L’affaire des Macronleaks est désormais pour ainsi dire oubliée en France, dès le début disqualifiée comme un montage russe totalement mensonger. Curieusement, la justice française n’a d’ailleurs procédé à aucun acte particulier dans ce dossier, alors que d’autres incriminations bien plus légères concernant Emmanuel Macron ont fait l’objet d’enquêtes diligentes. Le Monde vient de publier un important article détaillant l’origine américaine de ces fuites. Avant de soutenir contre tout bon sens que toutes les pistes ramènent à la Russie. Ou comment fabriquer de toutes pièces une rumeur absurde.
Qui est à l’origine des Macronleaks? Une rumeur tenace a souvent soutenu que l’opération avait été orchestrée par Vladimir Poutine et des services russes. L’ingérence russe dans les campagnes électorales est d’ailleurs une tarte à la crème qui sert de support à de nombreux projets liberticides pour museler la presse.
Un article du Monde dissipe pourtant le malentendu et explique les Macronleaks tout autrement.
Les Macronleaks et l’extrême droite américaine
L’extrême droite américaine est, selon le Monde, à l’origine des Macronleaks, tout particulièrement sous l’impulsion d’un certain “Weev”.
c’est « Weev », l’alias d’Andrew Auernheimer, militant et hacktiviste néonazi qui s’est fait connaître pour de nombreux coups d’éclat en ligne, et contributeur régulier du site néonazi The Daily Störmer.
Selon le mouvement antifasciste the Unicorn Riot, Weev et les suprémacistes blancs ont laissé des traces sur le serveur de Discord prouvant qu’ils ont orchestré l’opération des Macronleaks. Rien à voir, donc, avec la Russie, en tout cas au premier chef.
Comme le note Le Monde, ces informations ne sont pas nouvelles et
confirment notamment l’implication directe, déjà révélée en 2017 par Le Monde, des contributeurs du Daily Stormer dans la publication et la diffusion de faux documents accusant Emmanuel Macron de disposer d’un compte bancaire secret aux îles Caïmans. Une première version de ces faux grossiers est d’abord apparue en ligne le 3 mai, jour du traditionnel débat télévisé d’entre-deux-tours, sous la forme de photographies publiées sur le forum anonyme 4Chan. Deux jours plus tard, des versions en plus haute définition des mêmes documents apparaissaient sur le même site.
Dès les élections présidentielles, l’origine américaine du Macronleaks avait déjà été pointée par Le Monde.
Le Monde et la galaxie suprémaciste des Macronleaks
On laissera ici le lecteur détailler les interventions, données par le Monde, des suprémacistes américains dans la campagne électorale française. On y découvre une galaxie de mouvements très attachés à la défaite d’Emmanuel Macron, comme ce William Craddick, “un mystérieux Américain qui, toute la semaine, a semblé avoir un temps d’avance sur tout le monde concernant la publication des documents attaquant la campagne d’Emmanuel Macron”.
Ou encore Chuck Johnson, impliqué dans les révélations sur Hillary Clinton.
Ou encore Jack Posobiec, “un activiste d’extrême droite qui a été, en 2017, le plus efficace diffuseur du « Macrongate » puis des « MacronLeaks » sur Twitter”.
Ou encore “Nathan « Fashy Haircut » Damigo, un contributeur du Daily Stormer, qui fut l’un des premiers à diffuser ces mêmes documents sur les réseaux sociaux en 2017.”
Comme le note Le Monde:
Les documents d’Unicorn Riot, comme l’analyse des horaires de publication et la distribution des messages, montrent qu’un petit groupe de militants d’extrême droite a réussi à accélérer considérablement la diffusion des documents du « Macrongate », et est très fortement suspecté d’avoir créé de toutes pièces la version haute définition des documents.
Autrement dit, le Macronleaks serait une pure fabrication américaine.
Les suprémacistes et Donald Trump
Au passage, comme le note Le Monde, le fameux Jack Posobiec semble tourner dans la galaxie la plus obscure qui entoure Donald Trump, ce qui donne quelques indices sur l’intentionnalité politique de la campagne menée contre Macron.
« La première fois que j’ai vu Jack Posobiec, c’était à une manifestation organisée par [le théoricien du suprémacisme blanc] Richard Spencer. Chuck Johnson aussi est proche de Richard Spencer. Et Nathan Damigo est le fondateur d’Identity Europa, le groupe qui s’est dissous après [la manifestation d’extrême droite de] Charlottesville. Tous sont aussi proches du conseiller de Donald Trump Roger Stone, et du sénateur ultraconservateur de l’Alabama Roy Moore : quand Roger Stone a été jugé, Jack Posobiec était là, au tribunal, pour le soutenir. »
On peut inférer de ces propos tenus par le fondateur de l’organisation américaine One People Project qu’il existe, dans l’entourage de Donald Trump, des zones d’ombre, c’est-à-dire des conseillers ou des personnages liges qui fricotent avec des milieux interlopes. Ceux-ci doivent être un vivier de mercenaires pour servir discrètement de bonnes causes.
