La planète de l’assurance-vie sera-t-elle prochainement secouĂ©e par un sĂ©isme appelĂ© H2O, filiale de Natixis, qui ressemble de plus en plus Ă une bombe Ă retardement ? Il est encore un peu tĂ´t pour le dire, mais des esprits chagrins pourraient interprĂ©ter les difficultĂ©s de ce fonds comme un signal avant-coureur pour l’ensemble de la place. Une fois de plus, le dĂ©calage entre le discours des financiers et la rĂ©alitĂ© prĂ©occupe et inquiète.Â
L’affaire H2O commence Ă prendre des proportions qui excèdent largement les actifs douteux en jeu. Ceux-ci sont estimĂ©s Ă 1 milliard seulement, mais les inquiĂ©tudes de la place se font de plus en plus pressantes. Cette fĂ©brilitĂ© n’est pas bon signe et interroge sur l’effet domino qui est susceptible de se produire dans les semaines Ă venir sur l’Ă©pargne française, et singulièrement sur les portefeuilles d’assurance-vie.Â
H20, c’Ă©tait trop beau pour ĂŞtre vrai ?
L’histoire commence en 2010, quand deux gĂ©rants de fonds français, Bruno Crastes et Vincent Chailley, s’installent Ă Londres et crĂ©ent le gestionnaires de fonds H2O, supposĂ© expert en “global macro”. D’emblĂ©e, Natixis prend 50% des parts de l’opĂ©ration.Â
Ce coup de pouce surprend un peu, puisque Crastes et Chailley crĂ©ent l’un de ces fonds dont la crise de 2009 a mis en Ă©vidence les risques et les dangers. Officiellement, H20 se prĂ©tend spĂ©cialiste dans la gestion alternative de type “global macro”, la gestion d’obligations internationales, d’obligations Ă©mergentes et de devises. Toutes ces expressions mystĂ©rieuses ont montrĂ© l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente qu’elles recouvraient souvent des produits toxiques. Mais la finance Ă©tant tĂŞtue… les mĂŞmes erreurs se rĂ©pètent d’annĂ©e en annĂ©e, de dĂ©cennies en dĂ©cennies.Â
Au-delĂ du blabla officiel sur le “global macro”, l’activitĂ© de H2O consiste essentiellement Ă acheter des produits spĂ©culatifs. Dans les premières annĂ©es, l’activitĂ© de la sociĂ©tĂ© fonctionne admirablement et s’attire les Ă©loges de la planète financière, notamment de MorningStar, qui classe plusieurs fonds d’H2O en tĂŞte des classements.Â
H2O Asset Management sera une société entrepreneuriale basée à Londres s’appuyant sur l’expertise d’une équipe de professionnels reconnus auprès des consultants et des clients institutionnels internationaux. A la tête de cette équipe, Bruno Crastes, 45 ans, CEO et Vincent Chailley 38 ans, CIO, bénéficient d’une expérience cumulée de près de 40 ans dans la gestion alternative de type "global macro", la gestion d’obligations internationales, d’obligations émergentes et de devises. H2O Asset Management a l’ambition de répondre aux besoins et aux attentes des clientèles institutionnelles et de particuliers en matière de transparence, liquidité et performance de leurs investissements.
H2O Tweet
Quand Natixis joue avec la dynamite
Face aux rĂ©sultats flambants de H2O, Natixis dĂ©cide, en 2017, de prendre un risque supplĂ©mentaire en donnant aux particuliers accès aux investissements du gestionnaire d’actifs. Cette dĂ©cision se traduit par la crĂ©ation et la distribution, par exemple, de “Selectiz”, un fonds commun de placement qui propose des actifs gĂ©rĂ©s par H2O. Comme si souvent dans la finance, le gain Ă court terme donne faim. Et on repousse Ă plus tard le moment oĂą il faudra expliquer clairement que celui qui peut gagner beaucoup peut aussi perdre beaucoup.Â
RĂ©sultats : en avril 2020, Natixis a eu très chaud en suivant les performances de son fonds…. Le graphique ci-dessous en donne la preuve.Â

Bruno Crastes n’a-t-il pas su s’arrĂŞter Ă temps ?
