De moins en moins de Français travaillent depuis 1975… L’INSEE vient de publier une série longue sur la population active en France (les plus de 15 ans) au sens du Bureau International du Travail (BIT), et les résultats sont sans appel : la part de la population active ne cesse de diminuer depuis cette date. Autrement dit, la part des Français qui produisent de la richesse ne cesse de diminuer, contrairement aux idées reçues.
Il faut absolument lire les statistiques de l’INSEE sur la population active en France depuis 1975, qui éclairent de façon très utile le débat sur l’emploi, mais aussi sur la croissance et sur les dépenses sociales. Les statistiques qui sont reprises et décortiquées ici sont établies par référence à la définition de la population active selon le Bureau International du Travail. Elles ne résultent donc pas d’un tripatouillage à la française, mais correspondent à des définitions internationales bien ancrées.
On soulignera qu’il s’agit ici d’une approche de la population active (les 15 ans et plus) en emploi et au chômage, rapportée à la population totale.
Le taux d’emploi baisse de 3 points en 35 ans
Le constat le plus évident est que le taux d’emploi en France a atteint un point culminant avec Raymond Barre. En 1980, près de 58,5% des Français de plus de 15 ans étaient soit en emploi, soit inscrits au chômage. Ce taux d’emploi a entamé une forte pente baissière avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. Pendant dix ans, la part des Français en emploi n’a cessé de baisser, pour atteindre un point bas à 55,5% en 1990.
On verra dans ce repli l’effet de la retraite à 60 ans, puis de la massification du baccalauréat.
Au tournant des années 2000, le taux d’emploi a repris une pente haussière, et a atteint un plateau entre 56% et 56,5% de 2002 à 2013. Le retour de la gauche a provoqué un nouveau plongeon vers les 55%, phénomène continu depuis 2013.
On tient ici une explication des piètres performances macro-économiques du pays : de moins en moins de Français travaillent ou sont en position de travailler.
L’effondrement de l’emploi des jeunes
Le point le plus marquant dans l’évolution de la population active depuis 1975 tient à l’emploi des jeunes. En 1975, 60% des 15 à 24 ans étaient en situation d’emploi. Cette proportion est passée sous la barre des 50% en 1987, puis sous la barre des 40% en 1991. Depuis cette époque, elle stagne autour de 38%.
Autrement, moins de 2 jeunes de 15 à 24 ans sur 5 est en emploi ou au chômage aujourd’hui, quand il étaient 3 sur 5 il y a près de 50 ans. On mesure la modification radicale que la massification de l’accès au baccalauréat puis à l’enseignement supérieur a produit dans la jeunesse française. Le travail est devenu l’exception, et l’étude la règle.
Le travail des seniors progresse
Pendant que le taux d’emploi des jeunes s’effondrait sous les coups de boutoir de la gauche, le travail des seniors entamaient une étrange courbe qui est passée par un effondrement dans un premier temps, puis par une remontée escarpée sous l’effet de l’allongement des durées de cotisation retraites.
Ainsi, en 1975, près de 40% des Français de 60 à 64 ans étaient en position d’emploi. Ce taux s’est littéralement effondré à 10,4% en 2000. Il est ensuite remonté, notamment du fait des politiques européennes, pour atteindre 25% en 2013 et 35% aujourd’hui. Après ce gros creux dû à l’abaissement brutal de l’âge de la retraite à taux plein, la catégorie des 60-65 ans a donc à peu près retrouvé aujourd’hui (tendanciellement) le taux d’emploi qui était le sien 50 ans plus tôt. Avec une espérance de vie bien supérieure toutefois.
La révolution du travail des femmes
Pendant que le taux d’emploi des jeunes diminuait comme neige au soleil (de même que celui des seniors, durant les années Mitterrand, ce qui donne un reflet assez précis des dégâts de cet épisode sur la place du travail dans la mentalité collective), le travail des femmes compensait partiellement ces phénomènes baissiers. Il ne faudrait toutefois pas surestimer le poids de cette féminisation du marché du travail.
