Cette semaine, ma productivité pour le Courrier a baissé, car j'ai occupé deux soirées à des missions "de terrain". Jeudi, j'ai participé aux vingt ans de ma promotion d'ENA. Vendredi, j'ai écumé les bars d'Abbeville, dont je suis un habitant intermittent. Deux lieux, deux événements, deux populations, deux ambiances. Et, en rentrant chez moi, je n'ai pas eu de peine à comprendre dans quel camp se trouvaient les plus cons.
Parfois, le passage d’un extrême à l’autre permet d’éclairer brutalement des aspects invisibles de la réalité. C’est en glissant d’un milieu à son contre-milieu que les ombres apparaissent sur des visages trop lisses, trop connues, et qu’une profondeur de champ inattendue se dégage sur ce que l’on croyait connaître.
C’est un peu l’expérience qui m’est arrivée cette semaine, et qui explique que j’ai moins écrit pour le Courrier ces derniers jours. Jeudi soir, je participais à Paris à l’événement marquant le vingtième anniversaire de promotion d’ENA. Ce pince-fesses avait lieu dans un hôtel particulier du seizième arrondissement. Le lendemain soir, j’écumais les bars d’Abbeville, petite sous-préfecture de la Somme dont le député est François Ruffin.
Cette confrontation des extrêmes donne au fond une belle photographie des divergences, des distances, des incompréhensions, qui fracturent notre pays.
L’énarque, ce funambule en suspens qui n’a pas vérifié son harnais
Fêter les 20 ans de ma promotion ENA était, c’est vrai, une corvée, dont je me suis dispensé il y a dix ans, et à laquelle je me suis collé cette année par curiosité.
Je suis sorti de l’ENA en 2002, à une époque où l’on pouvait encore croire au destin de l’Europe et de l’euro, au progrès de la démocratie, et à quelques petites naïvetés de ce genre. Vingt ans plus tard, l’Europe est en guerre, les finances publiques sont en ruine, la zone euro est en quasi-récession, et l’abstention record illustre les tensions propres à notre démocratie : c’était le moment de prendre la température de la caste.
Sans enthousiasme, donc, je me suis cherché un costume à peu près correct pour rejoindre mes anciens petits camarades et voir à quoi ils ressemblent désormais. Et le résultat m’a, je dois le dire, un peu consterné.
Pour donner un tableau général de ce que j’ai vu, je dirais avec une petite paresse facile que l’événement se situait entre la scène de ripaille de E la nave va de Fellini et une soirée de voeu à la Chancellerie de Hitler en janvier 1943, c’est-à-dire quelques semaines avant la défaite de Stalingrad. Tout le monde affiche une mine réjouie, évoque les bons souvenirs, dresse un tableau épique et picaresque des grandes victoires engrangées, de la prospérité du pays retrouvée grâce au NSDAP, et surtout, les mouches à merde qui posent les questions qui fâchent sur les signaux de plus en plus nombreux d’une défaite imminente sont considérées au mieux comme de grossiers personnages, au pire comme des ennemis à fusiller dans la cour séance tenante.
Bref, une soirée énarchique n’existe que comme célébration des grandes victoires remportées par la caste mondialisée sur l’obscurantisme, et toute forme d’esprit critique expose au bannissement.
Combien de temps la béatitude peut-elle durer ? Je n’ai rencontré, ce soir-là, que peu de camarades prêts à reconnaître que la fête aurait peut-être une fin… plus rapide qu’ils ne l’imaginent.
Triomphe de la platitude et de la cécité
Je ne me souviens plus de tout quant aux détails de ma scolarité à l’ENA (il me faudrait plus de temps pour rassembler mes souvenirs, sans doute), mais j’ai conservé intact la diatribe de l’une de mes camarades sortant de Sciences-Po et finalement sortie au Conseil d’Etat, dont la carrière a connu un bond spectaculaire grâce à François Hollande dont elle fut conseillère à l’Elysée. L’impétrante ne connaissait pas bien la différence entre Flaubert et Balzac et même, disons-le, confondait allègrement les deux.
