En juillet 1990, il n'avait pas fallu 24 heures pour qu'Olivier Stirn doive démissionner du gouvernement Rocard après qu'on eut découvert qu'il avait rempli une salle de meeting avec des acteurs. En 2021, un article de Médiapart (6 juin) - sous réserve de confirmation - raconte comment Valérie Pécresse aurait rempli la salle de lancement de son parti politique "Libres" en août 2019 avec des membres d'associations subventionnées ou subventionnables par la région dont elle est présidente, l'Ile-de-France. Or l'article a très clairement fait un flop.
Tant mieux pour la candidate à sa propre succession, dira-t-on, cela n'obère pas ses chances d'être la candidate de la droite LR à la présidentielle. Et l'on peut bien imaginer que le système politico-médiatique, très inquiet de la poussée de Marine Le Pen dans les sondages et de la fragilité du candidat Macron, ne veuille pas mettre en danger une alternative possible au sein du "cercle de la raison"
Cependant j'y vois pour ma part un signe triplement inquiétant de la dégradation du climat politique français. Les affirmations de Médiapart n'ont pas donné lieu à une réfutation ou à une enquête approfondie.
- Les électeurs qui envisagent de voter pour Valérie Pécresse méritent la vérité sur cette affaire.
- Cela dit la perte de confiance des Français dans leur classe politique. Car l'on s'attendrait à ce que de telles accusations portées contre Valérie Pécresse, qui a été un remarquable ministre de l'Enseignement Supérieur, polarise l'opinion. Eh bien ce n'est plus le cas, trente ans après l'épisode burlesque des figurants d'Olivier Stirn.
- L'absence de reprise de l'information et d'investigation dit aussi, tout simplement que la "galaxie LR", dont Valérie Pécresse fait encore partie, ne compte plus guère aux yeux des Français. Or on est à moins d'un an de l'élection présidentielle.
Ce n°8 de ma lettre confidentielle "Les droites de Husson", désormais payante, vous emmène cette semaine, précisément, dans une exploration de la "galaxie LR". Pour constater d'abord combien la direction du parti Les Républicains est à bout de souffle, comme le montre l'épisode tragicomique de la réunion sur le mode de désignation de celui qui portera les couleurs du parti à la présidentielle. Pour se demander ensuite ce que sera l'effet d'une probable candidature d'Eric Zemmour sur cette partie de la droite. Pour explorer, malgré toutes les raisons d'être pessimiste, la question de savoir si tout espoir de voir émerger un candidat capable d'atteindre le second tour de l'élection présidentielle entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen est perdu: je vous raconte comment les soutiens économiques de Xavier Bertrand désespèrent de sa percée dans l'opinion; comment l'hypothèse Barnier prend corps dans les milieux industriels; et comment David Lisnard a suscité un peu plus que de la curiosité avec le lancement de son parti "Nouvelle énergie". Enfin je serai fidèle à mon observation, faite il y a quelques semaines: le centre de gravité des droites françaises se trouve quelque part entre David Lisnard et Marion Maréchal. Nous prendrons le temps d'écouter le remarquable discours de philosophie économique de l'ancienne députée du Vaucluse dans le cadre du colloque annuel de l'Institut Iliade, le 29 mai 2021, à Paris.
Le cinglant démenti du CEVIPOF à la direction de LR
Pour ceux qui ne l’identifieraient pas, l’homme vers qui les micros se tendent sur la photo ci-dessus s’appelle Christian Jacob. C’est lui qui a été élu président de LR le 13 octobre 2019. Pensez à lui envoyer une carte postale de sympathie pour le second anniversaire de son accession à la présidence du parti en octobre prochain. D’abord parce que des mauvaises langues affirment que personne ne sait qui est Christian Jacob. Ensuite parce que cela sera sans doute sa dernière occasion de fêter en activité l’anniversaire de sa présidence.
LR fait tout, en effet, pour ne pas accéder au second tout de l’élection présidentielle. Et donc disparaître en tant que force politique organisée. Jeudi 10 juin au matin, en effet, Christian Jacob avait présenté la procédure de désignation du futur candidat LR à la présidentielle en donnant l’impression que Les Républicains avaient déjà un accord avec le CEVIPOF, centre d’étude de l’opinion de Sciences Po, pour examiner deux panels de 15 000 candidats et faire émerger un nom. Démenti cinglant du centre concerné, quelques heures plus tard, dont le directeur soulignait avec bon sens qu’un centre académique ne pouvait pas collaborer avec un parti politique plutôt qu’un autre. Rectification précipitée de Christian Jacob: en fait, il s’agira de travailler avec un éminent chercheur du CEVIPOF, Pascal Perrineau (honteusement écarté il y a quelques semaines de la présidence de la Fondation Nationale des Sciences Politiques par une procédure d’escamotage de certaines candidatures, mais cela c’est une autre histoire). L’insttitu de sondage devrait être l’IFOP.
