La baisse des retraites est un sujet urticant pour les Français, mais, nous le répétons souvent, inévitable et incontournable dans les prochains mois pour le gouvernement. Les fédérations AGIRC-ARRCO en donnent le premier signal (encore modeste, certes, mais c’est une préfiguration de la suite) avec un gel des pensions au 1er novembre. C’est la façon la plus simple et la plus indolore de dégrader les retraites… en attendant la grande réforme que le gouvernement annonce.
La saison de la baisse des retraites est ouverte cette année par l’AGIRC-ARRCO. Dès le 1er novembre, les pensions complémentaires devraient être gelées. Le début d’une longue série pour les retraités.
Baisse des retraites AGIRC-ARRCO
La première baisse de la saison devrait être indolore. Elle se résume à ne pas revaloriser le point à la date prévue, comme l’a évoqué le conseil d’administration de l’AGIRC le 30 septembre. C’est la méthode la plus simple pour dégrader les pensions : les geler quand les prix augmentent. Heureusement, l’inflation est historiquement basse et la revalorisation prévue se limitait à un tout petit 0,1%. Les retraités devraient s’en remettre.
Les partenaires sociaux entrebâillent toutefois une porte qui n’est pas anodine : si le gouvernement voulait faire le « même coup » sur les retraites de la CNAV, il jouerait désormais sur du velours.
Avec la catastrophe économique que l’on connaît, c’est déjà bien pour les retraités de l’Agirc-Arrco de garder le montant de pension par rapport à ce que subissent globalement les actifs.
Philippe Pihet, FO Tweet
Attention à la réforme des retraites qui va reprendre
Cette décision de l’AGIRC-ARRCO devrait en effet faire précédent pour la version deux de la réforme des retraites prévue par Emmanuel Macron. Depuis l’été, les membres du gouvernement n’ont de cesse de rappeler que cette réforme sera reprise, moyennant un certain nombre de modifications, dont la teneur n’est pas encore connue, au printemps prochain.
Ces derniers jours, Bruno Le Maire l’a redit : la réforme est impérative pour « rétablir l’équilibre des comptes sociaux ». On se souvient ici que Jean Castex a proposé cet été d’attendre le diagnostic du Conseil d’Orientation des Retraites avant d’aller plus loin. On voit donc bien l’orientation de cette réforme : diminuer les dépenses pour réduire les déficits.
Les partenaires sociaux enclins à faire des efforts
Comme l’a dit Philippe Pihet, de FO, que nous citons ci-dessus, les retraités peuvent s’estimer déjà très heureux de garder leur retraite actuelle, quand tous les salariés vont entrer dans une cure d’austérité forcée par la situation économique. Qu’un syndicat comme FO prenne une position de ce genre donne la mesure de la facilité avec laquelle le gouvernement devrait « rentrer dans le dur » du sujet dans les prochains mois.
Progressivement, la modération des retraites devrait apparaître comme une mesure de justice sociale… voire une baisse des prestations. Dans une certaine mesure, les syndicats de salariés accepteront même plus facilement une baisse des retraites, qui mettra les retraités dans le même bateau que les salariés, plutôt qu’un allongement de durée de cotisations, qui frappera des salariés éprouvés par la crise et par le chômage qui arrive.
Attention, donc, aux ajustements du gouvernement, qui pourraient en surprendre plus d’un. Reste à savoir si Emmanuel Macron osera toucher au tabou de cette réforme très sensible.
Il faut faire cette réforme au moment où le président de la République et le Premier ministre le jugeront utile, a-t-il encore indiqué. Mais elle est nécessaire pour rétablir l'équilibre des comptes sociaux, pour garantir aux jeunes générations qui entrent sur le marché du travail qu'eux aussi auront une retraite, et pour avoir un système plus simple, plus juste et plus lisible.
Bruno Le Maire Tweet
Ce qu’on sait déjà et ce qu’on ne sait pas encore de la réforme
En l’état, tout n’est pas secret sur le contenu de la prochaine réforme des retraites. Comme nous l’indiquions la semaine dernière, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a d’ores et déjà mis sur les rails l’absorption de l’AGIRC et de l’ARRCO par le régime général. D’ailleurs, des groupes comme AG2R ont d’ores et déjà acté la « perte » de leurs services de retraite complémentaire au profit de l’État.
Ce point fera forcément partie de la réforme.
En revanche, on ne sait pas si Emmanuel Macron poussera les feux jusqu’à réformer la retraite des fonctionnaires, dont le coût pour les finances publiques est colossal. On ne sait pas non plus s’il assortira le très probable allongement de la durée de cotisations d’autres mesures désagréables.
Nous venons de voir que le gel des retraites est d’ores et déjà préparé. Mais il faudra vérifier qu’il ne s’assortit pas de quelques à-côtés qui saleraient encore plus la note.
Sous la pression des créanciers internationaux
Dans tous les cas, Standard & Poor’s vient d’envoyer un signal très fort sur l’urgence de cette réforme. Officiellement, l’agence de notation ne dégrade pas la note de la France en redisant sa confiance dans les réformes de structure : « Nous estimons que les récentes réformes économiques, budgétaires et structurelles gouvernementales ont amélioré la capacité de l’économie à affronter le choc temporaire actuel », affirme l’agence. Voilà une façon très élégante de dire que, sans réformes « structurelles », la note de la France sera rapidement dégradée.
Si Emmanuel Macron cherchait un argument pour choisir le moindre des maux, il l’a trouvé : il va falloir avaler la pilule de l’allongement de durée de cotisations, voire de l’alignement de l’âge légal de départ à la retraite sur nos voisins européens.
Sauf erreur de ma part cela fait déjà quelques années que les pensions de l’ARRCO subissent des hausses symboliques et se dévalorisent par rapport à l’inflation affichée et encore plus par rapport au taux réels. Donc cela ne devrait pas trop secouer!