Emmanuel Macron se permet d'instrumentaliser la mémoire de Gorbatchev, qui vient de mourir, au service de la guerre par procuration que l'Occident mène en Ukraine contre la Russie. C'est stupide et scandaleux. Mais c'est aussi l'occasion de se rappeler que Gorbatchev était le dernier de la grande lignée des sociaux-démocrates européens: Jean Jaurès, Willy Brandt, Olof Palme....Hommage au bienfaiteur de l'Europe, dont les mondialistes et les européistes ont piétiné le projet de "Maison commune européenne"
Mes condoléances pour la disparition de Mikhaïl Gorbatchev, homme de paix dont les choix ont ouvert un chemin de liberté aux Russes. Son engagement pour la paix en Europe a changé notre histoire commune.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) August 30, 2022
Un président français ne devrait pas écrire cela.
Le tweet publié par les services de l’Elysée à l’occasion du décès de Mikhaïl Gorbatchev est stupide et scandaleux.
Stupide: faut-il rappeler que Gorbatchev présida pendant six ans (1985-1991) aux destinées de l’Union Soviétique? Non seulement les Russes mais les Ukrainiens, les Biélorusses, les Kazakhs, les Estoniens, les Lettons, les Lituaniens, les Géorgiens et bien d’autres se sont vus ouvrir, grâce aux réformes de Gorbatchev, un chemin de liberté.
Bien entendu, j’ai bien saisi qu’avec la subtilité d’un lycéen qui rêve d’entrer à Sciences Po, Emmanuel Macron veut nous faire passer un message: Gorbatchev = gentil Russe et bon démocrate/ Poutine = trop méchant Russe et autocrate !
Monsieur le Président, on n’instrumentalise pas la mémoire des morts! Surtout quand c’est au service d’une guerre que vous appuyez de toute votre énergie, alors qu’elle va contre tout ce qu’avait espéré le défunt: la paix en Europe et une “Maison Commune” du continent dont la Russie fît partie.
Scandaleuse instrumentalisation de la mémoire de Gorbatchev
Scandaleux, le tweet l’est, car la mort de Gorbatchev devrait amener un président français, jusque-là engagé aux côtés de l’Ukraine qui quotidiennement bombarde la centrale nucléaire de Zaporojie et envoie des mines pétales joncher les rues de Donetsk et d’autres villes du Donbass, à déchirer ses vêtements, revêtir une bure de pénitent, se mettre de la cendre sur la tête et crier pitié au Tout-Puissant pour la parole occidentale donnée à Gorbatchev et puis bafouée. Les Occidentaux avaient promis au dernier secrétaire général du Parti Communiste d’Union Soviétique que l’OTAN n’irait pas au-delà de la ligne Oder-Neisse (la frontière orientale de l’Allemagne réunifiée). Cet engagement – non écrit, mais y a-t-il rien de plus sacré que la parole donnée? – a été pîétiné à chaque élargissement de l’OTAN. C’est la cause première de la guerre d’Ukraine.
La bonne foi de Gorbatchev et la tartufferie occidentale
Emmanuel Macron est impardonnable de publier un tel tweet, parce qu’on ne joue pas avec la guerre et la paix.
Faut-il rappeler que sans Gorbatchev, il est peu probable que la Guerre froide se soit terminée sans un bain de sang, sans un coup de feu tiré entre les belligérants? On a rarement vu un empire accepter son déclin et s’écrouler pacifiquement. Gorbatchev devrait avoir sa statue dans toutes les grandes villes d’Europe.
Margaret Thatcher eut le coup d’oeil d’estimer Gorbatchev pour ce qu’il était, un homme de paix et elle amena Reagan à négocier avec lui.
A posteriori, beaucoup traitent Gorbatchev de naïf. Effectivement George H.W. Bush et les autres se précipitèrent dans l’espace laissé vide en Europe centrale. Ils se sont montrés indignes de la confiance que Gorbatchev avait mise en eux. Les dirigeants d’Europe centrale étaient trop immatures pour résister à la poussée vers l’Est de Washington. Mais ce sont surtout les dirigeants franças et allemands qui ont été incapables de s’affirmer comme Européens. Il n’y avait qu’une seule cause européenne à servir, celle de la neutralité et de l’indépendance de l’Europe.
Gorbatchev avait parlé de la “Maison Commune européenne”. Mais à part la formule d’une “Confédération européenne“, François Mitterrand ne passa jamais à l’action en réponse à l’invitation du président soviétique (Gorbatchev porta ce titre durant ses derniers mois au pouvoir)
Le dernier des grands sociaux-démocrates du XXè siècle
Un terme convient à Gorbatchev: la bonne foi. Il est rare qu’un homme d’Etat dise la vérité dans ses Mémoires. C’est son cas: il avoue que jusqu’à la fin 1988 il est resté léniniste, convaincu qu’il était possible de réconcilier Lénine et la démocratie et de réinsuffler de l’énergie dans les institutions soviétiques moribondes.
Gorbatchev était de bonne foi: la glasnost a mené à la fin du monopole du Parti Communiste d’Union Soviétique. Sous le léninisme, Gorbatchev aspirait à la social-démocratie. Et il était persuadé que les peuples d’URSS, une fois démocratisés, voudraient rester ensemble. On voit, dans ses Mémoires, comment il s’étonne, se désespère même, de constater que toutes les nations d’URSS, y compris la Russie d’ Eltsine, veulent prendre leur indépendance.
Ces patriotes qu’étaient Reagan et Margaret Thatcher ont mieux respecté Gorbatchev que les européistes et globalistes qui leur ont succédé. Et pourtant le dernier haut responsable de l’URSS était a consacré les trente dernières années de sa vie à défendre la cause d’une action écologique mondiale, celle de la paix et du désarmement nucléaire. Même s’il a débarrassé l’Union Soviétique et ses nations du léninisme, il est resté jusqu’à son dernier souffle un internationaliste.
J’engage d’ailleurs à lire son dernier ouvrage publié sur Le Futur du monde global. Gorbatchev n’a jamais renié son idéal. Il est peut-être le dernier des grands sociaux-démocrates du XXè siècle, de la lignée de Jean Jaurès, Willy Brandt, Olof Palme.
Un homme de paix! Puisse le monde multipolaire du XXIè siècle, que nous appelons de nos vœux, lui faire plus de place que l’ère des globalistes.
Beaucoup, je crois, vous rejoindrons pleinement Mr. Husson sur cet hommage aussi fougueux que mérité au président Gorbatchov.
J’ajoute qu’un commentaire posté dans le journal alllemand Welt.de, rappelant ce que Gorbatchev avait fait pour l’Allemagne et regrettant qu’il avait crû dans la parole de H.Kohl, H-F Genscher et J.Baker concernant un déploiement de l’Otan vers l’Est, a été censuré pour ” critique non factuelle ne contribuant pas à un échange d’idées dans une atmosphère informative, aimable et ouverte ” et le lecteur commentateur privé de commenter pour 12 heures avec menace d’être exclu définitivement s’il récidivait.