Officiellement, bien entendu, il faut « protéger » les travailleurs indépendants contre les conditions qui leur sont imposées par les propriétaires de plateformes. Qui peut être contre cette mesure « sociale » qui vise à éviter une exploitation éhontée des individus ? Sauf que la réglementation qui vient d’être adoptée par le Conseil européen a moins pour effet de protéger les salariés que de consolider la cartellisation du marché entre les mains de quelques acteurs largement financés par Wall Street ou par les fonds américains.
Le Conseil Européen et le Parlement européen viennent de conclure un accord provisoire sur l’évolution de la réglementation applicable aux travailleurs de plateformes. Désormais, ces travailleurs seront considérés comme salariés et non comme indépendants si au moins deux des cinq conditions suivantes sont remplies :
- si la plateforme délimite des limites supérieures sur le montant d’argent que les travailleurs peuvent recevoir
- si les travailleurs sont soumis à une surveillance de leurs performances, y compris par des moyens électroniques
- si la plateforme contrôle la répartition ou l’attribution des tâches
- si la plateforme contrôle des conditions de travail et restrictions sur le choix des horaires de travail
- si la plateforme impose des restrictions à leur liberté d’organiser leur travail et des règles concernant leur apparence ou leur conduite
On comprend bien la logique du dispositif, qui vise à obliger les plateformes à requalifier en salariés des travailleurs indépendants soumis à un cadre professionnel précis.
Toute la difficulté tient au fait que ces critères sociaux permettront sans problème à Uber et à Deliveroo d’officier en toute sécurité avec leurs sous-traitants, pendant que les nouvelles plateformes, moins bien capitalisées par des actionnaires, devront respecter des règles adaptées aux « insiders ».
N’oublions jamais que les critères sociaux élevés sont l’antichambre de la cartellisation des marchés.
En théorie ce serait plus intéressant pour ces plateformes de garder le statut indépendant de ces travailleurs sur le sol français, affronter les charges salariales devrait en rebuter plus d’un.