La spoliation systémique dont les petits entrepreneurs français sont victimes est un grand tabou de notre société. Volontiers présentés comme des fraudeurs potentiels, ces travailleurs indépendants connaissent en réalité une véritable exposition massive au risque de précarité. Ils sont aussi victimes d’une spoliation systématique, qu’elle soit fiscale ou sociale. Christian Hoarau, éminent entrepreneur du bâtiment à La Réunion, prend l’exemple de sa situation personnelle… et de ses 150€ de retraites.
Christian Hoarau résume avec beaucoup d’efficacité le drame social que vivent les petits entrepreneurs aujourd’hui :
- tout au long de leur carrière, ils sont sommés de “faire du social”, de créer de l’emploi et de se montrer solidaires, souvent en recrutant avec beaucoup de patience des personnes éloignées de l’emploi à qui ils donnent une chance. En contrepartie, à la moindre difficulté… ces personnes aidées n’hésitent ni à saisir l’inspection du travail, ni à traîner l’employeur devant les tribunaux, quelles que soient les difficultés traversées par l’entreprise ;
- dans le même temps, l’employeur se soucie rarement de “cotiser” comme il le devrait. Ce faisant, il reporte à la retraite les difficultés qu’il contourne momentanément
- lorsque l’accident du travail survient, l’employeur s’occupe rarement correctement de sa situation, et peut se retrouver face à de véritables impasses personnelles particulièrement redoutables, comme une invalidité temporaire sans le moindre revenu
- la liquidation de la retraite peut réserver de très désagréables surprises : dans le cas de Christian Hoarau, la rente vieillesse est de seulement 150€ par mois…
Dans ces considérations, nous n’abordons même pas la douloureuse question de la perte d’emplois des entrepreneurs, qui constitue un véritable fléau.
Plus généralement, comme le souligne Christian Hoarau, les semaines très chargées des entrepreneurs constituent une épreuve large pour les familles.
Ces petits rappels sont nécessaires pour se souvenir de la différence entre Bernard Arnault, grand patron, et le petit entrepreneur du coin, dont les conditions de vie sont beaucoup plus hasardeuses que celles de n’importe quel salarié.
Ceci ne doit toutefois pas faire oublier qu’entrepreneur est un métier passionnant, qui vous permet d’échapper à l’asservissement des salariés. Beaucoup d’entre vous ont notamment l’idée de tenter leur chance à La Réunion. J’ai profité de ma rencontre avec Christian Hoarau pour lui demander quelques tuyaux sur le sujet. Retrouvez son interview sur la chaîne “patrimoine”.
Le Courrier des Stratèges
Pensez par vous-même
Merci Eric pour cette interview d’un petit patron, qui nous dit tout de la misère des petits entrepreneurs et de leur mauvaise protection sociale. Compte tenu des coûts actuels de l’énergie, nombre de petites entreprises ont déjà déposé le bilan en France, et je pense que beaucoup d’entre eux vont découvrir comment l’état ne fera rien pour eux …
Après le rôle d’un entrepreneur c’est aussi de prévoir, chiffrer, tenir un budget, savoir trancher s’il faut licencier, etc…
Ce n’est pas facile mais parfois des décisions difficiles doivent être prises pour sauver l’entreprise et une partie des effectifs plutôt que de laisser tout le monde sur le carreau pour avoir fait bon cœur à un moment donné.
L’idée ici n’est pas de dire que c’est la faute des entrepreneurs mais certains ont un vrai problème pour gérer malheureusement et trancher dans le lard. Parce que c’est mal vu en France. On ne veut pas être le salaud vis à vis des autres car en France il n’y a pas une vraie culture de l’entreprenariat.
L’état n’est pas la pour faire de l’interventionnisme et sauver à tout bout de champs les entreprises mal gérées.
Par contre là où l’état pose de gros problèmes c’est sur tout le reste. En cas de souci avec l’URSSAF, on a affaire à de vrais incompétents, en cas de souci avec l’administration c’est parfois un vrai mur de sourds qui nous fait face, les politiques qui imposent des contraintes folles sur les licenciements (alors qu’un patron devrait être justement le patron chez lui que ça plaise ou non), une fiscalité qui commence à taper avant le premier euro de chiffre d’affaires, bref ce pays est monté à l’envers dans sa conception des choses mais encore pire dans l’application des choses.
Est-ce remédiable ? Habituellement je suis plutôt négatif sur le reste concernant le sort de la France mais concernant l’entreprenariat en France, je pense qu’il n’y aurait pas tant que ça à faire pour que ça fonctionne bien voire très bien mais cela demanderait par contre une prise de conscience forte au niveau politique et au niveau sociétal : l’entreprise n’est pas là pour faire du social mais du pognon. Le social viendrait de lui-même : une entreprise qui se comporterait mal sur le marché finirait par avoir du mal à trouver des clients mais également des salariés de toute façon, cela se ferait naturellement si le marché était plus fluide plutôt que trop normé (en faisant croire à une sécurité de l’emploi avec un CDI).
Bref je suis entrepreneur mais je n’embauche plus en France ; je préfère travailler uniquement avec des entrepreneurs indépendants comme moi et chacun gère sa partie ! Tout le monde est content ! Tout le monde gagne bien au-dessus du salaire median français et c’est très bien.
Concernant la retraite : malheureusement certains font de mauvais calculs avec la retraite en ne prenant que du dividende mais ça c’est leur responsabilité ! Je ne vois pas pourquoi à la fin du chemin l’état ou les gens devraient pleurer sur ceux qui n’ont pas voulu cotiser ou mis de côté.
Dans certains cas je veux bien accepter que c’est dû justement à la lourdeur administrative et fiscale de la France mais dans d’autres cas c’est bien une faute de l’entrepreneur peut prévoyant !