Plus personne ne comprend rien au déficit budgétaire français, si ce n’est qu’il devrait exploser en 2019 avec le parfait consentement des institutions européennes (et le soutien discret mais réel de la BCE). Entre la modification des rythmes de recettes due au prélèvement à la source et la prestidigitation du CICE transformé en baisse pérenne de cotisations, il est difficile de s’y retrouver. Et Bercy joue allègrement sur ce flou pour dissimuler les fortes augmentations de dépenses de l’Etat, bien plus rapides que l’inflation… La technostructure reprend le pouvoir.
Le déficit budgétaire est désormais une patinoire où tout le monde glisse allègrement et parfois chute. Les informations données par Bercy reflètent parfaitement ce flou général. Voici par exemple le contenu d’une dépêche Reuters sur le sujet:
Le déficit du budget de l’Etat français s’est établi à 83,9 milliards d’euros à fin mai, en hausse de 28,8 milliards par rapport à la même période un an plus tôt (55,1 milliards), selon les données publiées mardi par le ministère de l’Action et des Comptes publics.
Au 31 mai, les dépenses (budget général et prélèvements sur recettes) s’établissaient à 171,2 milliards d’euros contre 164,7 milliards un an plus tôt, soit une hausse de 3,9% par rapport à la fin mai 2018.
Dans le détail, les dépenses du budget général ont progressé, s’établissant à 148,1 milliards d’euros contre 143,0 milliards un an plus tôt – une évolution résultant “principalement de décalages calendaires et de la revalorisation de la prime d’activité” d’après le ministère – tandis que les prélèvements sur recette ont augmenté de 1,2 milliard d’euros en un an, à 23,0 milliards d’euros (+5,8%).
Fin mai, les recettes du budget général (nettes des remboursements et dégrèvements) s’élevaient quant à elles à 109,8 milliards d’euros, contre 132,6 milliards à fin mai 2018, soit un recul de 17,2%.
Les seules recettes fiscales nettes ont diminué de 16,7%, à 106,1 milliards. Elles s’inscrivent en retrait de 22,1 milliards d’euros sur un an, sous l’effet notamment de la mise en oeuvre du prélèvement à la source qui modifie le rythme infra-annuel des décaissements et des encaissements d’²impôt sur le revenu”, souligne le ministère.
Les recettes de l’impôt sur le revenu chutent de 37,1%, à 25,6 milliards d’euros, contre 40,7 milliards un an plus tôt, sachant que l’an dernier, les deux premiers tiers provisionnels avaient été encaissés en février et en mai. (…)
Les recettes de TVA ont reculé de 8,4 milliards par rapport à la fin mai 2018 (-13,1%, à 55,9 milliards d’euros), sous l’effet de la hausse des transferts de l’Etat à la Sécurité sociale pour compenser les allègements de cotisations sociales.
A fin mai, le solde des comptes spéciaux était déficitaire de 22,5 milliards d’euros contre 22,9 milliards un an plus tôt.
En 2018, le déficit de l’Etat s’est élevé à 76,1 milliards d’euros, après 67,7 milliards en 2017.
Pour 2019, la loi de finances votée fin décembre l’anticipe en hausse, à 107,7 milliards d’euros, notamment sous l’effet de l’impact de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi (CICE) en baisse de charges pérenne, dont le coût cumulé devrait avoisiner 20 milliards d’euros pour cette année de bascule.
Bref, dans ces mouvements de ligne permanent, une seule certitude est acquise: en fin d’année, le déficit de l’Etat dépassera allègrement les 100 milliards, chiffre jamais atteint jusqu’ici. Et la France n’est pas près de réformer ses dépenses publiques avec l’argent facile de la BCE.