Ce flou culturel m’a toujours paru illustrer assez bien le niveau moyen des énarques, qui sont (parfois) de bons chefs d’atelier bureaucratiques, mais qui ont une culture limitée aux petites fiches ingurgitées au kilomètre à Sciences-Po. J’ai d’ailleurs toujours eu l’intime conviction qu’il fallait payer la petite fiche ingurgitée par le science-pipoteur de base au même tarif qu’une gâterie déroulée par une Brésilienne au bois de Boulogne : ils deviendraient tous très riches dès le plus jeune âge, se détourneraient en masse de la carrière bureaucratique, et libéreraient ainsi le pays d’une infestation toxique.
De cette réduction massive de l’individu à un simple utilitarisme bureaucratique, on en trouve les preuves partout. Nous devions être moins de dix à ne pas porter, parmi les hommes, un complet bleu ou gris totalement passe-partout. Et, si je fais le compte de ma soirée, un seul de mes camarades a osé me parler de son opposition à la politique étrangère suivie par Emmanuel Macron.
Massivement, l’énarchie aujourd’hui applique de façon zélée la politique gouvernementale, dans ses pires excès, sans se poser de questions métaphysiques. Certes, il y a bien des jeux de carrière, certains sont plus républicains ou plus socialistes que le Président, comme Vichy comptait des adeptes de Darlan, de Laval, ou de Bousquet. Mais, de même qu’aucun ne remettait en cause le Maréchal, aucun énarque aujourd’hui, parmi ceux qui sont en fonction dans l’active, n’exprime publiquement, sereinement, honnêtement, le moindre malaise vis-à-vis du naufrage en cours, considérant même que l’affaire est entre de bonnes mains, et que nous tenons le bon bout.
Les trois sphères de l’ENA aujourd’hui
De façon étonnante, quand même, il me semble que la morphologie générale de l’ENA a changé significativement en vingt ans. C’est peut-être une impression trompeuse, mais, sous l’effet des changements globaux, la biologie mute.
L’immense majorité des énarques (90% d’entre eux, pourrions-nous dire, à grosses mailles) exerce, vingt ans après sa sortie d’école, des fonctions subalternes de plus en plus marginalisées par la mondialisation. Il faut ici comprendre à quoi correspond la montée en puissance des Mc Kinsey et consorts : la définition stratégique de l’action publique est confisquée par la caste, et ceux qui en étaient chargés autrefois sont de plus en plus réduits au rôle de simples exécutants de feuilles de route définies ailleurs.
La règle de ces 90% est d’obéir aux ordres sans se poser de question. J’ai désespérément tenté d’obtenir d’un camarade juge administratif la moindre réflexion critique sur la soumission générale et silencieuse du corps auquel il appartient aux pires excès du macronisme, je n’ai obtenu que du déni mordicus, un sourire sardonique et une demande timide d’indulgence pour le jour où tout cela se terminera mal. Mais sa réponse ostinée est : “j’obéis, et je ne peux qu’obéir”.
Plus teigneux sont les anciens cadors du système qui n’ont pas bien négocié le virage de la mondialisation : les conseillers d’Etat devenus des dinosaures d’un vieux droit français balayé par l’Europe et les Etats-Unis, les inspecteurs des finances mal à l’aise en anglais, qui doivent se contenter de postes bidons de “chef de la mission d’audit interne de truc ou de machin”, qui sont autant de chômeurs déguisés à 15.000€ nets par mois, confortables donc, mais d’autant plus arrogants et haineux qu’ils sont aigris par leur progressive mise sur la touche. On en compte trois ou quatre par promotion, et ceux-là sont dangereux car leur ressentiment les bouffit de haine contre les “riens” de la France ordinaire, taxés de tous les maux.
Enfin, j’ai dénombré une poignée de vainqueurs, de membres réels de la caste mondialisée, qui fréquentent les forums de Davos, les réunions de Bilderberg, les instances onusiennes où l’argent coule à flot pour acheter les dernières résistances au système.
Mais, sur une cohorte de cent personnes, s’ils sont cinq, c’est déjà énorme, et peut-être même ne compte-t-on parmi eux qu’un ou deux oligarques réel(s).
Les progrès fulgurants de l’atlantisme
Je manquais peut-être de lucidité il y a vingt ans, mais il me semble quand même que, en 2002, j’eusse anticipé beaucoup plus de résistance assumée et ouverte à l’ordre américain que je n’en ai vu ou entendu jeudi soir. Face à la manipulation américaine en Ukraine ou mondialiste sur le coronavirus, je crois bien que, au moins dans mes souvenirs, une part plus importante d’élèves aurait protesté ou aurait même contesté.