Est-il besoin d’insister sur cette confirmation de la crise dans laquelle est plongée LR? Il s’agit d’une marque d’amateurisme de plus; sans compter le fait que la désignation par sondage est encore pire que la primaire de 2016 – dont le candidat Fillon était sorti avec une véritable légitimité populaire.
Eric Zemmour. Ira? Ira pas?
La faiblesse de LR a bien ouvert un espace qui n’est ni celui de Marine Le Pen ni celui d’Emmanuel Macron. Eric Zemmour pourrait bien profiter de l’incapacité de LR comme du RN à occuper une partie de l’espace à droite. Et ceci, d’autant plus que Nicolas Dupont-Aignan semble, d’après nos informations, se résigner à ne pas être candidat. Les sondages ne lui garantissent pas de passer la barre des 5% et le risque financier serait trop gros pour lui.
Eric Zemmour ne se définit pas d’abord comme souverainiste. Il se préoccupe de l’identité française, du risque de grand remplacement démographique. Là où Dupont-Aignan essaie encore de faire vibrer la corde du « souverainisme des deux rives » républicain, Zemmour lui, c’est plutôt le Général des entretiens avec Alain Peyrefitte, celui qui redoutait que « Colombey-les-deux-églises » devînt « Colombey-les-deux-mosquées » si on n’accordait pas l’indépendance à l’Algérie. Pour ceux qui voudraient mieux le connaître, prenez le temps de regarder l’entretien de presque 1h30 qu’il a accordé à Livre Noir, la chaîne You Tube (et bientôt WebTV) que nous avions recommandée, déjà il y a quelques semaines, pour le passionnant entretien avec Marion Maréchal. On se dit en l’écoutant que Zemmour effectivement est celui des candidats actuels qui correspond le mieux à ce qu’avait voulu le Général de Gaulle en installant l’élection du Président de la République au suffrage universel: la rencontre d’un homme chargé d’histoire, familiale et personnelle, avec le peuple français.
Alors, ira, ira pas? Il évoque quasi-explicitement une candidature sur Livre Noir, en répétant qu’il est allé suffisamment loin dans le diagnostic pour faire des propositions. Et qu’il y travaille activement. Récemment, Eric Zemmour a passé des fins de semaine « à la campagne » pour adapter son argumentation de citadin chroniqueur sur C-News et au Figaro à un public qui le connaît encore peu. Selon un témoin, « il était très naturel ». Il a commencé une campagne discrète pour avoir les 500 signatures de maires « au cas où ». Les contacts avec des industriels et pour des levées de fonds se multiplient. De ce point de vue, Eric Zemmour prend de l’avance sur Marine Le Pen. Les comités « Génération Z » s’implantent et développent des campagnes d’affichage.
Quand l’intéressé dit attendre de voir qui sera le candidat LR avant de prendre une décision définitive, il part d’une intuition juste. A un moment où Marine Le Pen occupe de plus en plus clairement l’emplacement du RPR des années 1980, il y a un positionnement à inventer, qui prendrait Marine en tenaille: plus identitaire qu’elle, d’un côté; plus entrepreneuriale, d’autre part. Pour autant, on ne peut que conseiller à Eric Zemmour de cesser de se déterminer par rapport aux autres. Sur les ruines de LR et en exploitant les brèches d’un RN que Marine Le Pen voudrait à tout prix « rendre respectable », il y a beaucoup plus d’espace politique que ce qu’on pense.
Galaxie LR: entre petites manoeuvres et un nouvel espoir
Avant même le résultat des régionales, Xavier Bertrand a des raisons d’être déçu des sondages le concernant dans les Hauts de France mais aussi des performances de son avatar, celui qui est déjà candidat à la présidentielle. Tandis que Xavier Bertrand fait campagne pour les régionales, son double XB essaie de labourer le terrain en vue de l’élection présidentielle. Le dernier sondage pour les élections régionales confirme qu’en cas de quadrangulaire (maintien d’un candidat de gauche en plus du candidat LREM, le président sortant n’a que trois points d’avance sur son concurrent du Rassemblement National, Sébastien Chenu, dont il faut rappeler que, comme Thierry Mariani en région PACA, c’est un ancien de la famille RPR/UDF. (Marine Le Pen n’est pas mauvaise stratège dans le choix de ses têtes de listes). Quant aux élections présidentielles, l’avatar n’arrive pas à décoller de 15%. D’après les informations que j’ai recueillies, même Philippe Villin, au départ chaud soutien de Bertrand dans les milieux économiques commence à s’en inquiéter.
