Le contrôle Urssaf est extrêmement encadré par toute une batterie de règles de procédures dans lesquelles même le juge se perd. Les entreprises contrôlées ont donc tout à gagner à contester un éventuel redressement dont elles feraient l'objet, tant le cadre légal et réglementaire est touffu. Sur ce sujet, la Cour de cassation vient de rendre une décision intéressante à propos d'une mauvaise interprétation du droit par la cour d'appel dans le cadre d'un redressement Urssaf.
Léo Guittet
Docteur en droit, chief data officer de Tripalio
La décision rendue par la Cour de cassation le 7 janvier dernier implique une société qui a été contrôlée sur la période 2012-2014. A l’issue de ce contrôle, l’Urssaf d’Ile-de-France a envoyé une lettre d’observations à l’entreprise datée du 7 juillet 2015. Cette lettre détaille les chefs de redressement en prenant soins de préciser, pour chacun d’eux, le mode de calcul et le montant dû par l’entreprise : ce formalisme est spécialement prévu par le code de la sécurité sociale.
C’est à partir de là que l’affaire se gâte. En effet, la société contrôlée a répondu à ce courrier d’observation dans le délai imparti en faisant notamment valoir que certains calculs étaient erronés. L’Urssaf a alors répondu à ce courrier de l’entreprise par une nouvelle lettre, datée du 4 septembre 2015, acceptant de revoir à la baisse le montant du redressement (ainsi passé de 321 919 € à 314 027 €). C’est justement sur le formalisme de cette dernière lettre de l’Urssaf que le litige porte : s’agit-il d’une nouvelle lettre d’observations qui doit respecter un formalisme précis ? Ou s’agit-il seulement d’un courrier de réponse de l’Urssaf ? La question est très importante car sa réponse détermine la validité du redressement ordonné le 18 septembre 2015.
Redressement Urssaf : la réponse de l’inspecteur n’est pas une lettre d’observations
En analysant les faits de l’affaire, la cour d’appel considère que le courrier de réponse de l’Urssaf, daté du 4 septembre 2015, aux observations de l’entreprise contrôlée est bel et bien une nouvelle lettre d’observations. Selon le juge d’appel « l’inspecteur du recouvrement, qui a procédé à un nouvel examen du dossier au vu des éléments apportés par la société, a revu partiellement le montant du redressement« . Le juge poursuit en indiquant que le courrier de réponse de l’inspecteur propose un montant minoré de redressement. Il en tire alors deux conséquences.
Premièrement, ce courrier de réponse devient une nouvelle lettre d’observations destinée à remplacer celle du 7 juillet 2015. Deuxièmement, ce courrier devrait donc respecter le formalisme prévu par l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale (dans sa version applicable au litige). Or, le juge d’appel le constate clairement : la lettre de réponse du 4 septembre 2015 ne donne pas les éléments de calcul et ne permet pas à l’entreprise de savoir comment l’Urssaf a réduit le montant du redressement. Il en déduit donc que cette lettre d’observations ne respecte pas le formalisme prévu par le code de la sécurité sociale. Par conséquent, la cour d’appel prononce la nullité de ce courrier qui entraine la nullité de la lettre d’observations initiale du 7 juillet 2015 et de tous les actes de redressement qui en découlent.
Face à cette victoire de l’entreprise redressée, l’Urssaf conteste la décision de la cour d’appel devant la Cour de cassation. Cette dernière a une toute autre vision de la situation. Le juge de cassation se fonde sur l’interprétation stricte de l’article R. 243-59 précité du code de la sécurité sociale. Il en déduit que :
« La lettre par laquelle l’inspecteur du recouvrement répond, en application de ce texte, aux observations formulées par le cotisant à la suite de la notification de la lettre d’observations, ne constitue pas une nouvelle lettre d’observations »
Tout est dit ! Seul le premier courrier envoyé le 7 juillet 2015 constitue la lettre d’observations qui doit permettre à l’entreprise redressée de déterminer les bases et modes du calcul de l’Urssaf. La lettre de réponse envoyée le 4 septembre 2015 à l’entreprise par l’inspecteur chargé du redressement ne remplace pas la lettre d’observations initiale. La Cour de cassation décide donc de casser la décision de la cour d’appel et de permettre au redressement d’avoir lieu.
Bon à savoir : la version actuellement applicable de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale indique désormais que la réponse de l’Urssaf aux observations de la personne contrôlée doit détailler « par motif de redressement, les montants qui, le cas échéant, ne sont pas retenus et les redressements qui demeurent envisagés ». Le courrier de réponse n’a donc toujours pas à donner le mode de calcul du redressement, contrairement à la lettre d’observations.
Cette décision du juge de cassation remet finalement les pendules à l’heure, aussi bien pour la cour d’appel que pour les entreprises redressées : non, le formalisme de la lettre d’observations n’a pas à être respecté dans le courrier de réponse de l’Urssaf aux observations de l’entreprise.