Yazdan Yazdanpanah, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Bichat, est chargé de coordonner les tests sur les traitements contre le coronavirus pour la France. C'est un sujet qu'il connaît bien, puisqu'il dirige le "consortium Reacting", encadré par l'INSERM, en charge de ces recherches. Et, accessoirement, le même Yazdapanah est financé à titre personnel par les laboratoires dont il teste les médicaments.

Yazdan Yazdanpanah devient, à son corps dĂ©fendant, une personnalitĂ© publique depuis qu’il est chargĂ© de coordonner les essais cliniques sur les traitements susceptibles de lutter contre le coronavirus. Et comme toujours, quand on est connu de tout le monde, c’est pour le meilleur comme pour le pire.Â
Yazdan Yazdanpanah, le réfugié iranien devenu célébrité
Pour avoir des dĂ©tails sur le très discret Yazdan Yazdanpanah, il faut se plonger dans la presse quotidienne rĂ©gionale. Car cet adolescent arrivĂ© d’Iran en pleine rĂ©volution islamique ne s’Ă©panche guère sur sa vie privĂ©e. On sait juste qu’il est arrivĂ© Ă 13 ans, quelque part dans le Nord de la France, et qu’il est devenu mĂ©decin Ă Lille.Â
C’est en 2011 qu’il arrive Ă Paris Ă l’hĂ´pital Bichat, en lien Ă©troit avec l’INSERM dont Yves LĂ©vy n’est pas encore le directeur gĂ©nĂ©ral.Â
Dès cette Ă©poque Yazdanpanah se consacre Ă la recherche sur le SIDA, qui lui vaut des relations Ă©troites avec des laboratoires amĂ©ricains engagĂ©s sur le mĂŞme domaine.Â
« Toujours sur le mĂŞme domaine de la recherche sur le sida. Ce qui change, c’est la diffĂ©rence de taille de l’Ă©tablissement, entre Bichat et Tourcoing. Ce n’est plus un fonctionnement en famille. »
Une carrière menĂ©e en partie Ă l’INSERM
Yazdanpanah est passĂ© Ă la tĂŞte du service des maladies infectieuses de l’hĂ´pital Bichat, Ă Paris, au dĂ©but des annĂ©es 2010. Mais cette carrière s’est faite tout en menant une progression Ă l’INSERM, notamment sous la prĂ©sidence d’Yves LĂ©vy, qui a fait de lui le directeur du programme Reacting. Ă€ ce titre, Yazdanpanah oeuvre avec le comitĂ© scientifique de Reacting, prĂ©sidĂ© par une figure que l’on retrouve Ă©galement dans l’affaire du coronavirus : Jean-François Delfaissy.
Voici comment Reacting est prĂ©sentĂ© sur le site de l’INSERM :Â
L’Inserm et ses partenaires d’Aviesan ont mis en place REACTing, un consortium multidisciplinaire rassemblant des équipes et laboratoires d’excellence, afin de préparer et coordonner la recherche pour faire face aux crises sanitaires liées aux maladies infectieuses émergentes.
On comprend donc que Yazdan Yazdanpanah est aujourd’hui le leader de la lutte institutionnelle contre les maladies infectieuses telle qu’elle est conçue par l’INSERM et ses obligĂ©s.Â
Les laboratoires qui financent Yazdanpanah
L’excellence (mais aussi l’influence) de Yazdanpanah explique que les laboratoires amĂ©ricains s’intĂ©ressent Ă lui et lui attribuent des crĂ©dits, Ă titre personnel, qui ne sont pas nĂ©gligeables. Nous reproduisons ci-dessus la synthèse des sommes qu’il a dĂ©clarĂ©es, Ă titre personnel insistons-y (c’est-Ă -dire hors des interventions dont les laboratoires oĂą il a travaillĂ© ont pu bĂ©nĂ©ficier de la part des mĂŞmes laboratoires).
On s’aperçoit qu’entre 2012 et 2019, Yazdanpanah a officiellement 133.000$ en plus de son salaire, versĂ© par des laboratoires. Il s’agit donc d’une somme proche de 1.500€ mensuels.Â
Les principaux laboratoires qui l’ont financĂ© sont : MSD, Johnson & Johnson, AbbVie, Viiv Healthcare, Pfizer, Gilead et Bristol-Myers Squibb.
On Ă©pinglera d’emblĂ©e la nationalitĂ© de ces laboratoires :Â
- MSD (ex-Merck) : USA
- Johnson & Johnson : USA
- AbbVie : USA
- Viiv Healthcare : UK
- Pfizer : USA
- Gilead : USA
- Bristol-Myers : USA
Ce tableau se passe de commentaires… Dans la stratĂ©gie de lobbying auprès des chercheurs, les places sont trustĂ©es par les laboratoires amĂ©ricains, et les Français n’ont pas leur place.Â
AbbVie et le coronavirus
Tout le monde a notĂ© que, depuis 2012, AbbVie avait versĂ© près de 25.000$ Ă titre personnel Ă Yazdan Yazdanpanah. Il se trouve qu’AbbVie est la sociĂ©tĂ© de recherche créée en 2012 par Abbott. Et il se trouve qu’Abbott commercialise le Kaletra, inhibiteur de protĂ©ase utilisĂ© avec le ritonavir comme anti-viral dont la molĂ©cule s’appelle le le lopinavir. Et il se trouve que cette association de molĂ©cules est actuellement testĂ©e dans le cadre de l’essai clinique Discovery pour lutte contre le coronavirus.Â
Peut-ĂŞtre peut-on imaginer que la coordination des essais cliniques par Yazdanpanah financĂ© par AbbVie dĂ©bouchera sur une validation de l’efficacitĂ©, peu ou prou, du traitement proposĂ© par AbbVie?
Dans tous les cas, l’association des subventions et de l’examen des rĂ©sultats cliniques soulève des questions dĂ©ontologiques.
Gilead et le coronavirus
Nous avons Ă©voquĂ© hier le poids de Gilead dans la recherche contre le coronavirus et son implication dans le capitalisme français. Rappelons ici que Gilead produit le Redemsivir, dont les actionnaires de l’entreprise espèrent 2,5 milliards $ de revenusÂ
Le Redemsivir fait partie des molĂ©cules testĂ©es dans le cadre de l’essai Discovery (voir la citation plus haut…).
LĂ encore, qu’une coordonnateur d’essais cliniques soit, mĂŞme Ă hauteur de 3.000 $ sur 7 ans, Ă titre personnel, financĂ© par le laboratoire dont il est chargĂ© d’Ă©valuer la molĂ©cule, voilĂ qui pose problème.
Limites de ces questions de financements personnels
Il est important ici d’apporter une limite mĂ©thodologique aux remarques faites plus haut. Le fait qu’un chercheur universitaire perçoive 3.000 $ ou € en 7 ans de la part d’un laboratoire ne suffit pas Ă oblitĂ©rer son esprit critique ni sa capacitĂ© de jugement. En revanche, on peut penser que l’existence de liens financiers entre un laboratoire et la personne chargĂ©e de l’Ă©valuer modifie la relation d’Ă©valuation.Â
In fine, la question qui est posĂ©e est celle des relations complexes et soutenables entre la recherche publique et l’intervention des laboratoires. Le service public est peut-ĂŞtre moins innocent et impartial qu’il ne paraĂ®t.Â
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