Une légende urbaine lancinante répète volontiers (le plus souvent sans discussion possible…) que, dans la lignée de l’Abbé Barruel, la Révolution Française est le fruit d’un complot maçonnique. Yves-Marie Adeline, figure importante du royalisme en France et ancien tête de liste monarchiste aux européennes, nous donne son avis sur ce point ? La Révolution produit d’un complot ? La franc-maçonnerie partisane de la République et ennemie de la monarchie ? Que d’idées reçues si proches de la bêtise et de l’ignorance qu’elles se confondent avec elles.
Nous revenons aujourd’hui, dans nos chroniques de la royauté, sur l’implication de la maçonnerie dans la Révolution Française. Beaucoup, en France, affirme sans hésitation que la Révolution, phénomène historique complexe et incertain, était une opération planifiée de longue date par les “francs-maçons”, entité jamais définie ni circonscrite dans l’Histoire.
Pourtant, comme le rappelle Yves-Marie Adeline, beaucoup de francs-maçons étaient foncièrement monarchistes et royalistes sous la Révolution. Et la Révolution a procédé d’un mouvement complexe, marqué par le hasard, qui ne peut être réduit à un simple complot de quelques esprits.
Dans « Études sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage », René Guénon écrit : « Une autre vue beaucoup plus juste est celle qui se rapporte au rôle de la Maçonnerie au XVIIIe siècle : ses recherches l’ont convaincu (Maurice Favone) qu’elle n’a nullement préparé la Révolution, contrairement à la légende propagé d’abord par les antimaçons, puis par certains Maçons eux-mêmes ; seulement, ce n’est point une raison pour conclure que « la Révolution est l’œuvre du peuple », ce qui est de la plus parfaite invraisemblance ; elle ne s’est certes pas faite toute seule, bien que ce qui l’a faite ne soit pas la Maçonnerie, et nous ne comprenons même pas comment il est possible, à qui réfléchit tant soit peu, d’ajouter foi à la duperie « démocratique » des révolutions spontanées… Les auteurs, qui dénoncent avec raison des erreurs communes comme celle qui consiste à croire que les révolutions sont des « mouvements spontanés », sont de ceux qui pensent que la déviation moderne, dont ils étudient plus spécialement les étapes au cours du XIXe siècle, doit nécessairement répondre à un « plan » bien arrêté, et conscient tout au moins chez ceux qui dirigent cette « guerre occulte » contre tout ce qui présente un caractère traditionnel, intellectuellement ou socialement. Seulement, quand il s’agit de rechercher des « responsabilités », nous avons bien des réserves à faire ; la chose n’est d’ailleurs pas si simple ni si facile, il faut bien le reconnaître, puisque, par définition même, ce dont il s’agit ne se montre pas au dehors, et que les pseudo dirigeants apparents n’en sont que des instruments plus ou moins inconscients. »
Signalons au passage que la France a été le pays d’Europe où il a été le plus longtemps interdit de pratiquer l’usure. Et c’est à la Révolution française, avec l’aide de personnalités « savantes » des « Lumières » qui critiquaient cette interdiction et la jugeaient « archaïque » et « obscurantiste », qu’on a fini par légitimer le prêt à intérêt.
Aussi, après 1789, la France est passée d’une monarchie qui avait pour contre-pouvoirs tous les corps intermédiaires, à une oligarchie financière dénuée de tout contre-pouvoirs, le tout sous le vocable trompeur de démocratie. La démocratie est le vêtement dont se pare le pouvoir sous le prétexte qu’existe une représentation populaire, mais cette représentation est, dans les faits, c’est-à-dire concrètement, non pas populaire mais contrôlée par des partis politiques sous influence des « puissances d’argent ».