Désormais, l’attitude la plus audacieuse est de se taire, d’éviter le sujet, de ne pas voir qu’à force de prétendre que la France n’est plus rien, ils ont eu gain de cause : l’énarchie est devenue la force la plus active pour dissoudre la nation dans un bain de multilatéralisme et de mondialisme où nous nous pesons plus rien.
Avec beaucoup de naïveté, l’un ou l’autre est venu m’expliquer qu’aucun pays n’était libre, et que l’ordre américain était le bon, à condition d’être débarrassé de Trump, bien entendu. Ceux-là osent dire ce que les autres font mine de ne pas savoir, par confort, par facilité, par paresse : qu’ils ne sont plus rien, qu’ils ont cassé le jouet qui a fait leur carrière, leur prospérité, leur rang social. Au fond, la France disparaît, et ils se sentent honorés de pouvoir éteindre la lumière en partant.
Bouffée d’oxygène à Abbeville
Le lendemain, heureusement, je suis parti à Abbeville, et fait exceptionnel, j’y étais sans ma fille. J’ai donc proposé à ma femme d’écumer les soirées d’Abbeville en couple débutant, en quelque sorte.
Je profite de cette occasion pour mentionner les très sympathiques soirées du vendredi à la Brasserie Alsacienne à Abbeville, devant le marché couvert. Chaque vendredi, on y danse le disco dans une ambiance bon enfant où les habitués vous accueillent à bras ouverts et se souviennent de vous d’une semaine à l’autre.
Ma femme en a profité pour faire la connaissance de Gégé, célébrité locale qui fête ses cinquante ans aujourd’hui, et qui anime avec beaucoup de bonne humeur et de bienveillance la vie locale. C’est l’un des plaisirs de la vie abbevilloise, que de humer les premières effluves de notre bon Nord, où les gens se mélangent par-delà leurs différences, et se respectent sans se préoccuper des classes sociales auxquelles ils appartiennent.
Comme nous étions dans la soirée “j’écume les bars”, j’ai ensuite emmené ma femme au Saint-Pierre, où les tribus de la jeunesse abbevilloise se rassemblent avant d’aller en boîte de nuit. En commandant un rhum arrangé pour moi, une bière pour ma femme attablée dans la petite salle d’à-côté, un jeune homme regarde mon alliance et me dit : “avec ça au doigt, tu ne vas pas pouvoir rester longtemps. Madame va te faire ton affaire si tu rentres trop tard”.
La fascinante intelligence de Sullivan, rencontré au bar
Ce gaillard est un petit blondinet avec une barbichette de salafiste. Ce doit être la mode. Il a vingt-six ans, le regard rieur et taquin des petits gars de chez nous. Je plaisante avec lui et je vais retrouver ma femme avec mes verres à la main. Quelques minutes plus tard, le gaillard arrive dans la même salle, me voit assis à côté de ma femme et s’esclaffe.
Il s’assied à côté de ma femme, en m’expliquant qu’il la trouve vraiment très belle et vraiment plus jeune que moi. Il se présente : il s’appelle Sullivan. Il est du coin. Son père ne l’a pas gâté avec un prénom pareil. Il n’en est pas à sa première bière, et son groupe de copains et de copines, dont aucun n’a trente ans, le regard entre admiration, stupeur et amusement de le voir se coller aux “vieux” de l’assistance.
Sullivan commence à raconter sa vie. Il a passé cinq ans dans l’armée. Il a fait des missions, notamment au Mali. Il se souvient d’y avoir accroché deux frères combattant dans les rangs d’AQMI, dont un gamin de douze ans, blessés, qu’ils ont emmené à l’hôpital de campagne. Le petit de douze ans s’est pris un éclat de grenade, et la gangrène a vite gagné. Le chirurgien a demandé au grand frère dans le lit à côté s’il pouvait amputer le petit pour éviter qu’il ne meure. Le grand frère a refusé : un handicapé ne sert à rien dans une famille islamiste du désert. Alors le chirurgien français a laissé mourir le petit, sous les yeux de Sullivan qui aidait à faire des pansements.
