Les mutuelles d’entreprise devront-elle affronter la mĂŞme bataille que la perte d’exploitation, voire l’assurance automobile ? Selon les dernières informations sur la baisse de consommation durant le confinement, la question risque d’ĂŞtre posĂ©e, surtout dans les grands comptes oĂą l’assurance santĂ© reprĂ©sente un budget non nĂ©gligeable…
Les mutuelles d’entreprise pourraient tout Ă fait vivre la mĂŞme tourmente que la perte d’exploitation. Comme l’annonce le quotidien Les Échos, la consommation de soin donnant lieu Ă remboursement complĂ©mentaire Ă en effet chutĂ© de plus de 75% durant le confinement. Pour les assureurs santĂ©, cet effondrement constitue donc un gain majeur qui risque de ne pas passer entre les mailles du filet. Â
Les mutuelles d’entreprise, poules aux oeufs d’or du coronavirus
Le paradoxe de la pandĂ©mie ne lanque pas d’amuser. Alors que le pays s’est arrĂŞtĂ© pour une raison d’urgence sanitaire, les assureurs santĂ© viennent de s’enrichir brutalement. Pendant huit semaines, en effet, la vie du pays s’est focalisĂ©e sur le virus venu du Chine, et brutalement toutes les autres maladies semblent avoir disparu : plus de crises cardiaques, plus de diabète, plus de jambes cassĂ©es, plus de rages de dents. Â
Sur les grands postes qui coĂ»tent cher, comme les soins dentaires ou l’optique, les assureurs santĂ© ont dĂ©crochĂ© la timbale : la fermeture des cabinets ou des enseignes a permis d’Ă©pargner des sommes considĂ©rables, avec une chute de la consommation proche de 100%… Soit près de 15% prĂ©visibles d’Ă©conomie, au minimum, sur ces postes de dĂ©penses, pour l’annĂ©e 2020.Â
Plus généralement, les remboursements pour des consultations et visites médicales ont reculé d'environ 25 % depuis le 20 janvier, dont un pic à -68 % pour les généralistes et -79 % pour les spécialistes. Dans les deux cas, la dernière semaine d'avril montre une légère remontée de l'activité (autour de -40 %).
Les Échos Tweet
Une bénédiction pour les courtiers gestionnaires
Dans la chaĂ®ne de valeur que constitue la complĂ©mentaire santĂ© d’entreprise (qui gĂ©nère, rappelons-le, un chiffre d’affaires proche des 15 milliards € annuels), un autre type d’acteur devrait Ă©galement tirer son Ă©pingle du jeu : ce sont les courtiers gestionnaires, qui gèrent les contrats et les sinistres pour le compte des assureurs, et dont l’implantation est rarement remise en cause par les clients, mĂŞme en cas de changement d’assureurs. Ceux-lĂ devraient enregistrer une belle progression de leur chiffre d’affaires grâce Ă cet arrĂŞt brutal des maladies en France…Â
Aucun geste commercial annoncé à ce stade
De façon assez miraculeuse, aucun assureur (et aucun courtier gestionnaire) n’a jugĂ© utile d’annoncer un geste commercial Ă ce stade. Pourtant, si l’on admet l’hypothèse que le coronavirus ne permette une modĂ©ration de 10% des sinistres en 2020, on parle tout de mĂŞme d’un petit milliard et demi Ă rĂ©injecter dans l’Ă©conomie. VoilĂ une nouvelle qui mettrait pas mal de beurre dans les Ă©pinards de certaines entreprises, particulièrement dans le commerce, touchĂ©es par la crise. Â
Il s'agira également de connaître l'impact des arrêts de travail sur le secteur de la prévoyance, déjà sous tension cette année du fait de la baisse des taux. Ces arrêts se sont multipliés pendant le confinement, que ce soit pour maladie, pour garder ses enfants ou pour s'occuper d'un proche : leur nombre a progressé de 50 % en mars et de 100 % en avril.
Les Échos Tweet
Vers des actions de groupe ?
Sur ce point, la profession peut donc se fĂ©liciter qu’aucun Que Choisir ou qu’aucun 60 millions de consommateurs ne se soit avisĂ© pour l’instant de pointer du doigt cette petite particularitĂ© qui fait du bien aux comptes de rĂ©sultat des assureurs et des courtiers, mais qui peut soulever certaines difficultĂ©s morales. En effet, pendant que les assureurs dommages refusaient de couvrir les pertes d’exploitation, les assureurs santĂ© continuaient sereinement Ă encaisser les primes de leurs assurĂ©s… Â
Par les temps qui courent, c’est quand mĂŞme un comportement qui risque de susciter pas mal de protestations s’il devait entrer dans le scope de l’opinion publique. On peut se demander quelle sera la rĂ©ponse de la profession face Ă des revendications qui seront lĂ©gitimes.Â
Tenter le coup ou prendre les devants ? L’Ă©ternel dilemme
Pour l’instant, personne n’a rĂ©agi, parmi les assureurs santĂ©, pour proposer un geste de bonne volontĂ©. On comprend le dilemme qui se pose. Le premier qui proposera un geste commercial attirera l’attention du public sur des gains discrets que personne n’a remarquĂ© pour l’instant. Il ouvrirait lĂ un dangereux prĂ©cĂ©dent qui pourrait Ă©veiller des appĂ©tits et des revendications.Â
Dans ces moments-lĂ , il peut ĂŞtre tentant de rester tapi dans l’ombre en brĂ»lant un cierge pour que le pot-aux-roses ne soit pas dĂ©masquĂ©. Cette stratĂ©gie est payante lorsqu’elle fonctionne, c’est-Ă -dire lorsque, par chance, personne ne voit rien. En revanche, une fois qu’elle est dĂ©masquĂ©e… elle coĂ»te beaucoup plus cher Ă endosser.Â