Officiellement, tout est fait pour éviter que la crise du coronavirus ne devienne pas une crise générale de l'économie capitaliste. Dans la pratique, les insiders des salles de marché ont de très nombreuses craintes, en particulier sur le "shadow banking", la "finance de l'ombre", qui a prêté à tout-va ces deux dernières années, droguée par les taux bas. On craint désormais des défaillances en cascade d'emprunteurs.
Pour un peu, le coronavirus effacerait la guerre du pétrole à laquelle se livrent la Russie et l’Arabie Saoudite, et qui est la principale cause de la crise boursière qui a fait trembler les marchés cette semaine. Au-delà des conséquences immédiates du confinement dû au coronavirus, les fondamentaux de l’économie sont loin d’être sains. Le poids de l’économie de l’ombre, et les risques pris par les investisseurs gavés de liquidités à bas prix, pourraient bien mettre tout le monde en difficulté.
La crise boursière anticipe-t-elle une crise généralisée du crédit ?
Toute la difficulté tient aux risques pris sur les marchés de produits dérivés, qui échappent à l’intermédiation bancaire. Comme l’ont indiqué les autorités américaines en début de mois, le shadow banking a, ces dernières années, pris d’importants risques financiers, notamment en prêtant à tour de bras à des entreprises en situation plus ou moins saine. Ces entreprises, qui ont accumulé d’importantes dettes, risquent aujourd’hui de se trouver en difficulté pour rembourser leurs échéances.
Les insiders des salles de marché craignent aujourd’hui un effet domino. Le premier emprunteur qui fera défaut risque de créer un mouvement tellurique qui entraînera d’autres faillites à sa suite. Pour ces brokers qui parlent sous le sceau de l’anonymat, la chute en cascade n’est pas à exclure.
La crise de liquidité qui menace les banques
L’angoisse des marchés tient essentiellement à la crise de liquidités qui pourrait naître d’une situation où les trésoreries des entreprises emprunteuses seraient tellement sollicitées et en tension que le mouvement de domino commencerait. D’où les annonces des banques centrales, notamment de la FED, sur l’injection des centaines de milliards de dollars dans les circuits économiques. D’où la proposition de Nicolas Dufourcq, le patron de la BPI, de créer un “pont aérien” de cash à destination des entreprises.
On notera que la situation n’est pas meilleure en Chine. Les autorités publiques viennent d’y annoncer une réduction des exigences de fonds propres pour les banques. Bruno Le Maire avait fait la même chose en France la semaine précédente.
Bref, il s’agit de donner de l’air à tout le monde, et d’éviter la “faillite 0” qui entraînerait les autres derrière elle, comme Lehmann Brothers en 2008. Si cet événement arrivait… le pire surviendrait. Il n’est jamais sûr, mais là, il n’est vraiment pas loin.