Quand Sullivan est revenu, sa fiancée l’a quitté. Sullivan fait la fête malgré tout, mais il se réveille souvent la nuit. Il a peur du noir. Il a besoin d’allumer la lumière. Il ne sait pas pourquoi le sommeil l’a quitté. L’armée lui a parlé des troubles post-traumatiques. Il ne sait pas trop, mais il a va aller voir un psychothérapeute parce qu’on lui a dit que ça pourrait lui faire du bien.
Sullivan ne doute pas de quelque chose : de son goût pour une société où l’on honore l’héritage des anciens et où l’on honore ce qu’ils ont fait de bien. Et lui, dont la France a été le combat, il sent bien que le combat qu’on mène en Ukraine, ce n’est pas le nôtre.
“Je suis un intuitif”, dit-il. “Et là, je sens bien que l’Ukraine, ce n’est pas notre combat. On ne fait pas la guerre pour nous là-bas, mais pour autre chose. Je ne sais pas quoi, mais pour autre chose. “
Il n’y a pas de haine chez Sullivan, ni d’idéologie, ni de dogme. Il y a des intuitions guidées par la liberté de conscience et le sens sincère du bien. Ce qu’on appelait à une époque la foi du charbonnier.
Obéissance de la caste et liberté du peuple
Je ne pouvais évidemment m’empêcher de confronter ici les deux images extrêmes, et extraordinairement contradictoires, d’une caste imbue d’elle-même, hypnotisée, dépersonnalisée, qui ne “sent” rien et s’imagine connaître la réalité, sans jamais chercher à la comprendre, face à un peuple ordinaire resté extraordinairement libre et sincère, à la recherche de sa vérité dans une dense forêt de propagande officielle.
Il est beau ce peuple qui s’appuie sur ses intuitions, il est grand, il est prometteur. C’est sur lui que nous devons nous appuyer pour combattre la fausse monnaie de la caste, qui prétend que les vessies sont en réalité des lanternes.
“Les masses françaises sont analphabètes”, disait Zemmour récemment. Je voudrais terminer ce reportage par un éloge de l’analphabétisme et de l’illettrisme. Pour être intelligent, je crois bien qu’il ne faut savoir ni lire ni écrire. L’éducation, parce qu’elle est le lieu de l’hégémonie propagandiste, est un obstacle, au fond, pour réussir notre rapport au monde, aux choses, et à la vérité.
Bon voilà, en fait, les cons ne sont pas ceux qu’on croit.
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La perspective de cet instantané est saisissante. On mesure aussi qu’à grande ouverture, la profondeur de champ ne permet le point que sur un sujet. Il faudrait diaphragmer fortement, mais la luminosité ne le permet pas. On a compris, l’humanité a déserté l’ENA.
bonsoir à tous, merci Eric pour ce partage, c’est sympa de se livrer ainsi et que nous puissions en profiter. Prendre son clavier pour écrire ce texte, ce n’est pas anodin.
La crise du Covid et la réélection de Macron m’a fait prendre conscience que la France a disparu. Le chaos qui vient, dont nous sommes plusieurs à en voir les prémices, permettra, il faut l’espérer, la renaissance de la France. Son peuple n’a pas encore vraiment combattu.
Il fait fort notre écrivain Eric : “Je voudrais terminer ce reportage par un éloge de l’analphabétisme et de l’illettrisme. Pour être intelligent, je crois bien qu’il ne faut savoir ni lire ni écrire. L’éducation, parce qu’elle est le lieu de l’hégémonie propagandiste, est un obstacle, au fond, pour réussir notre rapport au monde, aux choses, et à la vérité.”
Cela s’appelle cracher dans la soupe.
Non cela s’appelle de la prise de recul et les questions qu’il faut se poser,,,,
Bravo Eric,
Peut-être ce qui manque le plus à nos élites c’est le sens de l’honneur.
Probablement la « fiche » du même nom n’existe plus!
Merci pour ce texte …
Ah c’est clair que nos (soit-disant) élites n’ont plus aucun sens de l’honneur. Ils sont devenus la honte de la nation.
Tres bel article. A la fois très analytique et très humain. Juxtaposition saisissante. Merci beaucoup 😉
Je croyais ” les cons ça ose tout ”
Je pige plus !!!
