La crise que nous traversons (ou que nous commençons à traverser) est-elle vraiment une crise du capitalisme, comme le prétendent Jean-Luc Mélenchon et ses amis (post)-trotskystes ? Cette rengaine marxiste bien connue (selon laquelle le capitalisme condamnerait le monde entier à entrer dans un cycle infernal d’appauvrissement et de destruction de valeurs) reprend des couleurs avec l’effondrement économique qui découle du confinement et de la pandémie de coronavirus. Petit problème : elle est contredite par les chiffres.
Ah ! la théorie du Grand Soir qui ponctuera la crise du capitalisme… Mélenchon et sa constellation d’amis marxistes ou post-marxistes la ressortent désormais à chaque discours, à chaque meeting, à chaque occasion. Ils reviennent en terrain familier : celui qui transforme le Capital de Karl Marx en prévisions de Nostradamus. Et la suite ne fait aucun doute : rendements décroissants, crise de production, puis soulèvement des prolétaires spoliés contre les actionnaires qui s’enrichissent à coups de plus-values.
Cette ritournelle bien connue présente toutefois une difficulté : elle ne correspond pas à la réalité.
Une crise réelle pour le capitalisme… européen
Le problème de Mélenchon et de ses amis tient à son franco-centrisme, et à cette manière de penser que les problématiques spécifiques à la France ont une portée universelle, dès lors qu’elles nourrissent les fantasmes révolutionnaires marxistes. Ainsi, il est vrai (et nous l’avons illustré rapidement la semaine dernière) que de nombreux “champions” français sont en situation difficile aujourd’hui : Air France, Airbus, Renault, sont quelques exemples d’entreprises en crise profonde.
On retiendra très largement que ces entreprises appartiennent à “l’ancien monde” : celui des industries fondées sur l’énergie fossile, avec un puissant effet carbone dont les conséquences sont au coeur des dénonciations écologiques. Il est donc peu plausible que les années qui viennent ne permettent une “remontada” de ces grands groupes industriels.
En ce sens, on peut parler d’une crise du capitalisme. Mais celle-ci n’est pas due à une décroissance des rendements et une spoliation par les actionnaires (les actionnaires étant d’ailleurs fréquemment des États qui redistribuent les dividendes aux citoyens). Elle est due à une obsolescence du modèle de production : l’automobile, l’avion, ont pu se développer grâce à des modèles de société fondés sur la surconsommation et l’émission de gaz à effets de serre dont on peut penser que leur principe même est relativement condamné à brève échéance.
Et c’est peut-être ici qu’il faut repenser la question de la crise du capitalisme dont Marx parlait. Cette crise est d’abord nourrie par la physionomie technique de sa production et par le caractère peu soutenable de ses effets sur l’environnement collectif. Elle ne l’est pas par le principe de la rémunération du capital, dont Mélenchon et consors oublient régulièrement qu’il correspond à un risque… et que ce risque a une valeur qui dépasse le simple travail de l’ouvrier.
Nous proposons à notre peuple des causes communes. Le capitalisme et le libéralisme sont des systèmes faillis. Nous sommes en rupture avec ces systèmes. #JLMValence #AMFiS2020 https://t.co/DECqmPdkiY pic.twitter.com/McFnn8LSys
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) August 23, 2020
Tout le capitalisme n’est pas en crise
Si ce capitalisme traditionnel traverse un moment difficile, et qui lui sera, à long terme, probablement fatal, il n’en va toutefois pas de même, n’en déplaise aux idéologues de la France Insoumise, de l’ensemble du capitalisme. Il suffit de voir la répartition des résultats semestriels en 2020 pour comprendre qu’une part importante du capitalisme se porte très bien, ne s’est même jamais aussi bien portée, ce qui ruine la théorie d’une crise générale du capitalisme.
On pense tout particulièrement ici à l’ensemble des activités numériques ou de vente à distance, qui ont littéralement explosé dans le monde (même si cet essor est plus marginal en France) à la faveur de la crise. Ainsi, Carrefour a gagné 2 milliards de chiffre d’affaires supplémentaire en quelques semaines grâce au développement fulgurant de ses ventes en ligne pendant le confinement. Ainsi, pendant que le commerce “traditionnel” implosait sous l’effet du confinement, les acteurs de la vente par Internet ont fait d’excellentes affaires.
Insistons sur ces points : même en France, des acteurs de la transformation numérique comme Sopra Steria ou Cap Gemini ont fait d’excellentes affaires durant le confinement. Parler de crise générale du capitalisme ne repose donc sur aucune réalité et procède seulement de la croyance dogmatique dans une lecture religieuse de Marx.