C’est la raison pour laquelle les réflexions stratégiques vont bon train dans les milieux économiques. Les termes de l’équation ne sont simples qu’au premier abord. Au fond, plus grand monde ne veut d’Emmanuel Macron, jugé peu fiable dans la durée; surtout, le premier quinquennat se terminera avec à un déficit public à 125% du PIB. Ce n’est pas ce qu’on attendait de celui que des flagorneurs appelaient sans rire « Mozart de la finance ». Donc l’élection de Marine Le Pen devient probable si rien n’est fait. Que faire si l’on ne croit pas à la percée de Xavier Bertrand? Et en tenant compte du jeu trouble de Nicolas Sarkozy qui s’obstine à vouloir rester, le dernier président issu de la famille RPR/UDF et préfèrerait un accord avec Emmanuel Macron que l’élection d’un héritier? Que Xavier Bertrand reste président de région ou non, on va certainement vers une « guerre des quinquas »: le pas tout à fait cinquantenaire Laurent Wauquiez se battant avec la presque encore quadragénaire Valérie Pécresse pour ganer l’opinion à leur candidature. Du coup, le scénario Barnier, que nous avons déjà proposé dans cette lettre confidentielle prend de l’épaisseur. Michel Barnier continue à travailler activement le terrain comme vous pouvez vous en rendre compte en allant sur son fil twitter. Et puis il fait plancher des juristes sur son projet de moratoire de « pause migratoire » pour un quinquennat. Il est indéniable que son autorité au sein de l’Union Européenne aiderait le pays à vaincre les réserves d’une partie des partenaires si la France devait mettre en cause les règles actuelles de Schengen. Pour autant, le bon positionnement de Michel Barnier sera-t-il suffisant pour passer des 6 à 8% que lui accordent actuellement les sondages à 20% ou plus ? Mes interlocuteurs dans les milieux d’affaire et au sein de LR sont partagés sur ce point. Beaucoup pointent l’absence de notoriété de Michel Barnier, malgré les importantes fonctions qu’il a occupées à Bruxelles.
Faut-il alors compter sur un nouvel espoir pour parler comme la deuxième génération Star Wars? David Lisnard a lancé mercredi 9 juin son propre parti, « Nouvelle Energie ». Entouré de Viviane Chaine-Ribeiro, présidente de la fédération des très petites entreprises et vice-présidente de « Nouvelle énergie », d’Annie Lhéritier, ex-collaboratrice de Jacques Chirac, de Victor Fouquet, fiscaliste et de Caroline Doucerain, maire des Loges-en-Josas, responsable du déploiement national du mouvement, David Lisnard s’est contenté de préciser qu’il entendait contribuer à la création d’un projet de gouvernement qui tienne la route et réponde au quintuple défi que doit affronter le pays: « restaurer l’autorité de l’Etat », « lutter contre la bureaucratie » (en réduisant par exemple de moitié le nombre de textes de lois), favoriser « les libres initiatives privées et locales », « utiliser l’Europe comme un levier de puissance dans le monde », reprendre « la maîtrise de l’immigration » et, last but not least, surmonter « le déclassement éducatif , le problème le plus inquiétant ».
Une droite reprenant la maîtrise de l’immigration, assumant à la fois l’éducation classique (David Lisnard est un fervent partisan de l’enseignement du latin et du grec qui sont enseignés dans sa mairie) et la formation aux métiers de la Troisième Révolution industrielle, voulant nous débarrasser de « l’Etat nounou » pour renforcer l’Etat régalien, favorable à l’entrepreneuriat et défendant fièrement les libertés locales comme l’a fait le maire de Cannes pendant la crise sanitaire, lorsqu’il a refusé de se plier aux oukases d’Olivier Véran sur le rythme de mise en place de la vaccination. Tout cela fait évidemment envie.
Marion Maréchal explique avec brio à la "droite nationale et souverainiste" qu'il serait temps de "maîtriser la réalité économique".
Marion Maréchal a prononcé une allocution, le 29 mai 2021 devant l’auditoire du colloque annuel de l’Institut Iliade, lieu de formation et de débat de la droite identitaire. La directrice de l’ISSEP en a profité pour mettre les pieds dans le plat du confort intellectuel -fréquent – de la « droite nationale et souverainiste » où l’on oscille souvent entre détestation a priori du marché et absence de pensée économique. Assumant avec humour d’être « la libérale de la famille », elle a proposé une vision cohérente qui peut rassembler toutes les droites. On se délectera par exemple du passage où elle explique à Emmanuel Macron ce qu’est vraiment la politique économique d’Israël à propos de laquelle on a forgé le terme de « startup nation »; ou bien lorsqu’elle suggère que les dirigeants français sont les derniers à n’avoir pas compris le rôle clé des nations dans la compétition économique mondiale:
« Nos gouvernants sont bien les seuls au monde à croire que les nations ne servent plus à rien. Avez-vous déjà regardé comment le patronat allemand est capable de coordonner les différentes associations patronales, de planifier l’exploration systématique des marchés extérieurs et d’éviter la concurrence entre entreprises allemandes à l’étranger ? Que serait la puissance économique des Etats-Unis sans la mobilisation de l’Etat et des juristes américains à travers le monde, sans la collaboration étroite entre les secteurs civils et militaires et sans la croyance que rien ne remplace le mode de vie américain ? Le Brexit aurait-il pu avoir lieu sans le patriotisme d’une partie du monde entrepreneurial britannique ? On pourrait multiplier les exemples et s’apercevoir que la classe dirigeante française est bien isolée dans sa négligence du fait national au service de la prospérité et de la puissance économique« .