Ainsi, elles étaient 43% en 1975 à exercer une activité ou à être au chômage. Après avoir atteint un pic de près de 52% (soit un gain de 9 points) en 2013, le taux d’emploi des femmes s’est légèrement replié depuis lors et flotte autour des 51,5% depuis les années 2010.
De façon tendancielle, le travail des femmes oscille donc bien à un niveau supérieur de 8 points environ à ce qu’il était au début de la crise pétrolière. Ce sont les femmes qui ont compensé la baisse du taux d’emploi dans les autres catégories de population.
Une diminution globale de la masse travaillée depuis cinquante ans
S’il existe un chiffre à retenir, une tendance générale, c’est celle du recul du travail dans notre société depuis un demi-siècle. Cette tendance systémique a commencé dès les années Giscard, avec l’allongement de la durée des études. Mais il est vrai que, sous Giscard, le taux d’emploi a battu des records. Il “couvait” des tendances baissières qui ont explosé avec les années Mitterrand. Les années Sarkozy ont permis de remonter partiellement la pente, mais l’arrivée de François Hollande aux affaires a enrayé cette “remontada”.
Si l’on admet l’hypothèse qu’il existe un lien structurel entre le taux d’emploi d’une société et sa prospérité globale, on comprend dans quelle ornière le pays se trouve.
dans la réalité votre analyse est parfaitement incomplète car elle prend en compte les gens qui travaillent mais pas les gens qui produisent de la richesse. En effet, les gens qui sont dans les administrations ne produisent rien et ne servent à rien : il suffit juste de voir les résultats des hopitaux et leur totale nullité. A ce jour le nombre de gens qui travaillent dans des activités qui produisent de la richesse est de l’ordre d’1 million ??? sur 62 millions d’habitants voir 70 ????
Mais qui sera capable de changer cela ???
ces tableaux de l’Insee sont effectivement très intéressants, merci de les mettre en évidence car ils permettent de quantifier certains faits de société. Vous pointez un certain nombre de tendances décrites dans les tableaux, voici quelques remarques complémentaires :
a) les tableaux de l’Insee mettent aussi en relief l’évolution démographique (vieillissement) de la population. Si le taux d’emploi des 15-24 (voire 15-29) s’effondre avec l’accès généralisé aux études supérieures, il est largement compensé par l’augmentation des populations plus âgées en emploi. Par ailleurs, le fait que les jeunes étudient plutôt que travaillent peut être une bonne chose pour la prospérité si cela permet d’augmenter leur productivité future.
b) l’emploi des femmes permet de compenser la baisse d’activité des hommes. Sur la tranche 15-64 le taux d’emploi augmente de 68% à presque 72%. Dans la population 15-70+ il baisse comme vous l’indiquez mais c’est dû à l’augmentation de la population très âgée, au global de la population (0-70+) en recherchant ailleurs les chiffres de la population, il passe de 42.3% à 44.8% (population employée / population totale). Les emplois occupés par les femmes sont probablement plus proportionnellement à temps partiel, ce qui influe sur la prospérité globale, mais cela le tableau ne le dit pas.
c) vous pointez justement la catastrophe qu’ont été les politiques Mitterrand, les chiffres permettent de le quantifier.
d) comment expliquer sociologiquement le fait suivant ? La tranche d’âge homme 40-44 passe de 98% d’actifs dans les années 75-80 (soit 2% d’inactifs), puis baisse tendanciellement jusqu’à 93.5% soit un triplement des inactifs dans cette tranche d’âge ?
Moins de Français.es travaillent, mais certain.es franges de la population accaparent les postes et les richesses. Les données chiffrées sont vérifiables mais l’analyse politique me semble hasardeuse, ou du moins, incomplète. De quels emplois s’agit-il ? (en 1975 et en 2020 ?) Qu’en est-il du recours à l’immigration de travail ? A quelles classes sociales profitent les métiers de l’informatique, de la sécurité, de la culture et de la création ? Pour moi, ce qu’il faut retenir, c’est que la France fabrique une jeunesse désoeuvrée et apathique qui risque de se réveiller trop tard, pendant que des séniors engrangent les revenus des carrières complètes, des placements financiers et immobiliers sans se soucier davantage du lendemain.