L’exemple d’Apple
Si certains avaient encore un doute sur l’impressionnante vitalité du capitalisme par temps de coronavirus, à rebours de la théorie du capitalisme en crise selon Jean-Luc Mélenchon (qui a, au demeurant, une connaissance théorique des entreprises et du capitalisme lui-même, faute d’avoir un jour travaillé dans la vraie vie), il leur suffit de suivre le parcours boursier du géant américain Apple pour comprendre que le capitalisme est tout sauf en crise. Ainsi, cet été, la valeur en bourse d’Apple a dépassé les 2.000 milliards $. Autrement dit, Apple vaut à peu près une année de produit intérieur brut français, ou encore l’équivalent de la dette publique française. Ou encore plus que le CAC 40 à elle seule.
Faut-il rappeler qu’Apple est entrée en bourse en 1980, quatre ans seulement après sa création ? Comment une entreprise créée il y a moins de 50 ans peut-elle valoir autant qu’une année de richesse nationale française ?
Oser affirmer qu’il existe une crise du capitalisme dans ce contexte, c’est évidemment à la fois manifester sa profonde incompréhension vis-à-vis de la réalité économique, mais c’est aussi montrer sa déconnexion du monde contemporain.
Aujourd’hui, la crise est d’abord sanitaire. Mais nous ne combattons pas seulement un virus. Ce serait faire une erreur de diagnostic. Nous combattons les effets d’un virus sur un modèle politique et économique qui a tout fragilisé, tout détruit et nous a mis en situation de vulnérabilité. Le coronavirus n’était sans doute pas prévisible, mais les conséquences à venir du changement climatique, elles, sont annoncées. Nous aurons demain à faire face à des crises d’une autre nature que celle-ci, mais d’ampleur similaire, voire plus importantes encore.
Adrien Quatennens, interview dans l'Humanité, 8 avril 2020 Tweet
L’émergence d’un nouveau capitalisme numérique
En réalité, le capitalisme n’est pas en crise. Il se transforme en profondeur. Un nouveau capitalisme émerge, avec des géants numériques en parfaite santé, face à un ancien modèle dont l’épidémie de coronavirus accélère la disparition. Il ne faut donc pas parler de crise du capitalisme, mais d’émergence du capitalisme numérique.
On ne lira pas autrement le poids colossal des GAFAM que nous appelons régulièrement l’hyper-capital. Jamais en effet dans l’histoire, si peu d’entreprises n’avaient pu acquérir autant de richesse en aussi peu de temps. Et la première originalité de cet hyper-capitalisme numérique qui se dessine est là : elle tient à l’extrême concentration de richesses et l’extrême rapidité de cette concentration sur lesquelles il se fonde.
Une autre caractéristique de cet hyper-capitalisme tient au fait que la valeur qu’il produit ne repose plus sur une spoliation des producteurs (des prolétaires en langage marxiste), mais sur la captation de leur intermédiation. Autrement dit, l’argent des GAFAM ne vient pas d’une commission prise sur le travail, mais d’une commission prise sur les ventes. Ce n’est pas exactement la même chose. Et nous y reviendrons sans doute.
L’effondrement du capitalisme de la plus-value
Pour formuler cette évolution autrement, on dira que l’hyper-capitalisme des GAFAM ne repose plus sur la captation de la plus-value par le capitaliste. Par exemple, Amazon ne s’enrichit pas grâce au travail de ses ouvriers qui produiraient les marchandises vendues sur le site. Amazon s’enrichit en proposant aux producteurs de vendre leurs produits partout dans le monde, et en se rémunérant sur cette vente.
La création de valeur dans ce nouveau capitalisme est donc d’une nature différente. Elle enrichit l’intermédiaire, le commerçant, qui, en quelque sorte, se passer complètement d’ouvriers pour déployer son activité.
Cette évolution montre bien qu’il n’y a pas de crise du capitalisme en soi (les levées de fonds continuant d’ailleurs à porter sur des milliards et des milliards $). En revanche, il y a bien une crise du capitalisme de papa, où un patron cherchait à produire des bénéfices grâce au travail de dizaines de milliers d’ouvriers ou d’employés. L’hyper-capitalisme numérique, lui, se porte bien. Merci pour lui ! Et sa bonne santé est “accélérée” par la crise du confinement.
