La semaine dernière, j’ai déjeuné avec un ami qui appartient à la corporation des promoteurs immobiliers. J’envisageais de lui acheter un bien, et j’ai beaucoup apprécié les efforts qu’il a fournis pour me convaincre que les prix ne baissaient pas, et ne baisseraient probablement pas. La réalité est quand même très différente.
Aujourd’hui, j’ai deux aveux à faire. D’abord, je suis parvenu à manger au restaurant quelque part dans Lyon, où se trouve le siège de mon entreprise Tripalio (mais c’était vraiment une opération secrète). Ensuite, j’ai à cette occasion papoté avec un ami promoteur immobilier à qui je voulais acheter un bien. Il a fermement négocié les prix, selon une technique de vente que j’ai trouvée très intelligente. Je voulais partager avec vous ce que j’ai retenu de cette discussion concernant les prix de l’immobilier et leur évolution dans les prochaines semaines ou prochains mois.
Des situations très différentes sur le territoire
Dans tous les cas, s’il est à peu près acquis (nous y reviendrons plus loin) que les prix vont baisser, les variations seront très différentes selon les lieux et notamment la taille des villes où vous irez faire de la prospection.
Selon toute vraisemblance, les prix devraient baisser plus fortement dans les villes déjà frappées par la crise avant le coronavirus. On pense ici à des villes moyennes comme Nevers, Châteauroux, Avignon, probablement Poitiers. Mais il faut se montrer agile et flexible et ne pas avancer avec trop de certitudes carrées.
La récente recherche, directement liée au confinement et à ses petits inconvénients, de maisons avec jardin alors que le télétravail a le vent en poupe, pourrait redonner vie à des villes en plein naufrage. On pense à Saint-Quentin, qui est à une heure de Paris, où l’immobilier ancien est plein de promesses. Mais rien n’exclut qu’une ville à la mauvaise réputation comme Saint-Étienne, où le prix du mètre carré baisse régulièrement, ne retrouve des couleurs…
Plus que jamais, il faudra faire preuve de bon sens et d’attention, en regardant de près la valeur du bien à vendre, indépendamment de son environnement, car de belles surprises pourraient avoir lieu.
« la crise actuelle va certainement modifier en profondeur et durablement les projets immobiliers des Français avec de nouveaux critères d'achat prenant en compte les difficultés vécues durant cette période »
Président du groupe Capelli Tweet
Quel type de bien ? L’essentiel est là
Je viens d’évoquer la recherche de maisons avec jardin qui est devenu le nouveau mantra bobo. Il est très probable que les prix pour ces biens ne soient à la hausse dans un rayon de 100 kilomètres autour des grandes agglomérations dynamiques (Paris, Lyon, Toulouse, Nantes, notamment). Mais le prix des appartements dans ces mêmes lieux devraient en revanche être en repli. On pourrait donc assister à une nouvelle donne dans la valorisation immobilière, liée aux effets de la pandémie sur les modes de vie. Dans une même ville, les prix pourraient donc fortement baisser sur certains biens, et fortement augmenter sur d’autres types de biens.
Pour les prochaines semaines, la maison avec jardin a de belles heures devant elle. Mais nul ne sait combien de temps cette tendance durera. Rien n’exclut qu’il s’agisse d’un phénomène de courte durée sur lequel les investisseurs n’ont guère intérêt à parier.
Enfin, l’immobilier professionnel semble lui dans une tourmente irrémédiable. Le développement du télétravail devrait fortement diminuer la demande en bureaux dans un monde où la crise devrait provoquer la mort de nombreuses entreprises. La montée du chômage ne sera pas l’amie de l’investissement en immobilier professionnel.
Une tendance baissière, même si les professionnels disent le contraire
Les esprits sont donc tous rivés à la baisse des prix. Il faut dire que l’effondrement des transactions pendant le confinement et la crise qui s’annoncent ne constituent pas des environnements particulièrement propices à l’envolée du marché. En revanche, la proportion des variations à venir est encore inconnue. Pour l’instant, les professionnels de l’immobilier font bonne figure en multipliant les articles de presse indiquant que la baisse n’est toujours pas survenue. C’est la meilleure arme dont ils disposent pour enrayer les anticipations des acheteurs.
Pourtant, les langues commencent à se délier, et ceux qui farfouillent dans les annonces immobilières à Paris avaient bien, depuis quelques jours, le sentiment que la baisse avait commencé. La start-up Drimki vient de chiffrer le phénomène : les prix ont baissé de 5% à Paris. Tout indique que ce n’est qu’un début… et que, à Paris, la bulle immobilière qui a dangereusement gonflé ces dernières années sous l’effet des princes du Golfe et de l’expansion d’AirBnb, est en train d’éclater. L’effondrement des cours du pétrole et l’arrêt du tourisme de masse devraient confirmer ce mouvement dans les prochaines semaines.
Tout indique que des biens réservés à AirBnb devraient rapidement retourner à un usage d’habitation… ce qui gonflera l’offre et fera baisser les prix.
« 60 à 65 % des recherches portent sur des maisons en vente avec jardin contre 35 à 40 % sur des appartements, là où le rapport était de 50-50 avant le confinement » explique Michel Lechenault, responsable éditorial du Groupe SeLoger
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Tout dépendra de la trésorerie des vendeurs
Comme me le disait mon ami promoteur immobilier, la vitesse et la profondeur à laquelle les prix baisseront dépendra de la trésorerie des vendeurs. Plus vite ils auront besoin de vendre, meilleures seront les affaires pour les acheteurs.
Ce point est encourageant dans les métropoles où les touristes avaient capté une part substantielle de l’offre, notamment grâce aux sites de réservation en ligne. On pense à Paris, mais aussi à certaines villes très touristiques où Airbnb a fini par peser sur les prix. Beaucoup de propriétaires sont en fait des investisseurs de fortune qui se sont endettés en espérant un rendement rapide grâce à l’essor du tourisme.
Pour tous ceux-là, l’endettement constitue désormais une source de difficultés. Les échéances de prêt vont les obliger à vendre rapidement. Mais le montant du crédit à rembourser risque de les mettre dans une position attentiste.
Sur tous ces cas, il faut prendre le temps de regarder les situations pour faire les meilleurs choix.
Les 6 mois qui viennent seront profitables
Dans tous les cas, comme nous l’avons indiqué par ailleurs, l’investissement dans l’immobilier résidentiel, de préférence dans l’ancien, constitue une solution de repli pour tous ceux qui veulent protéger leur patrimoine sans le localiser à l’étranger. Mais cet investissement demandera patience et souplesse. Contrairement aux pronostics de certains, Paris offrira sans doute de belles opportunités, mais il faudra laisser du temps au temps. La crise est loin d’avoir produit tous ses effets, et l’automne apportera sans doute des opportunités.
On retiendra par ailleurs que les appels à la taxation de l’immobilier devraient bien se rajouter aux appels à la taxation de l’héritage au premier euro. Dans tous les cas, il faudra jouer serré.