Bercy vient de supprimer le secret sur les coffre-forts. DĂ©sormais, la banque fournira au fisc vos coordonnĂ©es si vous en dĂ©tenez un. Et, dans le cadre d’une enquĂŞte, la justice pourra avoir accès Ă son contenu. Encore une mesure liberticide qui restreint un peu plus l’utilisation du cash… et prĂ©pare le fichage gĂ©nĂ©ralisĂ© de l’argent, au nom, bien entendu, de la lutte contre la corruption.Â
En apparence, Bercy a produit un arrĂŞtĂ© ministĂ©riel abscons, mystĂ©rieux, anodin, purement technique, qui modifie les articles 164 FB et suivants de l’annexe IV du code gĂ©nĂ©ral des impĂ´ts, ce qui ne change pas grand chose Ă la rĂ©alitĂ©. Mais une fois dĂ©codĂ© le texte, on comprend sa portĂ©e : il prĂ©voit tout simplement la fin du secret sur les dĂ©tenteurs de coffre-fort dans les banques. Cet Ă©vĂ©nement est loin d’ĂŞtre anodin dans la vie des Ă©pargnants…
Le secret bancaire réduit à néant
Au nom de la lutte contre le blanchiment, l’Ă©vasion fiscale, et autres prĂ©textes moralement inattaquables, le secret bancaire Ă©tait dĂ©jĂ bien rĂ©duit dans nos “dĂ©mocraties” si habituĂ©es Ă dĂ©noncer les violations de la vie privĂ©e chez les autres pour mieux oublier les leurs. Mais la France, de conserve avec l’Union EuropĂ©enne, vient de franchir une nouvelle Ă©tape dans la “transparence” (de la vie privĂ©e des Ă©pargnants bien sĂ»r, pas dans la prise de dĂ©cision publique) avec cet arrĂŞtĂ© de Bercy qui transpose une directive europĂ©enne, en l’espèce la directive (UE) 2018/843 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative Ă la prĂ©vention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE.Â
Celle-ci, dans ses considĂ©rants, avait avancĂ© que l’anonymat des coffre-forts retardait la lutte contre le terrorisme.Â
Des retards dans l’accès des CRF et des autres autorités compétentes aux informations sur l’identité des titulaires de comptes bancaires et de comptes de paiement ainsi que de coffres-forts, en particulier ceux qui sont anonymes, entravent la détection des transferts de fonds liés au terrorisme.
Directive UE 2018/843, considérant 20 Tweet
L’identitĂ© des dĂ©tenteurs de compte livrĂ©e aux autoritĂ©s
Au demeurant, et forte de ce constat intouchable (puisqu’invoquant la lutte contre le terrorisme), la directive Ă©tait sans ambiguĂŻtĂ© sur les obligations que les États membres devaient transposer en droit national. En particulier, la directive prĂ©voyait clairement, en son article 6 : “Les États membres interdisent Ă leurs Ă©tablissements de crĂ©dit et Ă leurs Ă©tablissements financiers de tenir des comptes anonymes, des livrets d’épargne anonymes ou des coffres-forts anonymes. Ils exigent, dans tous les cas, que les titulaires et les bĂ©nĂ©ficiaires de comptes anonymes, de livrets d’épargne anonymes ou de coffres-forts anonymes existants soient soumis aux mesures de vigilance Ă l’égard de la clientèle au plus tard le 10 janvier 2019 et, en tout Ă©tat de cause, avant que ces comptes, livrets ou coffres-forts ne soient utilisĂ©s de quelque façon que ce soit”.
Il paraissait difficile, dans ces conditions, de ne pas agir…
L’anonymat levĂ© au plus tard avant la première utilisation du coffre-fort
Comme on lit dans la directive, l’anonymat doit ĂŞtre levĂ© avant que le coffre-fort ne puisse donner lieu Ă une utilisation. Cette disposition Ă©carte donc toute possibilitĂ© d’Ă©chapper Ă la mesure et au signalement aux autoritĂ©s. En France, cette disposition entre en vigueur le 1er septembre… Autrement dit, il ne sera plus possible, après cette date, de dissimuler ses avoirs cachĂ©s dans un coffre-fort.Â
Ă€ ce stade, les banques n’ont pas Ă dĂ©voiler le contenu du coffre. En revanche, en cas de contrĂ´le fiscal, le contribuable ne pourra pas dissimuler l’existence de ce coffre, et s’expose Ă des questions très intrusives.Â
Les États membres devraient instituer les mécanismes automatisés centralisés permettant l’identification des titulaires de comptes bancaires et de comptes de paiement ainsi que de coffres-forts au plus tard le 10 septembre 2020.
Directive 2018/843, considérant 53 Tweet
L’argent liquide, de moins en moins possible
Bien Ă©videmment, cette mesure prise au nom de la lutte contre le terrorisme prĂ©sente le mĂŞme avantage que la loi anti-terroriste aux États-Unis : elle ne permettra pas d’arrĂŞter beaucoup d’attentats, ni mĂŞme d’organisateurs d’attentats, mais elle permettra de mettre la main sur des avoirs cachĂ©s par des gens traquĂ©s par le fisc. C’est l’intĂ©rĂŞt de lutter contre le blanchiment et toutes ces choses : on n’est pas bien sĂ»r que tout cela appauvrisse les mafias, mais on est sĂ»r que cela restreigne la libertĂ© d’utilisation de l’argent liquide par monsieur ou madame tout le monde.Â
Progressivement, l’utilisation de la monnaie papier devient impossible ! et c’est autant de chance de mieux surveiller les citoyens ordinaires et de couper tout Ă©chappatoire Ă une fiscalitĂ© dantesque.
Plus que trois mois pour vider votre coffre-fort !
La directive communautaire prévoyait des transpositions au plus tard le 10 septembre. En France, la mesure entrant en vigueur au 1er septembre, il vous reste donc trois mois utiles pour faire le ménage avant le passage du Grand Inquisiteur.
Ă€ bon entendeur…