Julien G nous a rédigé un document essentiel sur la suspension dans la fonction publique. Il rappelle d'ailleurs que la suspension dans la fonction publique ne s'accompagne légalement pas d'une interruption de salaire. C'est donc une anomalie que de prévoir cette interruption sans modifier le statut de la fonction publique. Voici donc une présentation d'un dispositif qui ne peut intervenir que sur la base d'un arrêté de suspension dument notifié.
La suspension de fonction, qui existe dans les trois fonctions publiques (fonction publique d’Etat, fonction publique territoriale et fonction publique hospitalière), est un outil puissant pour l’administration. Cette mesure par nature provisoire dispose d’effets importants puisqu’elle éloigne le fonctionnaire de son service. Elle mérite donc que l’on s’y attarde pour déterminer dans quelles hypothèses elle peut être mise en place et voir quels sont ses effets.
Tout agent public qui se rend coupable d’une faute, qu’elle relève du champ professionnel comme de sa vie privée, encourt une sanction disciplinaire. C’est à l’administration d’apprécier la gravité de celle-ci et de proposer la sanction qui lui semble la plus appropriée.
Si elle est libre dans le choix de ses sanctions, l’autorité ne peut cependant prononcer de sanctions autres que celles prévues par les textes législatifs et réglementaires. Une sanction non prévue par les textes est illégale.
L’Article 30 de la Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (dite loi Le Pors) autorise l’administration à suspendre de ses fonctions un fonctionnaire soupçonné d’avoir commis une faute grave, « qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun »
La suspension de fonctions est une mesure conservatoire prise dans l’intérêt du service.
C’est, donc, une mesure provisoire qui permet d’écarter temporairement du service un agent
Ce n’est pas une sanction !!!
La suspension, ce que dit la loi
En présence d’une « faute grave », l’autorité territoriale peut, dans l’intérêt du service, suspendre l’agent
La suspension relève uniquement du pouvoir discrétionnaire de l’autorité territoriale. Toutefois, en cas de recours, le juge vérifiera que l’agent (fonctionnaire, stagiaire ou non-titulaire) suspendu avait bien commis une faute grave justifiant cette suspension. La suspension est notifiée à l’agent.
La suspension ne rompt pas le lien entre l’agent et l’administration.
L’emploi occupé par l’agent suspendu ne devient pas vacant (même s’il n’a pas un droit à être réintégré à ce poste).
C’est d’ailleurs pourquoi l’article 30 susmentionné prévoit que le fonctionnaire suspendu conserve « son traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires ». Ainsi, à l’exception des indemnités liées à l’exercice effectif des fonctions, l’agent suspendu, réputé en activité, perçoit toujours l’essentiel de sa rémunération.
Dès lors, l’administration dispose de 4 mois (possibilité de proroger ce délai en cas de poursuites pénales) pour saisir le conseil de discipline si l’agent suspendu a la qualité de fonctionnaire. Au-delà des 4 mois, l’agent doit être réintégré.
Si, à l’expiration d’un délai de quatre mois, aucune décision n’a été prise par l’autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l’objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions.
Le fonctionnaire faisant l’objet de poursuites pénales peut être: rétabli dans ses fonctions à l’expiration d’un délai de quatre mois dès lors que les mesures décidées par l’autorité judiciaire ou l’intérêt du service font obstacle à son rétablissement ; s’il n’est pas rétabli, affecté provisoirement sous réserve de l’intérêt du service, dans un emploi correspondant à son grade dont l’occupation est compatible avec les obligations de son contrôle judiciaire; à défaut, détaché d’office à titre provisoire dans un autre corps ou cadre d’emploi pour occuper un emploi compatible avec les obligations de son contrôle judiciaire.
Une procédure souple qui confère de larges pouvoirs à l’administration
Les exigences de forme à respecter dans le cadre d’une procédure de suspension immédiate sont particulièrement légères pour l’administration.
En effet, dès lors que la suspension est considérée comme une mesure provisoire et non comme une sanction (voir, notamment, en ce sens : CE. SSR. 31 mars 1989, M. Polese, n° 64592), la procédure disciplinaire classique n’a pas à être respectée.
