L’amendement sur l’avantage fiscal à l’huile de palme, adopté avec l’avis favorable du gouvernement, puis rejeté malgré l’avis favorable, fait couler beaucoup d’encre et de salive. Tout le monde a bien compris qu’il résultait d’une action très engagée de Total qui, pour mémoire, devait en retirer un avantage fiscal annuel d’environ 80 millions d’euro. Dans les coulisses du dossier, on note que Total n’a pas lésiné sur les moyens pour défendre ses intérêts auprès des parlementaires.
Combien a coûté l’adoption de l’amendement parlementaire restaurant l’avantage fiscal à l’utilisation de l’huile de palme dans la fabrication d’un biocarburant? Il est évidemment impossible de chiffrer l’ensemble de l’engagement de Total dans cette affaire. L’obtention du soutien du gouvernement a au minimum supposé une série de réunions et d’entretiens en coulisses dont le coût exact (ne serait-ce qu’en temps de préparation) ne sera jamais dévoilé, faute d’une transparence sur la « préparation des actes administratifs », jugée secrète par la jurisprudence du Conseil d’Etat.
En revanche, certaines actions peuvent être chiffrées. Grâce aux publications de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique, dont le fonctionnement est pourtant loin d’être satisfaisant, on sait à peu près comment Total, depuis 2017, intervient auprès des décideurs, parlementaires ou non, pour ses différentes actions d’influence.
Dans le cas du maintien de « la fiscalité applicable aux biocarburants produits à partir de tous types d’huiles végétales », Total reconnaît avoir organisé des discussions informelles (entendez par là des déjeuners, probablement des dîners voire des séjours confortables dans des hôtels de luxe), des réunions en tête à tête, mais aussi avoir distribué des notes et des propositions d’amendement. En outre, Total reconnait avoir nourri une correspondance notamment par mail avec les personnes concernées.
On s’arrêtera volontiers sur les cibles de cette intervention. Total indique que son action d’influence a touché le titulaire d’un emploi à la discrétion du Gouvernement (on aimerait savoir qui, du coup), mais aussi cette impressionnante liste que nous reproduisons :
- Collaborateur du Président de la République
- Député ; sénateur ; collaborateur parlementaire ou agents des services des assemblées parlementaires
- Membre du Gouvernement ou membre de cabinet ministériel – Premier ministre, Economie et finances, Environnement, énergie et mer
Total est donc intervenu à l’Elysée, et auprès du Premier Ministre. La formulation de la liste est suffisamment ambiguë pour ne pas exclure une rencontre directe avec Edouard Philippe.
Au passage, on notera que l’influence directe de la seule Total SA auprès des pouvoirs publics coûte environ 2,5 millions d’euro par an.