Vivant pleinement avec son époque, elle met en pièces le slogan « big is beautiful » à l’âge numérique:
« Ajoutons un élément que peu de gens observent : l’accès universel à une information quasi-gratuite permet aux acteurs de petite ou de moyenne taille de se battre à armes égales avec des plus grands. La théorie selon laquelle l’avenir est aux empires, aux grands ensembles, ne tient plus. On peut même constater que les petites nations sont aujourd’hui parmi les plus dynamiques : en moins d’un demi-siècle, la Corée est devenue une puissance industrielle de premier plan ; le Danemark a réformé son Etat de manière efficace, ce que nous sommes incapables de faire. La troisième révolution industrielle fondée sur le stockage exponentiel de l’information remet des unités politiques de petite et moyenne taille comme les nations au cœur du jeu« .
La construction d’un nouveau logiciel de la droite est une oeuvre de longue haleine mais avec des talents comme David Lisnard et Marion Maréchal, tout n’est pas perdu !
Merci Eric ! Que pensez-vous des travaux de notre ami Emmanuel Todd ?
Lesquels ?
Les LR m’ont déçu depuis bien longtemps : pusillanimes et égoïstes, chacun veut accéder au trône mais sans prendre le risque d’oser s’allier avec une droite plus dure (et plus convaincante). Pour moi ils n’ont aucune chance, ils se sont laissés laminer par la REM et, au lieu de se reconstruire, se sont répandus en querelles d’égo. Comment dès lors leur faire confiance ?
Je ne connais pas David Lisnard mais admire Marion Maréchal avec laquelle, tôt ou tard, il faudra compter.
Pour Zemmour même si je suis en total accord avec lui, il devrait rester comme il est et a toujours été…
Donc, à moins d’un miracle, nous aurons les mêmes vieilles querelles lors des prochaines élections et les mêmes c… ards pour voter Macaron.
Si Marion Maréchal et David Lisnard sont des talents alors ils sont très bien cachés. D’ailleurs ils le resteront, cachés. De sorte que Marine Le Pen présidente disposera d’un vivier de talents cachés pour monter au front après la victoire du RN. Cette victoire est possible et souhaitable, les masses sont là.
Autrement ce sera maqueron II, le retour. Les socialo globaleux nazi de l’étranger ne le laisseront pas tomber, eux. L’équipe qui a installé joe bidon à la Maison Blanche ça vous parle? Ils font des miracles, vous verrez. Par parenthèse j’espère de tout coeur que cette fois Marine engage Steven K Bannon à la stratégie. L’équipe du podcast War Room Pandemic sur Real America’s Voice.
Les Ripoux ont baigné trop longtemps dans la ouate et le confort. Ils n’ont plus de muscles. Ils n’ont plus envie. 90% des votants n’en ont pas envie non plus. Les zélites françaises ne volent plus. Il est temps de laisser faire les masses.
Zemmour est le meilleur de tous ceux que vous citez. Le fond il l’a. Le détail il peut le peaufiner. Il lui reste tout l’été pour parler à droite et à droite — je pense à Philippe de Villiers entre autres et Patrick Buisson bien entendu — et définir au mieux sa ligne de conduite jusqu’au premier tour avec l’idée de faire plus de bien que de mal. Par exemple: s’il prend tous les coups destinés à l’esstrème droAAAte c’est parfait. S’il prend tous les électeurs déçus par Les Ripoux c’est encore mieux. Les Ripoux qui finissent à 5% quel kif!!
Mais attention à ne pas faire tomber Marine Le Pen du podium des qualifiés.
Lisnard ? Vous parlez bien du grand guerrier qui « parle vrai « (d’après les journaux qui passent leur temps à mentir) ? Celui qui a appelé à voter Macron en 2017 ?
Barnier ? La grande limace de Bruxelles ?
Passer en revue les grands-bourgeois mous, c’est mignon. Mais, comme la France souffre depuis Giscard d’extrême-centrisme européiste, ce n’est vraiment pas la solution pour nous remonter le moral.