Nous avions, il y a plusieurs semaines, évoqué les projets français de surtransposition du droit communautaire en matière de circulation de l'argent liquide. Pour mémoire, divers règlements de l'Union Européenne prévoient une nouvelle réglementation plus restrictive, en matière de circulation d'argent liquide. L'une des conséquences de ces innovations qui doivent entrer en vigueur le 3 juin 2021 tient notamment à la "barre" au-dessous de laquelle l'argent liquide peut circuler. Dans une version initiale, la transposition française prévoyait des mesures de circulation très restrictives. Après notre article d'alerte, le texte a été assoupli par le Sénat, et la mesure finalement retenue évite une déclaration systématique en douane sous 10.000€ et en limite l'effet. Voici ce que les textes prévoient.
Mais qu’a bien pu prévoir le texte que nous avons évoqué il y a quelques semaines limitant la circulation de l’argent liquide dans l’Union Européenne ? Finalement, le 3 décembre, le Président a promulgué la loi adoptée par le Sénat et l’Assemblée sur ce sujet. Le texte final mérite quelques commentaires car il a intelligemment « modéré » les excès du texte initial que nous avions dénoncé.
Que dit finalement la loi sur la circulation d’argent liquide ?
Finalement, l’article 11 du projet de loi de transposition dont nous avons beaucoup parlé est devenu l’article 13 de la loi promulguée par le président de la République. Il prévoit ceci :
« Art. L. 152-4-1.-I.-Lorsqu'il existe des indices que de l'argent liquide, au sens du règlement (UE) 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant dans l'Union ou sortant de l'Union et abrogeant le règlement (CE) n° 1889/2005, d'un montant inférieur à 10 000 €, transporté par porteur ou faisant partie d'un envoi sans l'intervention d'un porteur, en provenance d'un Etat non-membre de l'Union européenne ou d'un Etat membre, ou à destination de tels Etats, est lié à l'une des activités énumérées au 4 de l'article 3 de la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/ CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/ CE de la Commission, les agents des douanes peuvent le retenir temporairement selon les modalités prévues au II de l'article L. 152-4 du présent code. « Les motifs de la retenue temporaire sont notifiés au porteur, à l'expéditeur ou destinataire de l'argent liquide, ou à leur représentant, selon le cas. Ces derniers sont tenus de fournir à l'administration des douanes des informations dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat.
Loi du 3 décembre 2020 Tweet
Autrement dit, comme le dit le texte, il faut retenir plusieurs points majeurs :
- l’obligation de déclaration sur l’argent liquide sous 10.000€ incombe au porteur ou à un envoyeur qui ne serait pas porteur. Autrement dit, elle pèse sur ceux qui transportent l’argent ou sur ceux qui l’envoient.
- tout indice laissant à penser qu’une somme d’argent liquide provient du blanchiment d’activité mafieuse (comme le trafic de drogue) ou participe du terrorisme autorise les services de douane à saisir l’argent en attendant que des preuves soient fournies sur son origine.
- s’il n’existe pas d’obligation de déclaration sous 10.000€, il existe un pouvoir inquisitorial des douanes pour obtenir des preuves sur l’origine de cet argent
- les motifs de retenue de l’argent doivent être explicités par les douaniers dans un courrier porté clairement à la connaissance du destinataire. Toutefois un décret en Conseil d’Etat doit préciser les modalités de tout cela.
Dans tous les cas, on retiendra qu’il n’existe plus d’impunité dans la circulation de l’argent liquide sous 10.000€. Les douaniers seront désormais dotés d’un pouvoir inquisitorial discrétionnaire, qui peut s’avérer redoutable. En cas de problème (du type « panique bancaire »), tous ceux qui tenteraient de quitter la France avec 5.000€ en liquide risquent de voir leur argent retenu à la frontière.
On ajoutera que cette mesure concerne autant les porteurs que ceux qui envoient de l’argent. Toute la difficulté consiste à savoir comment les douaniers pourront vérifier qu’un envoi postal comporte des billets de banque. Dans la pratique la loi ne pose aucune limite à cette vérification. On y fera bien attention. Comme nous l’avons déjà écrit, cette disposition est liberticide et signe la fin du secret de la correspondance.
Bref, tous ceux qui s’imaginaient pouvoir contourner la loi en envoyant de l’argent liquide par la poste pour éviter les contrôles douaniers n’auront plus qu’à bien se tenir. Une modification légale à bien méditer…
Magnifique !…
Un gouvernement incapable de gérer son propre budget va venir nous donner des leçons pour gérer le nôtre.