Par suite, et assez logiquement, la décision n’a pas à être précédée de la saisine du conseil de discipline (CE, 1er décembre 1967, Sieur Bô, n° 67957, publiée au Recueil) et le principe de la présomption d’innocence lui est étranger (CE. SSR. 30 mars 2011, Centre hospitalier d’Arras, n° 318184).
Elle n’a pas non plus à être motivée (CE. SSR. 7 novembre 1986, M. Edwige, n° 9373, mentionnée aux tables ; CE. SSJS. 8 mars 2006, Mme Marguerite X, n° 262129) même lorsqu’une retenue sur traitement est opérée (CAA Marseille, 17 décembre 2013, n° 11MA00383).
Même si l’obtention d’une affectation est un droit pour un fonctionnaire (voir, notamment, sur ce point : CE. Ass. 11 juillet 1975, Ministre de l’éducation nationale c. Dame Saïd, n° 95293, publiée au Recueil ; CE. Sect. 6 novembre 2002, M. Guisset, n° 227147, publiée au Recueil, concl. J.-H. Stahl, RFDA 2003.984).
Et dans la mesure où la suspension conduit à retirer toute affectation à un agent pendant une période parfois longue (s’il fait l’objet de poursuites pénales), l’absence de motivation apparaît critiquable.
Toutefois, en l’état, et sauf évolution, la motivation ne semble pas exigée par la jurisprudence.
Notons, également, que le délai de quatre mois n’est pas prescrit à peine de nullité de l’action disciplinaire. Ainsi, si une saisine tardive du conseil de discipline est susceptible d’engager la responsabilité de l’autorité de poursuite (CE, 8 juin 2017, n° 390424.)
Elle n’aura aucune incidence sur la régularité de la procédure laissant de fait le fonctionnaire concerné relativement démuni. (CE, 12 février 1988, n° 72309, aux Tables.)
S’agissant d’un recours pour excès de pouvoir, la gravité et la vraisemblance des faits sont appréciées au regard des éléments de faits connus par l’administration à la date de l’édiction de la décision de suspension. Sur ce point et contrairement à la jurisprudence traditionnelle du Conseil d’Etat (CE, 17 mars 1965, Cinelorrain, n° 62596.), les éléments de preuve établis postérieurement à la décision de suspension mais permettant d’établir un état de fait antérieur à celle-ci ne sont pas utilement invocables devant le juge de l’excès de pouvoir. Cette exception se justifie par le caractère conservatoire et donc provisoire des décisions de suspension de fonctions.
Focus sur la suspension concernant un agent en arrêt maladie
L’agent public reste constamment assujetti aux obligations liées à son statut, même en dehors du service.
C’est pourquoi des faits commis alors qu’il est en congé de maladie peuvent donner lieu à une procédure disciplinaire [Conseil d’état n°02499 11 mai 1979, Bernard X].
Dès lors que l’employeur suspend un agent en congé de maladie, la suspension entre en vigueur au terme du congé de maladie. Toutefois, la durée de la suspension est décomptée à partir de la notification de l’arrêté de suspension à l’agent.
À l’inverse, lorsqu’un agent suspendu fournit un arrêt de travail, ce dernier est placé en congé de maladie. Ce placement en congé de maladie met fin à la suspension.
L’employeur peut décider à nouveau de la suspension à l’issue du congé de maladie.
Notons enfin que l’employeur peut faire procéder à tout moment à une contre-visite du fonctionnaire par un médecin agréé. L’intéressé doit s’y soumettre, sous peine d’interruption du versement de sa rémunération
La jurisprudence administrative est relativement fournie, s’agissant par exemple des interactions entre la maladie et la suspension
Par un arrêt en date du 31 mars 2017, le Conseil d’Etat a précisé les modalités d’exécution d’une mesure de suspension dans l’intérêt du service prononcée à l’encontre d’un agent en congé de maladie.( CE, 31 mars 2017, M. Roux c/ Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, n° 388109)
Il rappelle, en premier lieu, qu’une mesure de suspension peut être régulièrement prononcée à l’encontre d’un agent qui bénéficie d’un congé de maladie.
Mais le Conseil d’Etat précise, d’une part, que la mesure n’entre en vigueur qu’à compter de la date à laquelle le congé de maladie prend fin. D’autre part, il indique que cette entrée en vigueur décalée s’applique même lorsque la décision ne la prévoit pas explicitement.