NB : Il ne faut pas confondre Maçonnerie moderne dite « spéculative », issue de la rédaction des Constitutions de la Grande Loge d’Angleterre publiées en 1723, et Maçonnerie ancienne dite « Opérative » qui trouve son origine dans les « Mystères », c’est-à-dire dans un enseignement donné dans le secret pour continuer à expliquer les lois de la Nature. Précisons que, lorsque certains régimes totalitaires interdirent la Franc-Maçonnerie c’est l’« Opérative » qui était visée et non la « spéculative », car ces régimes ne lui pardonnent pas d’enseigner les moyens de penser et d’agir librement.
La Franc-Maçonnerie est d’origine hébraïque, tous les mots de passe sont des vocables hébreux, ses légendes sont tirées de l’histoire du peuple d’Israël. Cependant, Joseph de Maistre, dans « Mémoire au duc de Brunswick » (1782), précise ceci : « Tout annonce que la Franc-Maçonnerie vulgaire est une branche détachée et peut-être corrompue d’une tige ancienne et respectable ». « C’est bien ainsi qu’il faut envisager la question, confirme René Guénon et ajoute qu’on a trop souvent le tort de ne penser qu’à la Maçonnerie moderne (ou « Maçonnerie spéculative »), sans réfléchir que celle-ci est simplement le produit d’une déviation, et une dégénérescence au sens d’un amoindrissement consistant dans la négligence et l’oubli de tout ce qui est « réalisation » du point de vue initiatique. Les premiers responsables de cette déchéance, à ce qu’il semble, ce sont les pasteurs protestants, Anderson (*) et Desaguliers, qui rédigèrent les Constitutions de la Grande Loge d’Angleterre, publiées en 1723, et qui firent disparaître tous les anciens documents (Old Charges) de l’ancienne « Maçonnerie opérative » sur lesquels ils purent mettre la main, pour qu’on ne s’aperçût pas des innovations qu’ils introduisaient, et aussi parce que ces documents contenaient des formules qu’ils estimaient fort gênantes. Ce travail de déformation, les protestants l’avaient préparé en mettant à profit les quinze années qui s’écoulèrent entre la mort de Christophe Wren, dernier Grand-Maître de la Maçonnerie ancienne (1702), et la fondation de la nouvelle Grande Loge d’Angleterre (1717). (…) Cependant, ils laissèrent subsister le symbolisme, sans se douter que celui-ci, pour quiconque le comprenait, témoignait contre eux aussi éloquemment que les textes écrits, qu’ils n’étaient d’ailleurs pas parvenus à détruire tous, puisqu’on connaît une centaine de manuscrits sur lesquels ils n’avaient pu mettre la main et qui ont échappé à la destruction. Voilà, très brièvement résumé, ce que devraient savoir tous ceux qui veulent combattre efficacement les tendances de la Maçonnerie actuelle, bien qu’il y a eu ultérieurement une autre déviation dans les pays latins, celle-ci dans un sens antireligieux, mais c’est sur la « protestantisation » de la Maçonnerie anglo-saxonne qu’il convient d’insister en premier lieu. ». De plus, René Guénon, dans son ouvrage « Initiation féminine et initiations de métier, Études Traditionnelles », nous fait remarquer que dans la Franc-Maçonnerie moderne, nous trouvons l’existence d’une « Maçonnerie mixte », ou « Co-Masonry », comme elle est appelée dans les pays de langue anglaise, qui représente tout simplement une tentative de transporter, dans le domaine initiatique lui-même qui devrait encore plus que tout autre en être exempt, la conception « égalitaire », si chère au monde moderne, qui, se refusant à voir les différences de nature qui existent entre les êtres, en arrive à attribuer aux femmes un rôle proprement masculin, et qui est d’ailleurs manifestement à la racine de tout le (Faux) « féminisme » contemporain.
Et Robert Ambelain de conclure : « Ce nouveau rite allait lancer la FM sur une nouvelle voie… qui tendrait à saper certaines valeurs qui font la dignité de l’homme, par l’athéisme, le matérialisme, le laxisme menant à l’amoralisme désagrégateur. » (La Franc-Maçonnerie oubliée).