Face Ă cette magnifique success story, on comprend que le directeur gĂ©nĂ©ral d’H2O se soit senti pousser des ailes. En 2015 (soit deux ans avant la commercialisation des produits auprès des petits Ă©pargnants), il dĂ©cide de s’exposer Ă des risques nouveaux, en l’espèce Ă celui des sociĂ©tĂ©s de crĂ©dit europĂ©ennes. H2O bascule alors dans l’opacitĂ© des investissements, et fait entrer des actifs peu liquides dans sa besace.Â
Ce que les analystes vont surtout retenir, c’est que Crastes travaille en collaboration avec un investisseur allemand appelĂ© Lars Windhorst, qui ne jouit pas d’une excellente rĂ©putation sur la place. Mais les rumeurs ne semblent pas influencer la stratĂ©gie de Crastes qui finit, en mai 2019, par entrer au conseil de surveillance du fonds gĂ©rĂ© par Windhorst.Â
Ce mouvement est probablement le faux pas qu’il ne fallait pas faire, car il accrĂ©dite l’idĂ©e que H2O donne des coups de pouce Ă un financier douteux qui spĂ©cule sur des produits toxiques. En juin 2019, le Financial Times donne l’assaut et produit un article qui met en cause la liquiditĂ© des actifs d’H2O. ImmĂ©diatement, le “fund run” commence, et, en 10 jours, 20% des en-cours sont dĂ©collectĂ©s par les souscripteurs.Â
L’Autorité des marchés financiers confirme avoir demandé à la société H2O Asset Management LLP la suspension des souscriptions et des rachats des parts des OPCVM H2O ALLEGRO, H2O MULTIBONDS et H2O MULTISTRATEGIES afin de préserver l’intérêt des porteurs de parts et du public. Le régulateur prend acte de la décision du gestionnaire de suspendre ces 3 fonds et d’étendre cette suspension à 5 autres fonds de sa gamme comme l’indique la société de gestion dans son communiqué de presse. Ces 5 autres fonds sont 4 OPCVM : H2O Adagio, H2O Moderato, H2O MultiEquities, H2O Vivace, et 1 FIA : H2O Deep Value. L’AMF prend également acte de l’intention de la société de gestion de transférer une partie des actifs des fonds concernés dans de nouveaux OPCVM qui devront faire l’objet d’un agrément.
28 août 2020, AMF Tweet
Le coronavirus s’en mĂŞle
Après un Ă©tĂ© 2019 compliquĂ©, et fâcheux pour Natixis qui a tout d’une maison mère d’H2O dans l’esprit de la place, la survenue de la crise boursière de mars 2020, dans la foulĂ©e du coronavirus, n’arrange pas les affaires de Crastes. A dire vrai, H2O dĂ©visse avant mĂŞme le confinement, notamment du fait de placements risquĂ©s sur le marchĂ© du pĂ©trole. Mais il est un fait que les semaines qui suivent n’arrangent rien. Les performances de Selectiz ci-dessus donnent une assez bonne idĂ©e des perturbations profondes qui se produites dans la foulĂ©e des dĂ©gringolades boursières.Â
Sur l’ensemble des fonds d’H2O, la prĂ©sence d’actifs illiquides, c’est-Ă -dire impossibles Ă “racheter” (donc toxiques) devient un problème majeur. Les moins-values sur les autres actifs provoquent mĂ©caniquement leur surreprĂ©sentation dans les fonds, au-delĂ des limites rĂ©glementaires. En l’espèce, on parle de 15% de titres illiquides sur certains fonds gĂ©rĂ©s par H20. Cette situation a conduit l’AMF Ă dĂ©cider, fin aoĂ»t 2020, d’ordonner le “gel” de ces fonds, c’est-Ă -dire l’interruption de toute transaction sur ces fonds.Â
Pour Natixis, l’effet est quand mĂŞme assez fâcheux (d’ailleurs, le directeur gĂ©nĂ©ral, l’Ă©narque Riahi recrutĂ© par François PĂ©rol en 2009, est parti cet Ă©tĂ© sur le pointe des pieds). Â
Angoisse pour l’assurance-vie
Ă€ l’occasion de ce dĂ©sastre qui interroge sur la capacitĂ© de Natixis Ă auditer ses prises de risque, toute la question est de savoir dans quelles proportions l’assurance-vie Ă la française est vĂ©rolĂ©e par ce genre de paris totalement hasardeux, oĂą le copain d’un Ă©narque qui s’imagine qu’ĂŞtre chef d’entreprise est facile vous plante un couteau dans le dos en fricotant avec un investisseur plus ou moins vĂ©reux qui vous promet de l’argent facile. Personne n’a la rĂ©ponse aujourd’hui, mais les dĂ©clarations rassurantes de la sphère financière sur cette affaire interrogent. Cache-t-on une dĂ©stabilisation en profondeur ? Rien ne l’exclut, et ce qui met la puce Ă l’oreille, c’est l’empressement du petit monde de la finance Ă parler tous les jours de H2O comme si c’Ă©tait l’affaire du siècle. Pour une broutille Ă un milliard, pourquoi tant d’agitation ?
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Bonjour,
Tout avait été écrit et décrit par plusieurs courriers avec RAR au ministre de l’Economie.
Le principal problème est l’évaluation comptable des fonds communs de placement qui ne tient pas compte des réalités financières de l’offre/demande.
En effet, la règle comptable mark-to-market (dite valeur de marché) de valorisation des fonds communs de placement, les fonds communs de placement ne sont pas des produits financiers mais des copropriétés, se contentant de prendre le cours fermeture comme référence de valorisation COMPTABLE des fonds n’a aucune réalité financière. Dès lors, il suffit de ventes plus importantes qu’envisagées par le gestionnaire pour que cela implose. Au demeurant, plusieurs courriers RAR avaient été envoyés en alerte ces derniers mois au ministre de l’Economie. Courriers reprenant les propos des ex-présidents de l’AMF avertissant des risques Merci