La déflation qui prend forme en Europe est-elle vraiment négative et toxique ? On voit bien qu’elle tourmente les esprits brillants de la BCE et qu’elle s’inscrit en faux contre le mandat de cette banque, confié par les traités, qui fixent l’inflation souhaitable dans l’Union à 2% annuels. Mais la déflation pénalise-t-elle tant que cela l’économie ?
La déflation est le vieux serpent de mer des économistes classiques. Elle suscite leurs angoisses parce qu’elle survient quand la demande est structurellement inférieure à l’offre. Les producteurs sont alors obligés de produire de moins en moins pour éviter de devoir en permanence baisser leurs prix pour vendre.
Cette spirale déflationniste se traduit donc par une baisse permanente de la production, donc des revenus, donc de la demande. En ce sens, elle est jugée synonyme d’une dépression économique profonde.
La debt-deflation d’Irving Fischer
« Mais, en pratique, la sur-production
générale, telle que les gens l’imaginent, n’a jamais été, pour autant que je l’ai découvert, une cause majeure de grand déséquilibre. Le fondement, ou un des fondements, de l’idée commune de la sur-production est de confondre une pénurie de monnaie pour un excès de biens. «
Irving Fischer et le sur-endettement
J’avance l’opinion, sujette à correction ou à
la soumission de preuves à venir, que, dans les grands booms et dépressions, chacun des facteurs nommés ci-dessus, a joué un rôle de second plan en comparaison de deux facteurs dominants, à savoir en premier le sur-endettement et, suivant tout de suite après, la déflation.
La déflation n’a-t-elle que des effets néfastes ?
Mais cette aversion des économistes officiels pour la déflation est-elle vraiment fondée ? Une première réponse consiste en tout cas à affirmer que la déflation survient d’ordinaire lorsque les ménages augmentent leur taux d’épargne (ce qui est le cas aujourd’hui) et consomment moins.
De ce point de vue, on peut considérer que la déflation s’inscrit plutôt dans un mouvement de l’histoire, accéléré par le coronavirus. La tentation de la décroissance, qui habite une part grandissante de l’opinion, a en effet la baisse des prix comme corollaire. On peut même considérer qu’une fois l’écologie devenue la doctrine économique dominante dans nos pays, nous vivrons une crise permanente de surproduction qui se traduira par une longue phase déflationniste.
Déflation et patrimoine
La déflation produit des effets très discutables sur le patrimoine financier et immobilier. D’une manière générale, la question n’est pas de savoir si la valeur du patrimoine baisse avec la déflation, mais si elle baisse ou non plus vite que l’ensemble des prix ou des revenus.
Sur ce point, la combinatoire du rendement peut s’avérer beaucoup plus profitable aux détenteurs du patrimoine que l’inflation. N’oublions pas que le 20è siècle a ruiné les rentiers à force d’inflation galopante…
La déflation selon Hulsmann
Entendue comme contraction de la masse monétaire, la déflation rend impossible à un gouvernement le remboursement des dettes publiques. Il sera ensuite pendant un certain temps impossible au gouvernement d’obtenir de nouveaux crédits.
Déflation et chômage selon Hulsmann
Le chômage involontaire ne peut survenir pendant une déflation que si ce dernier est combiné avec les lois du salaire minimum qui empêchent le travailleur d’offrir ses services à des taux inférieurs. De toute évidence ce chômage ne résulte pas de la déflation, mais de la législation sur le salaire minimum, qui porte atteinte à la liberté d’association.
Déflation et niveau de vie
Pour l’ensemble des consommateurs, la déflation n’est pas non plus forcément une mauvaise nouvelle. Une baisse des prix équivaut en effet à une amélioration nette du niveau de vie. Elle permet d’augmenter le pouvoir d’achat tout en baissant les salaires.
Loin de constituer une difficulté sociale, elle est au contraire vécue comme une bénédiction, dans la mesure où elle se traduit par une baisse des prix sur les produits de première nécessité.
La déflation a un impact négatif sur l’offre, mais elle est plutôt favorable à la demande… la baisse des prix constituant en réalité une réponse de l’offre à l’insuffisance de la demande. Pour le climat social, elle ne serait donc pas une si mauvaise nouvelle.