(*) « Pour en revenir à Anderson, un journal, en annonçant sa mort en 1739, le qualifia de « très facétieux compagnon », ce qui peut se justifier par le rôle suspect qu’il joua dans le schisme spéculatif et par la façon frauduleuse dont il présenta sa rédaction des nouvelles Constitutions comme conforme aux documents « extraits des anciennes archives » ; A. E, Waite a écrit de lui qu’« il était surtout très apte à gâter tout ce qu’il touchait » ; mais sait-on que, à la suite de ces événements, certaines Loges opératives allèrent jusqu’à prendre la décision de n’admettre désormais aucune personne portant le nom d’Anderson ? Quand on songe que c’est là l’homme dont tant de Maçons actuels se plaisent à invoquer constamment l’autorité, le considérant presque comme le véritable fondateur de la Maçonnerie, ou prenant tout au moins pour d’authentiques landmarks tous les articles de ses Constitutions, on ne peut s’empêcher de trouver que cela n’est pas dépourvu d’une certaine ironie… » (R. Guénon, Études sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage, tome 2).
Lien : https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/2017/07/larevolutionfrancaiseestlaresurrectiondelafemme.html
Annwn je vous félicite pour votre vaste culture qui fait honneur au CdS.
Au XVIIIe siècle le parlement n’avait pas enregistré la bulle pontificale qui condamnait la FM, c’est le concordat de Napoléon qui valide la condamnation pontificale de la FM française, les catholiques et à fortiori les prêtres désertent les loges. Au XIXe siècle la FM devient le fer de lance de l’anticatholicisme et la république laïque va dissoudre progressivement la France jusqu’à aujourd’hui où elle est en soins palliatifs. La naissance de la France remonte au baptême de Clovis par saint Rémi, l’alliance du trône et de l’autel est fondamentale et vitale, dans un pays déchristianisé la révolution française se débarrasse du Roi, en pratique elle est la prise du pouvoir de la bourgeoisie capitaliste qui permet la mise en esclavage du peuple pour la révolution industrielle ( voir Zola)
Post scriptum : à la question « est ce que la révolution française est un complot maçonnique ? » il faut répondre ce n’est pas un complot secrètement ourdi par les maçons, ces derniers sont portés par un mouvement profond de l’histoire selon le point de vue de Hegel : « C’est l’histoire qui fait l’homme et non l’homme qui fait l’histoire » Le révélation de la Raison guide les grands hommes et les grands hommes guident les peuples. L’humanisme de la Renaissance puis le Siècle des Lumières refusent la révélation chrétienne de l’incarnation. La DDH et C de 1789 remplace juridiquement Dieu par l’homme. Il est alors possible de renverser le récit de la genèse et d’accomplir la promesse faite à Eve « mangez du fruit de l’arbre de la connaissance et vous deviendrez comme des dieux ». La créature veut prendre la place du créateur pour choisir son genre, pour devenir immortel, augmenter ses capacités cognitives par Neuralink, c’est le transhumanisme et toutes les joyeusetés contemporaines qui déshumanisent l’Homme. Ce n’est pas un complot secret, c’est au grand jour que le logo d’Apple affiche une pomme croquée !
Ma naïveté me désole, je me suis posé la question si la FM était pour quelque chose dans la révolution française et Annwn nous explique que la FM a été importée d’Angleterre et que sa constitution a été rédigée ( (et trafiquée) par un protestant, Angleterre et protestantisme étant les 2 plus grandes forces anti catholiques et anti françaises de l’époque. Je pense que j’ai la réponse à ma question.
Cette chronique est indispensable poor comprendre
Un immense merci à Annwn et Astérix et Suzanne.
Cette culture « du hasard » responsable de tout relève de la pensée magique et est une insulte au bon sens et à la raison, à fortiori dans un contexte historique si documenté et étudié, est une preuve d’ignorance et de grande paresse cognitive!