourront être suspendues afin de mettre en œuvre la dictature énergétique de l’UE. L’Allemagne, nation industrielle et première économie nationale, joue un rôle essentiel dans ce processus.
Pour le compte de la technostructure
Un bref regard sur l’histoire du gazoduc Nord Stream 2 montre clairement que la République fédérale d’Allemagne, en coopération avec la Commission et le Conseil, a elle-même considérablement contribué à une situation économique précaire dans le secteur de l’énergie. Il apparaît clairement que les élites à Bruxelles et à Berlin ne se contentent pas elles-mêmes de prolonger la crise, mais qu’ils servent également les intérêts de la technostructure.
Dans un rapport, le ministère allemand de l’Économie indiquait encore mi-2020 l’année 2021 comme date d’achèvement de Nord Stream 2 et incluait la capacité de 55 milliards de mètres cubes normaux dans le plan de développement du réseau (NEP) 2020-2030. Quelques mois plus tard seulement, l’Agence fédérale des réseaux allemands a fait savoir qu’elle avait suspendu la procédure de certification de Nord Stream 2 AG en tant que gestionnaire de réseau de transport.
Le 22 février 2022, le chancelier allemand Olaf Scholz a déclaré à Berlin sa décision de stopper la procédure de certification du gazoduc Nord Stream 2 en mer Baltique en raison de l’invasion russe en Ukraine. L’Allemagne n’était visiblement plus en mesure de se soustraire à la pression de l’UE. Celle-ci s’était opposée depuis longtemps au projet (tout comme Nord Stream 1 auparavant), notamment parce qu’il mettait massivement à mal les relations avec le partenaire transatlantique américain.
Les arguments avancés font état d’une « menace pour la sécurité énergétique de l’UE et la sécurité politique des États membres de l’UE », car les gazoducs saperaient la formation de l’Union européenne de l’énergie. La crainte d’une déstabilisation économique de l’Ukraine, qui pourrait perdre environ deux milliards de dollars de droits de transit, a également été mise en avant. C’est notamment pour cette raison que les institutions de l’UE ont tout mis en œuvre pour torpiller le projet, par exemple par le biais du « 3ème paquet énergie » de l’UE et de la directive sur le gaz modifiée en avril 2019.
Alors que l’échange politique se déroulait au premier plan, les lobbyistes d’outre-Atlantique se formaient déjà en arrière-plan. Dès le mois d’août 2017, le Congrès américain a adopté une loi visant à renforcer les sanctions contre la Russie et à frapper son secteur énergétique. Mais le véritable objectif était plutôt d’augmenter les exportations de gaz américain au détriment des exportations russes et d’introduire sur le marché européen du gaz liquide américain à prix élevé, obtenu par fracturation, plutôt que du gaz russe.
En fait, l’UE a conclu un accord d’approvisionnement avec le gouvernement américain en 2022. Les États-Unis ont assuré à l’Union qu’ils fourniraient 50 millions de m³ supplémentaires de gaz naturel liquéfié (GNL) américain par an jusqu’en 2030. Entre janvier et novembre 2022, les importations de GNL en provenance des États-Unis se sont élevées à plus de 50 milliards de m³. Ce chiffre représente plus du double de celui de l’ensemble de l’année 2021.
Urgence climatique ?
La Commission et le Conseil mettent en place des mesures concrètes dans le cadre des trains de sanctions afin de prolonger la situation économique précaire dans le domaine de l’approvisionnement énergétique européen : ainsi, l’achat, l’importation ou le transfert de pétrole brut et de certains produits pétroliers par voie maritime de la Russie vers l’UE ont été interdits ; les États membres ont fixé un plafond pour le prix du pétrole ; il existe une interdiction d’importation de tous les types de charbon russe, une interdiction de nouveaux investissements de l’UE dans le secteur minier russe ; une interdiction d’exportation de certaines technologies de raffinage du pétrole ; il a été mis fin ou la possibilité pour l’Allemagne et la Pologne d’importer du pétrole russe par pipeline.
Ces mesures sont certes vendues sous le titre de « protection du climat » à la population des États membres, qui doit supporter les charges financières et économiques de cette nouvelle dictature énergétique de la Commission et du Conseil. Ici aussi, on utilise l’artifice de « l’état d’urgence » pour s’assurer que les mesures envisagées sont nécessaires, urgentes, inévitables et sans alternative. Le Parlement européen a déjà déclaré à cet effet l’ « état d’urgence climatique » fin 2019. Dans son rapport sur les risques mondiaux 2020, le Forum économique mondial met en garde contre une « urgence planétaire qui entraînera la perte de vies humaines, des tensions sociales et géopolitiques et des répercussions économiques négatives ».
Qui met fin aux abus ?
Etat d’urgence pandémique, état d’urgence énergétique, état d’urgence climatique… la Commission a mis en place, toute une série d’instruments puissants qui ne sont que partiellement couverts par les traités de l’UE.
Les déficits démocratiques sont aussi peu discutés dans l’opinion publique politique et médiatique européenne que le fait que les institutions de l’UE ont elles-mêmes largement contribué aux crises mentionnées et les prolongent volontairement.
Il est évident que la Commission et le Conseil sont guidés par les intérêts des lobbies dans leurs actions liées aux mesures d’urgence : c’est évident pour l’achat de vaccins, qui a principalement servi les intérêts économiques de l’industrie pharmaceutique ; c’est évident pour l’achat de ressources énergétiques, qui favorise clairement les fournisseurs américains ou arabes et nuit clairement à d’autres, comme la Russie ; c’est évident pour l’achat conjoint de munitions pour l’Ukraine, qui fait des institutions de l’UE des suppôts du lobby des armes et de l’OTAN.
Le souverain, c’est-à-dire les peuples des États membres, est bien moins lésé par le virus Covid 19, par la guerre en Ukraine ou par les défis liés à l’approvisionnement énergétique que par les actions systématiquement abusives des institutions européennes. En se faisant les suppôts et les auxiliaires de groupes technologiques ou de l’OTAN, ces dernières mettent en péril l’avenir politique et économique de l’Union.
Les peuples sont désarmés, à tous points de vue. Leur souveraineté est morte.