Les étranges dénis antirusses du Monde
Comme pour faire contrepoids à cet article documenté qui étaie les affirmations déjà proférées par Le Monde dans les mois précédents, selon lesquelles le Macronleaks serait d’origine entièrement américaine, les mêmes auteurs de l’article publient, dans les mêmes colonnes et à peu près à la même heure, un autre article intitulé:
« MacronLeaks » : presque toutes les pistes mènent à l’Est
On notera la sémantique ici. Alors que les auteurs se sont évertués à montrer que, dans tous les cas, l’extrême droite américaine a fomenté des révélations et a assuré leur divulgation sur Internet, le quotidien précède ces explications d’un article générique affirmant que “presque toutes les pistes” remonteraient “à l’Est”, c’est-à-dire au méchant Poutine.
Comme s’il fallait, avant d’impliquer des personnages dont certains pourraient graviter autour de Donald Trump, répéter le catéchisme antirusse des élites françaises pour pouvoir être pris au sérieux.
La recherche du moindre indice anti-russe
Comme Le Monde, possédé notamment par Xavier Niel, dont on sait qu’il a soutenu la candidature d’Emmanuel Macron dès les premières années du mandat de François Hollande, ne peut se permettre de dissoner avec Emmanuel Macron en n’affirmant pas que Poutine est à l’origine de toutes ces turpitudes, l’article sur “presque toutes les pistes mènent à l’Est” multiplient les sous-entendus qui contre-balancent étrangement les affirmations catégoriques sur l’intervention américaine. On lira ainsi dans l’article en cause les phrases suivantes:
Le directeur de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), Guillaume Poupard, le reconnaissait très franchement en 2017, quelques jours après la publication des courriels d’En marche ! : « Sur la base des éléments techniques, il n’est pas possible de dire “c’est forcément un Etat, c’est manifestement un groupe criminel”. Ça peut vraiment être n’importe qui – ça pourrait même être un individu isolé » (…).
Parmi les milliers de documents, neuf fichiers Excel portent les traces informatiques d’une modification réalisée par un certain « Рошка Георгий Петрович », Rochka Georgiy Petrovitch. Que vient-il faire dans des documents comptables austères de la campagne d’Emmanuel Macron ? S’agit-il d’une ingénieuse fausse piste ou d’un véritable indice, laissé par un pirate qui aurait oublié de faire le ménage ? (…)
Il est cependant impossible d’établir, sur ce seul élément, que le GRU est responsable du piratage d’En Marche ! Le mode opératoire – l’aspiration de boîtes mails suivie de leur publication – ressemble cependant en tout point à une opération de l’unité 26 165, qui a reçu, dès 2016, l’ordre de s’intéresser aux serveurs du Parti démocrate américain et a récupéré les courriels des Clinton publiés sur WikiLeaks. (…)
Mais le piratage a aussi pu être commis par un groupe criminel, qui pourrait avoir vendu son butin aux services russes. D’autres éléments techniques retrouvés par Le Monde pointent vers cette piste. (…)
Par ailleurs, « les groupes criminels font souvent appel à des “prestataires” spécialisés, par exemple pour l’envoi de courriels piégés ». Remonter la piste est d’autant plus compliqué qu’une partie des preuves ont disparu. Mais ces courriels piégés prouvent que des membres de l’équipe d’En marche ! ont été ciblés de manière délibérée. (…)
Bref, alors que Le Monde apporte des preuves sans nuance sur le rôle des suprémacistes blancs dans l’affaire des Macronleaks, il s’emploie dans le même temps à brouiller les pistes en déployant un étrange nuage d’hypothèses sur une implication russe dont on ne sait si elle met en jeu des groupes criminels ou les services d’espionnage.
On voit bien l’intention ici de mener un travail objectif (qui désigne sans incertitude les suprémacistes blancs américains) sans froisser le pouvoir qui a désigné la Russie comme la coupable (sans que personne ne puisse, et pour cause, apporter de preuve sur ce point).
Et si l’on rompait le tabou de l’intervention américaine dans les élections françaises
A la lecture des éléments apportés par Le Monde, une question se fait jour: et si, sans animosité, sans naïveté et sans candeur, nous nous interrogions clairement sur la stratégie américaine en France, déjà évoquée en son temps par Wikileaks (qui avait montré que les services américains investissaient les banlieues françaises et n’hésitaient pas à y soutenir des associations musulmanes).
On rappellera ici qu’Emmanuel Macron prend de nombreuses positions hostiles aux intérêts américains. Une déstabilisation du Président peut donc toujours servir à quelque chose.