J’en reviens toujours au même constat.
Ne surtout pas mélanger “instruction” et “intelligence” ou “ouverture d’esprit”.
Une chanson me revient en tête : les bourgeois c’est comme les cochons … (Brel)
https://www.dailymotion.com/video/xxw10
Les oiseaux de passage chantée par Brassens colle bien aussi.
“Regardez-les vieux coqs, jeunes oies édifiantes
Rien de vous ne pourra monter aussi haut qu’eux
Et le peu qui viendra d’eux à vous c’est leurs fientes
Les bourgeois sont troublés de voir passer les gueux”
Vous avez résumé notre malheur en une phrase : “Au fond la France disparaît, et ils se sentent honorés d’éteindre la lumière.”
Quand Macron a été élu, j’ai eu un sombre pressentiment car j’avais lu il y a fort longtemps “la France de Vichy” de Paxton, qu’il ne faut pas limiter à son éclairage certes novateur pour l’époque sur le rôle de Vichy dans la déportation des juifs.
Vichy c’est avant tout le hold up d’une caste technocratique au détriment de la république et du peuple (des analphabètes extrêmistes (à l’époque c’était le PC et les anarchistes)). Sous la houlette de Pierre Puche qui a la différence d’autres hauts fonctionnaires ne put négocier le changement de régime : il faillit y arriver mais le PCF ayant gardé rancune de ses parlementaires exécutés, paya de 12 balles moins son infâmie que son imprudence….
Puisque l’on était en mode simili Godwin, en parlant des analphabètes, il faut aussi se rappeler que,à l’époque ou personne ou presque ne dépassait le certificat d’études, à la conférence de Wansse, la moitié des participants étaient titulaires d’un doctorat!
Le seul quasi non diplômé, la seule brute était un SS qui ne devait sa présence que par son expérience (on dirait un Retex aujourd’hui ) sur la Shoah par balles dans un quelconque pays balte (la Lettonie je crois)….. Il fut probablement tué dans la chute d’une Festung submergée par l’Armée Rouge, et il est possible qu’un jour une rue à Riga portera son nom.
J’ai rien compris ! Même la “conférence de Wansse” je croyais qu’elle s’appelait : la conférence de Wannsee !
Beau texte.
Choisissez : la baguette froide qui a durcie ou la baguette chaude qui sort du four ?
J’adhère à la dernière phrase , et pas d’aujourd’hui. Au fait, il vote Sullivan ? Et pour qui ? Vu ce que vous en racontez, il doit assumer sans problème.
j’aime bcp merci même si (professeur de lettres que je suis) je m’inscris en faux quant à la fin du texte.
Je suis absolument sûre que ce qui manque le plus à notre pays, ce dont chacun a soif, et je m’en rends compte à chaque fois que, comme vous, je me rends dans des lieux où l’on échange sans chichis avec des gens du coin qu’on ne voit ni à la messe ni entre profs, tous ces invisibles qui forment le peuple, mais qu’il est si facile de ne jamais côtoyer: ce qui manque, donc, et ce dont les gens ont soif, c’est bien de retrouver leur langue, leurs poèmes, toute cette littérature à travers laquelle souffle un esprit, s’incarne une identité.
J’ai toujours cru que ce n’était pas pour rien que l’on avait mis dans la tête des élèves et de leurs parents que la voie littéraire est inutile (elle l’est en effet devenue, mais c’est un autre sujet) et parallèlement, que les lettres, les livres, sa propre langue française, c’est difficile et compliqué.
Au total on nous a dépossédés de notre langue et de nos lettres, et je n’ai jamais rencontré ds toute ma carrière (20 ans) d’élève aussi passionné de lettres que je l’étais à leur âge. Il est vrai que la manière dont on nous fait enseigner notre manière la rend, au pire, rébarbative, au mieux, tout juste intéressante pour quelques filles qui feront “L”.
On est loin, autant vous dire, d’une situation qui permettra de voir renaître des Blaise Pascal, des Musset ou des Balzac.
Et je ne parle pas des Audiard ou Anouilh.
