Dominique Leclerc revient pour nous sur le cynisme de certains conseillers financiers qui voient dans l'effondrement des places une opportunité de marché.
Les temps de débâcles des marchés sont toujours un temps béni pour écouter les experts et autres stratèges gloser sur la déconfiture financière, (« le bain de sang », « carnage », « chute libre » ) qui accompagne la crise sanitaire que nous vivons.
Les propos de ces rois de l’auto-justification pourraient prêter à sourire s’ils ne concernaient un sujet sérieux : l’épargne de nos concitoyens et un moment grave où chacun est aux prises avec des inquiétudes fortes. Pendant que tonne le canon, c’est le violon qu’ils manient avec un talent digne des frères Capuçon.
Nos oracles le répètent à l’envie : le marché action est un marché de long terme : il l’emporte toujours sur tout autre véhicule d’épargne sur longue période. Cette « sacro-sainte » règle suppose quelques nuances et notamment la question du point d’entrée : a-t-on dit à notre investisseur bon père de famille, dont nos professeurs déplorent le « peu de culture financière » qu’en perdant 50% il ne suffit pas de faire + 50 pour retrouver sa mise, mais 100% : pas de souci on est dans un placement de long terme, on a toute la vie devant soi ! « quoi qu’il en coûte » ?
Rappelons que ceux-ci viennent d’être incités / obligés par leur établissement financier de transférer tout ou partie de leurs avoirs sur les fonds en unités de comptes. Mince, mon point d’entrée début janvier n’est pas top ! C’est pareil sur mon épargne salariale : j’avais arbitré sur la poche action, ce qui m’avait valu d’acquitter quelques frais d’arbitrages…et en plus je prends le bouillon : « un pognon de dingue » qui s’envole !
Comme souvent, la palme revient à Patrick Artus qui dans l’incontournable journal Investir de ce week-end (vous avez bien lu, ce week-end) nous indique : « les actions reviendront cet été à leur niveau d’avant la crise ». Ouf, pas de quoi s’affoler ! Par ailleurs, « les anticipations de repli des bénéfices ne sont que de 3 points alors que les marchés ont flanché de plus de 20% ». C’est technique, je ne suis pas sûr de comprendre mais c’est super rassurant venant d’un gourou visionnaire.
Le directeur de la rédaction François Monnier livre chaque semaine son analyse éclairante. Le titre de son papier est tout en nuance « commencer à acheter ». Lisons la suite : « dans ce mouvement baissier, il pourrait être opportun d’être vraiment plus offensif sur le marché des actions : cela semble effectivement un bon point d’entrée.. ». Il a raison : il faut y retourner vu que suivant ses bons conseils des semaines passées je dispose de liquidités. Seul hic, j’ai tout « brulé » mes économies en suivant à la lettre les conseils de François la Science qui depuis 15 jours m’a dit de « faire les soldes » et de ne surtout pas vendre.
Le conseil de Nicolas Cheron Bink live, le 12 mars (morceau d’anthologie à écouter en boucle sur Youtube) me permet de retrouver le sommeil après quelques nuits agitées : « il faut patienter, il faut méditer l’adage, on achète pas un couteau qui tombe, on attend qu’il se plante ».
BFM business nous offre son lot de contributions particulièrement éclairantes pour l’investisseur moyen. Ne surtout pas s’affoler, fustigeant l’attitude moutonnière des particuliers au risque de subir l’effet « porte de saloon ». Belle formule selon laquelle on perd à la sortie et à l’entrée…on perd quoi d’ailleurs ? les frais de courtage qui viennent s’appliquer à 2 reprises et qui grèvent encore davantage la -contre-« performance ».
Pour Monségur finance, aucun problème : nous avons mis en place des « mandats discrétionnaires » pour nos clients. En clair, on sort au bon moment, on rentre au bon moment. Que n’y ai-je pensé plus tôt ! Christian Fontaine du célèbre hebdo financier le Revenu nous rappelle qu’il avait conseillé de mettre un PIP ! bein oui vous savez bien : un Plan d’Investissement Progressif…
Un commentaire sur BFM bla-bla nous gratifie de ce constat très rassurant « la diversification géographique a bien marché ». Oui voyons : l’Asie est au mieux et les Etats Unis offrent de très belles perspectives à court terme.
Un expert auto proclamé prend de la hauteur : « il faut s’interroger sur la structure de son patrimoine pour réduire la voilure actions ». Il a bien raison, mais a-t-il conscience que la main invisible du marché a bien fait les choses : hourra ! la part actions a baissé dans mon patrimoine, je suis donc parfaitement en ligne avec les conseils de Monsieur Smith.
Heureusement que l’on n’est pas dans la situation de 2008 : les institutions financières sont solides. « Elles ont les poches très profondes, donc pas de collapse ! : la phase de relance est un peu devant nous ! ».
Si la repentance n’est pas de mise, nos perroquets pourraient éclairer quelques sujets :
- Aurait-il été idiot de conseiller de vendre, au moins pour partie, pour une chute des marchés -dont on ne pouvait pas prédire l’ampleur- mais qui couvait : marché haut, arrivée inexorable du corona Virus.
Et une proposition : à l’heure où chacun doit mettre la main à la poche, pourquoi nos solides institutions financières ne proposeraient-elles pas une année blanche de frais de courtage pour leurs clients rincés ? c’est le moment ou jamais de faire œuvre de solidarité.
En guise de consolation, l’investisseur pourra se voir généreusement octroyer un abonnement annuel gratuit au pack littéraire Investir / le Revenu.
Si comme nos amis italiens nous devons chanter confinés devant nos fenêtres, nos beaux parleurs viendront ils chanter de leurs balcons la fameuse chanson de Dalida :
« Parole e parole »