Elle indique, pour finir, que le décompte de la durée de la période de suspension se fait à compter de la signature de la décision qui prononce la mesure de suspension, réduisant ainsi quasiment à néant les effets d’une telle décision.
La conséquence directe de cette précision est qu’en dehors de l’hypothèse de poursuites pénales prévue à l’article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, la mesure de suspension prendra fin de plein droit dans un délai de quatre mois à compter de la signature de la décision de suspension, et non de son entrée en vigueur
Le Conseil d’Etat avait en effet déjà jugé qu’un agent ne peut être suspendu qu’à l’issue de son congé de maladie (CE, 29 octobre 1969, Commune de Labeurvière, publié au recueil Lebon) et que le placement en congé de maladie met automatiquement fin à la mesure de suspension (CE, 26 juillet 2011, M. Bruno A., n° 343837).
Il apparaît pour cette raison que cette jurisprudence est très vraisemblablement applicable à l’ensemble des mesures de suspension conservatoires, alors même que l’arrêt se prononçait en l’espèce à l’égard d’une mesure de suspension prononcée sur le fondement de l’article R. 6152-77 du Code de la santé publique qui prévoit la suspension conservatoire des praticiens hospitaliers, à l’instar de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983.
Le Conseil d’Etat, par ses différentes jurisprudences, fait donc prévaloir le régime protecteur du congé de maladie sur celui de la suspension dans l’intérêt du service.
Pour aller plus loin …
Suspendre un fonctionnaire en lui ôtant son traitement, dans l’esprit des textes & jurisprudences existants, ne peut donc être qu’une sanction disciplinaire prononcée à l’issue d’un processus bien précis. Si vous travaillez dans la fonction publique et que vous commettez une faute, la collectivité ou l’institution qui vous emploie doit respecter une procédure. Et c’est suite à cette dernière que la sanction sera prononcée ou non.
La suspension sans salaire dans la fonction publique telle qu’elle est présentée par la loi du 5 août 2021, a toutes les apparences d’une disposition contraire aux textes nationaux & supranationaux existants…
Enfin, il serait intéressant d’approfondir le cas d’un agent, non vacciné, en arrêt maladie au 15 septembre prochain.
Même si en congés maladie, il reste en statutairement « en activité » et donc soumis aux obligations statutaires (dont la vaccination), les jurisprudences indiquent que cet agent ne pourra être suspendu qu’au terme de son arrêt …..
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Bonjour
Merci pour cette analyse.
Est-ce que l’autorité ne va pas considérer que le défaut de « vaccination » constitue une faute grave?
bonjour,
Qu’en est il des contractuels de la fonction publique ? Parce qu’il y en a un paquet aussi ! Merci pour la réponse.
Autre question juridique : comment se débarrasser légalement d’un fou ?
https://lesjours.fr/ressources/square/people/emmanuel-macron-gilets-jaunes.jpeg
D’abord il faut l’attraper, puis lui passer la camisole de force, puis le vacciner contre « lacovid19 » au cas où (au moins 10 doses car on ne sait jamais) et ensuite on attend que ça se passe : et ça c’est légal puisque c’est ce qui se passe en macronie !
Je travaille à l’AP HP et ne remplit toujours pas à l’injonction de me vacciner, de plus comme je peux toujours aller travailler en montrant ma carte professionnelle mais que la direction nous incite à nous faire tester yous les 3 jours et à nous inscrire sur intranet, quelle mesure disiplinaire risque je si j’y fait défaut? Les cadres refusent de signaler à la direction les noms de ceux qui ne sont pas vaccinés tout comme ceux qui ne font aucun test.
Petite info en passant, on nous demande de remplir un formulaire électronique pour signaler qu’on est vacciné 2 doses (avec preuves). J’en déduis que la médecine du travail ne transmet aucune info si on s’est fait vacciner au travail (secret médical) mais que celui-ci est contourné par notre consentement forcé à le faire par ordinateur à la direction (ou organisme administratif de l’hopital). Cela ressemble étrangement à un consentement par la force d’une menace de sanction si on s’y refuse… alors meme que cela relève du secret médical me semble t-il? Est-ce légal??