Bref, je crois qu’il faut, si on le sait, faire revenir Racine et Molière chez les “gens qui ne sont rien”, ceux devant qui le grand Jean-Baptiste ne dédaigna pas de jouer durant 10 ans, que, comme les apparitions de Marie ne se firent que devant des petites gens, ceux-ci seulement sauront comprendre véritablement ces oeuvres, sans y aller de leur petit commentaire comme le feraient les membres de ce que vous appelez la caste. Eux savent commenter et juger, mais admirer et aimer? cela leur est étranger.
Un des plus fins observateurs de ce problème français est peut-être Bernanos? qui lui a trouvé une espèce de solution dans la pièce qui fut son chant du cygne et que j’ai eu la chance de mettre en scène, Dialogues des Carmélites: en Dieu, pour Dieu, et par le sacrifice et le don de soi pour la paix et pour la France, seulement là, seulement ainsi, seulement en se reconnaissant une vocation commune, il y a possibilité de redevenir un peuple, dans le don de soi et l’amour de ses frères.
J’ajouterai que ce n’est pas pr rien que le plus grand film du monde est français et que celui-ci montre le mieux ce que nous sommes, débarrassés des influences diverses qui tentent tant nos soi-disant élites: Les Enfants du Paradis, à connaître par coeur… Garance, qui a grandi à Menilmontant et qui pourrait symboliser la beauté et la grâce de la femme que seuls les Français surent autrefois aimer et glorifier, autour de qui tous les hommes s’enflamment, vivent ardemment, aiment et créent: les acteurs, le grand aristocrate, l’assassin. Tout cela avec en toile de fond une foule joyeuse de Paris, et le théâtre, le “paradis”, les vraies gens.
La litterature permet de rassembler un peuple et de faire se rejoindre les âmes. Cordialement. ode.
Mais Garance n’était-elle pas aussi celle qui clama que si son coeur était français son cul était international ?
date de sortie de ce film 1945
la sortie du TUNNEL ?
Une soirée avec des énarques ressemble à un congrès du parti communiste, époque Georges Marchais. Comme la famine d’Ukraine et du Caucase de 1933, il ne faudra suetout pas parler de celle qui va frapper l’Europe dans quelques mois.
C’est pour cela qu’on aime le Courrier. Éric Verhaeghe est le seul en 2022 à pouvoir se permettre, au débotté, une chronique en mode Choses Vues. Le seul à oser et, surtout, surtout, le seul dont l’organe de presse l’autorise. Forcément c’est à lui. Voilà le mérite et l’avantage des libertariens qui mettent leur argent là où se trouve leur bouche — anglicisme plus précis à mes oreilles que le français joindre geste à la parole.
Car oui, qui d’autre sur le marché de l’info va nous conter ces deux ambiances d’un même pays de manière aussi brute, à la Hunter S. Thomson; du gonzo journalisme sans les substances.
Exemple: ???? Pour donner un tableau général de ce que j’ai vu, je dirais avec une petite paresse facile que l’événement se situait entre la scène de ripaille de E la nave va de Fellini et une soirée de vœu à la Chancellerie de Hitler en janvier 1943, c’est-à-dire quelques semaines avant la défaite de Stalingrad. ????
Ou encore: ✨ Ma femme en a profité pour faire la connaissance de Gégé, célébrité locale qui fête ses cinquante ans aujourd’hui, et qui anime avec beaucoup de bonne humeur et de bienveillance la vie locale. C’est l’un des plaisirs de la vie abbevilloise, que de humer les premières effluves de notre bon Nord, où les gens se mélangent par-delà leurs différences, et se respectent sans se préoccuper des classes sociales auxquelles ils appartiennent. ✨
Tout ce qui est dit sur l’atlantisme, le dérisoire qui s’attache aux trajectoires des diplômés dans le milieu supra national, tellement vrai.
Alors je trouve aussi la conclusion décalée. Est-ce que l’instruction est au centre de ce clivage? Pas sûr. Pour moi ce serait libres les pieds sur terre d’un côté, esclaves perchés de l’autre. D’ailleurs Zemmour s’est laissé embarquer dans la même impasse, à l’envers. Sûrement par sa compagne mais qu’il s’est choisie. Au passage il faudrait au Courrier recruter un reporter chez Reconquête pour savoir ce qui coince. Ça doit se trouver non? Chez les jeunes…
La conclusion de cette chronique – “les intuitions guidées par la liberté de conscience et le sens sincère du bien” que l’on a plus de chances de trouver chez les gens simples que chez les énarques – est proche du constat que faisait Orwell dans ses articles. Le journaliste anglais était en effet coutumier de ce type de rapprochements saisissants entre le monde ordinaire et le monde des médias et du pouvoir. Les observations de cette nature peuvent nous inciter à penser qu’une des conditions de la lucidité est la capacité d’avoir un regard distancié par rapport à toute forme de pouvoir : ni fascination, ni sidération. De ce point de vue, la caste, ses laquais, ceux qui les suivent béatement et ceux qui les craignent excessivement sont tous affligés d’une sorte d’aveuglement.