Prendre Apple comme exemple du dynamisme du capitalisme occidental me semble pour le moins hardi avec un PER de plus de 38, j’ai plutôt l’impression que cette valorisation est liée à la création d’une bulle monétaire créée par la BCE et la FED. Dans la même veine nous avons un PER de plus de 226 pour Tesla qui ne fait que démontrer l’appétit mortifère des marchés, plutot que la magnifique rentabilité d’une entreprise qui l’est à peine…. Tout cela ne montre pas le dynamisme du capitalisme. En revanche, que les labos privés de la planète aient pu séquencer le Covid en moins d’un mois et se mettre au job pour trouver un vaccin en moins de trois me semble être un exemple plus parlant (même si la démarche a été phagocytée et pervertie par le politique…). Les progrès liés au capitalisme sont ailleurs….
Très belle analyse qui offre un éclairage intéressant sur cette économie numérique émergente dont elle n’épuise cependant pas pour autant tous les ressors, ni toutes les faiblesses structurelles ! Si sa vitalité – telle qu’appréciée de manière excessivement optimiste sur la base d’indicateurs trompeurs comme les cotations spectaculaires qu’elle produit aujourd’hui – semble effectivement due à l’émergence de processus de captation de valeurs et de monétisation de données au travers de mécanismes dont la durabilité peut être mise en doute en regard de l’évolution du corpus de droit qui s’y attachera et de la fluctuation probable des comportements des agents économiques devant les défis éthiques et démocratiques considérables qui en résulte, les risques systémiques qu’elle génère, liés notamment à la création de nombreuses bulles monétaires comme le souligne Alecton (et dont certaines commencent à imploser) conduisent les instances de régulation, et notamment les Etats, à adopter des comportements erratiques qui altèrent gravement la confiance des usagers, des citoyens, des consommateurs ou des investisseurs ! La gestion ubuesque par nombre d’Etats de cette pandémie, si elle a accéléré son déploiement, a en même temps suscité des prises de conscience massives des dangers pour les démocraties libérales et les Etats de droit devant cette puissance démesurée des entreprises technologiques capables d’imposer leurs choix et leurs décisions les plus controversées aux acteurs publics impuissants ! Nombre d’observateurs ont relevé que la panique des Etats alliée à leur incompétence à anticiper, à prévenir et à gérer avec l’efficacité nécessaire, de manière solidaire, les impacts économiques, sociaux, éthiques, sociétaux de cette crise pandémique aux impacts létaux en réalité ridicule, et la fumée médiatique entretenue à dessein, ont favorisé en même temps que l’affaiblissement de pans entiers de l’économie réelle traditionnelle, l’occultation de la nouvelle crise financière systémique que ces implosions ont d’ores et déjà initiée ! Comment ne pas s’interroger sur les motivations profondes d’une Allemagne réticente jusqu’ici à mutualiser ses dettes avec celles de pays peu vertueux à en accepter in fine le principe si ce n’est pour anticiper et prévenir la faillite de sa propre économie soumise à la forte vulnérabilité de ses banques systémiques autant qu’à une fragilité de l’euro amplifiée par les décisions de la BCE ? De nombreuses décisions inacceptables prises par l’Etat (comme le transfert des données de santé à Microsoft par la ministre de la santé Buzyn), ou par la BPI, tendent à susciter des interrogations forte sur la responsabilité des institutions publiques nationales et européennes dans ce déréglement brutal de l’économie de marché sans garde-fous ! Comment ne pas s’interroger plus avant sur les motivations de la Cour constitutionnelle allemande à cet égard, ainsi que sur les arrêts récents de la Cour de justice de l’UE à l’égard des transferts de données vers les USA ? Un incendie a été allumé qui tend à embraser toute la planète ! Le phoenix renaitra-t-il de ses cendres ?
J’invite l’auteur à aller sur le site des climato-réalistes pour constater que le réchauffisme d’origine anthropique est une supercherie dont l’objectif est de terroriser le contribuable pour le spolier avec son consentement.
Si on devait résumer les choses de façon simple et imagée, on pourrait dire que la France est malade de la gauchiasserie. C’est une maladie très grave et peut-être incurable, malheureusement !
Quand les gros maigrissent les maigres meurent. L’humour est nécessaire pour comprendre la situation= Une personne demande à son médecin quand va s’arrêter la pandémie et le médecin répond , je ne sais pas, je ne suis pas journaliste.
“Je conseille donc aux chercheurs de trouver un vaccin contre la peur”
Nous avons hérité d’un paradis gratuit, Les dirigeants français en particulier dans ce monde en ont fait un enfer payant , ce n’est pas la faute du capitalisme mais d’un état obèse.
Très bonnes études de cas de la part de Jean Pierre Chevalliez pour les entreprises Tesla et Apple :
https://chevallier.biz/tesla-2-trimestre-2020/
https://chevallier.biz/apple-2-trimestre-2020/