Quant à l’instruction, elle devient “le lieu de l’hégémonie propagandiste” lorsqu’elle abandonne ses exigences premières, comme c’est le cas aujourd’hui, pour produire des demi-habiles à la chaîne. Pascal trouvait que le jugement sain des gens résidait dans la conscience humble de leur ignorance, qu’il s’agisse de l’ignorance naturelle ou de l’ignorance savante, qui se connaît. Ceux d’entre-deux, disait-il, qui sont sortis de l’ignorance naturelle et n’ont pu arriver à l’autre, font les entendus et jugent mal de tout.
J’ajoute qu’Eric Verhaeghe, outre la justesse de ses observations, a raison de vouloir s’appuyer politiquement sur le peuple ordinaire et sa part de clairvoyance intuitive. Une nation ne peut pas gagner contre les projets mondialistes sans les forces vives du peuple, comme l’avait compris De Gaulle. C’est d’ailleurs pour cela que la propagande du système cible autant les classes modestes. Aussi ceux qui voient les gens ordinaires comme intrinsèquement imbéciles ont-ils une approche erronée et défaitiste de la situation. De plus, on doit tenir compte d’un phénomène pointé par E. Todd : la baisse générale du niveau éducatif s’accompagne d’un réarmement cognitif des classes populaires dont les propres élites ne sont plus aspirées par les couches supérieures.
avez-vous un lien pour la citation d’Emmanuel Todd ?
merci
https://www.socialter.fr/article/emmanuel-todd-diplomes-cretins
Voir notamment ses réponses aux 5e et 6e questions de l’entretien.
Oui, c’est exactement ça : depuis qu’ils se croient intelligents, je me sens moins bête !
On imagine facilement qu’il vous fallait être présent à la première soirée, ne serait-ce que pour soigner vos contacts et récupérer les derniers potins, mais je suis presque sûr que le retour à la maison avait plutôt l’air d’une mauvaise gueule de bois, dépression en sus – le lendemain ayant vraisemblablement servi de catharsis et vous redonnant confiance envers les humains normaux et le sourire 😉
Avoir un pied dans chaque monde et nous en faire profiter est une bonne chose, puisque ça aide à dessiller certaines personnes.
Hi, hi, hi !
Je me mare, c’est tellement du pris sur le vif.
« l’énarchie est devenue la force la plus active pour dissoudre la nation… »
Heureux de ne pas être seul à faire ce constat et celui-ci venant, de plus, d’un ancien de l’énarchie.
Qu’ils soient d’Abbeville ou de Fouilly les Oies, nos « vieux », paysans peut-être mais bien plus avisés que nos « grands esprits parisiens », avaient un vrai bon sens, nettement plus supérieur à toute logique théoricienne.
Certains étaient peut-être illettrés ou analphabètes mais ils savaient mieux que personne qu’un sou est un sou et qu’on ne dépense pas ce qu’on n’a pas engrangé, que mieux vaut un accord même bancal qu’un mauvais procès et enfin que charbonnier est maître chez lui et n’entend pas que son voisin vienne y faire la loi.
Bien ! J’ai tout lu ainsi que les commentaires qui ne manquent pas d’éloges quant au comportement d’Eric.
Mais bon sang ! Eric ! il fallait sortir de Paris bien avant ça pour enfin découvrir que les Français d’en bas, disons la majorité des Français, semblent aussi avoir un QI. autour de 100, voire légèrement plus pour les mieux ou plus instruits. Je les côtoie tous les jours et c’est sans doute aussi mon Karma, moi, fils d’immigrés polonais. Est-ce vraiment une découverte pour toi ou bien étais-tu vraiment isolé dans le Paris intra-muros des bobos ? Ah ! Qu’elle semble loin ton enfance dans la Liège besogneuse !
Toi, tu as fait ton “coming-out” out de l’énarquie, ce qui est quand même rarissime d’où toutes mes félicitations. Moi, de mon côté, à mes 50 ans, j’ai refusé 2 Rolex (Souviens-toi de Lévy et Sarkozy (mon voisin du Lavandou) (1 pour moi et 1 pour mon épouse) des Qataris lorsqu’ils nous avaient virés de l’université parce que, apparemment, je ne baisais pas les yeux lorsque je les croisais !!!!! Heureusement que nous avions des passeports de service français sinon, ils auraient pu nous garder sans salaire pendant des années. Par la même occasion, j’avais fait l’amère expérience du panier de crabes des ambassades de France. Ça a mérité d’être vécu de l’intérieur pour enfin perdre sa virginité de Français “normal”. Pas étonnant, dès lors, de comprendre la suppression du corps diplomatique. Ceux qui connaissent ce milieu diplomatique sauront que je ne peux pas écrire les basses raisons de cette suppression… Ce qui m’étonne quand même de Macron et de tous les sous-entendus derrière son dos ! Finalement tout se recoupe et tout s’entrecroise aux plus hauts niveaux et je souhaite bien du plaisir au général qui prendra le pouvoir en France.
Je note que Sullivan a passé 5 années dans l’armée et en théâtre d’opération. Je n’ai pas encore croisé un militaire expérimenté qui n’ait pris conscience que « les journalistes racontent n’importe quoi », de part le hiatus entre leur expérience du terrain et ce qui est rapporté par le journaliste. Et si je rejoins sur le fait que l’intelligence du monde ne nécessite pas d’être un grand lettré, elle passe par un contact de vie, des choses, d’échanges avec d’autres. En ce sens Sullivan est plus éclairé que la moyenne grâce à son expérience et l’observation qu’il en fait. Mais en effet il est probable qu’il y ait un assez grand nombre de « Sullivan », mais sont-ils assez nombreux?
Il est probable que les énarques n’osent rien dire, tout comme nombre de médecins face aux effets secondaires… votre analyse de leur situation montre leur inéluctable déclin.
Merci de ce texte bien agréable à lire et éclairant !
En d’autres temps nous aurions pu dire Heureux les simples d’esprit car ils verront Dieu !
Article formidable, à partager d’urgence avec tous les défaitistes accrochés sans même s’en rendre compte à leur confort moderne et qui jurent que puisque les français ne sortent pas dans la rue pour ériger des barricades ça signifie que nous sommes foutus, tous des cons, il ne se passera rien, etc…
C’est tout à fait faux à mon avis, le bon sens ne disparaît pas parce que deux guignols en col blancs et trois pseudo journalistes ont décidé de vomir leur morgue sur un peuple dont ils ne savent rien… et surtout ne comprennent rien.
Il me semble qu’au contraire, les mouvements vus au Canada ou plus récemment en Hollande n’auraient peut-être pas pu émerger sans une certaine admiration du précédent historique des Gilets Jaunes.
Un jour un patriote américain m’a dit que les français étaient un exemple de désobéissance civile pour le monde.
Ca fait plaisir et ce n’est pas parce qu’on nous prend ouvertement pour des cons qu’il faut se résigner à croire que c’est vrai.
A la fin on gagne.
“L’éducation, parce qu’elle est le lieu de l’hégémonie propagandiste, est un obstacle, au fond, pour réussir notre rapport au monde, aux choses, et à la vérité. ”
Il faudrait répéter ceci le plus souvent possible !
Dans l’éducation il y a quelques petites (ou grandes) choses qui sont vraiment utiles :
– la lecture, l’écriture, l’apprentissage de la langue ;
– les cours d’instruction civique mais on n’en fait plus, les cours de morale, mais on n’en fait plus ;
– les théorèmes et formules de mathématiques ;
– les formules de sciences physiques, chimie et électromécanique.
Pour le reste, c’est à chacun d’apprendre ce qui l’intéresse en fouillant autant que nécessaire pour extirper le vrai du faux.
Sur l'”intuition” aussi je suis d’accord : c’est le véritable moteur de recherche et découverte de la vérité.